Pourquoi les ventes de terrains de l'Etat ne décollent pas

Les espoirs mis dans les cessions des terrains de l'Etat afin de construire plus de logements étaient grands. Mais les acheteurs ne se bousculent pas au portillon.
Mathias Thépot
La RATP fait partie des établissements publics sollicités pour céder du foncier afin d'y faire construire des logements.

Les pouvoirs publics fondaient de grands espoirs dans la loi sur la mobilisation du foncier public du 18 janvier 2013, afin de redynamiser la construction de logements, notamment sociaux. Le principe de cette loi est en fait un paiement en nature : elle donne la possibilité à un agent économique qui souhaite acheter un terrain de l'Etat ou d'un établissement public (SNCF, RFF, RATP, VNF...) d'obtenir une réduction s'il accepte de construire des logements sociaux sur le terrain qu'il achète. Ainsi, le gouvernement espérait pouvoir mobiliser le foncier public pour détendre la pression sur les prix de l'immobilier dans les zones tendues, et permettre à certains programmes de logements sociaux de pouvoir voir le jour.

Les terrains potentiellement disponibles ne manquent pas : dans leur livre « A qui appartient la France ? »*, les journalistes Denis Boulard et Fabien Piliu (La Tribune), qui ont eu accès au logiciel de l'administration dédié à l'inventaire de l'immobilier de l'Etat, indiquent que 15 % du parc immobilier de l'Etat est non utilisé, soit 11 millions de mètres carrés. Ces surfaces vacantes sont des casernes du ministère de la Défense - près du tiers des surfaces inoccupés appartenant à l'Etat - des bureaux ou des logements de fonction vacants.

L'appel d'air n'a pas eu lieu

Pourtant un peu plus de 18 mois après la publication de la loi au Journal officiel, ses effets sur le foncier public se font faiblement ressentir. Début 2015, Thierry Repentin, le président de la Commission nationale de l'aménagement de l'urbanisme et du foncier (CNAUF), expliquait que seulement 11 terrains de l'Etat avaient été cédés, en plus d'un terrain ferroviaire, avec des décotes variant de 26% à 84%. Ce qui « représente la construction à venir de 3.000 logements, dont 2.000 sociaux », estimait-il.

De l'avis de tous, c'est trop peu. « L'appel d'air n'a pas eu lieu », regrette Philippe Bauchot, délégué à l'action foncière et immobilière au ministère du Logement. « Il n'y a pas eu grand monde à s'être présenté au guichet », a-t-il ajouté lors des matinales parlementaires de la construction et du logement qui se tenaient mardi matin. Les chiffres des cessions sont certes meilleurs depuis le début de l'année 2015, mais « les volumes augmentent lentement. Il faut laisser le temps au temps, la gestation des opérations immobilières est lente, avec une forte inertie », juge Philippe Bauchot.

Une erreur tactique ?

Le haut fonctionnaire se demande toutefois si les pouvoirs publics n'ont pas commis une erreur tactique. « Les acteurs économiques ont été moins intéressés par le dispositif que nous le croyions », avoue-t-il. Clairement, « il était un peu trop simple de penser que l'on pourrait effacer tous les freins à la libération du foncier public en abaissant uniquement son prix », ajoute-t-il.

Il vise notamment les freins liés aux collectivités locales, ainsi qu'à l'implication des promoteurs et des bailleurs sociaux dans ce type d'opérations.
Du reste, comme le soulignait le député Michel Piron (UDI), les pouvoirs publics se heurteront toujours à la solidité de l'actif immobilier pour convaincre certains opérateurs de céder leurs biens : « par exemple on ne peut pas demander à RFF d'investir alors même qu'on lui demande de céder des actifs qu'il pourrait mettre en garantie pour se financer », s'inquiète-t-il.

France Domaine s'adapte

Philippe Bouchot se veut toutefois optimiste. Car il constate que les services de France Domaine, en première ligne sur les cessions des terrains de l'Etat, « adaptent mieux leurs paradigmes au marché : désormais ils ne se disent plus qu'ils vendront les terrains de l'Etat au juste prix (quitte à faire de la rétention foncière ndlr), mais plutôt que l'Etat sera en partie payé en engagements de construction de logements sociaux », explique Philippe Bauchot.

En guise de solutions, le haut fonctionnaire prône par ailleurs de multiplier les petites opérations, qui par définition émergent plus rapidement, mais aussi que l'Etat ne soit plus dans une démarche attentiste de guichetier et démarche davantage les acteurs économiques pour vendre ses terrains.

*"A qui appartient la France ? ", par Denis Boulard et Fabien Piliu. Editions First, 16,95 euros

Mathias Thépot
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