Présidentielle 2017 : pour Bruno Le Maire, le CDD est mort, vive le COD !

Parmi ses nombreuses propositions pour réformer le droit du travail, le candidat à la primaire propose de fusionner tous les types de CDD dans un "contrat à objet défini" (COD) qui pourrait être conclu pour la durée d'une mission. Or, ce COD existe quasiment déjà dans le code du travail...
Jean-Christophe Chanut
Dans son "contrat présidentiel", Bruno Le Maire propose de fusionner tous les CDD dans un mécanisme unique, baptisé COD, de plafonner à 15 mois les indemnités prud'homales, de faciliter la rupture des CDI et d'étendre la pratique du referendum d'entreprise.

Mille pages, plus de quatre kilos dans sa version papier... « Le contrat présidentiel » est le pavé lancé cette semaine par Bruno Le Maire, député « Les Républicains » (LR) de l'Eure, l'un des huit candidats à la primaire de la droite. Comme autrefois à la Samaritaine, on trouve tout dans ces mille pages : la méthode de gouvernement (recours aux ordonnances), les propositions pour réduire les déficits publics, la politique de la santé, l'organisation territoriale, la politique en faveur du développement des entreprises, etc.

Globalement, les propositions de Bruno Le Maire sont sensiblement identiques à celles des autres concurrents. Par exemple, il se prononce pour la fin des 35 heures légales, la suppression de 500.000 emplois publics, le relèvement du quotient familial, la suppression de l'ISF, la baisse de la CSG, la dégressivité des allocations chômage, le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite... Jusque-là, donc, rien de bien original pour un candidat à la primaire de la droite

Des propositions qui diffèrent parfois de celles des autres candidats à la primaire

Mais, sur certains points, l'ancien ministre de l'Agriculture fait entendre sa différence. Ainsi, il propose tout bonnement de supprimer la fonction publique territoriale. Les agents redevenant de simples salariés de droit privé. De même, il prône une allocation de solidarité unique, remplaçant toutes les allocations actuelles.

C'est dans le domaine du droit du travail et des relations sociales que Bruno Le Maire joue une petite musique originale, du moins sur certaines mesures. Globalement, il veut faire de la loi El Khomri... à la puissance dix, en mettant fin au « monopole » syndical lors du premier tour des élections professionnelles, en généralisant la pratique du referendum d'entreprise, en donnant une très large autonomie à l'accord d'entreprise, etc.

Mais la grande idée de Bruno Le Maire pour « flexibiliser » le marché du travail serait l'instauration d'un « contrat à objet défini », le COD. Pour l'instigateur de ce COD, « Il est impératif de favoriser l'entrée dans l'emploi par la simplification et la sécurisation des CDD, puis d'encourager les passerelles vers les CDI ». Ce serait l'objet du COD.

Concrètement, donc, Bruno Le Maire propose de fusionner toutes les formes actuelles de CDD - il en existe une douzaine - dans un seul contrat : le contrat à objet défini. Ce COD serait soit conclu pour accomplir une mission quelle qu'en soit la durée, soit conclu pour une durée déterminée.

Un COD mieux rémunéré qu'un CDI

En contrepartie, le salarié en COD percevrait une indemnité de précarité qui s'ajouterait à son salaire et augmenterait en fonction de la présence des salariés dans l'entreprise. Cette indemnité, selon Bruno Le Maire, « incitera financièrement les employeurs à basculer les COD en CDI au-delà d'une certaine durée, le salarié en COD coûtant progressivement de plus en plus cher ».

Sur les douze premiers mois, cette indemnité serait égale à 10 % des sommes perçues ; les douze mois suivants le taux passerait à 15 % puis à 20 % au-delà de 24 mois.

Pour le candidat, la législation actuelle sur les CDD serait assouplie à l'occasion de la création du COD. Ainsi, quand il existerait une durée définie du contrat, celle-ci serait de trois ans (au lieu de 18 mois dans le cas général actuellement) et le nombre de renouvellements serait porté à cinq (au lieu de deux à l'heure actuelle). Le délai de carence entre deux contrats serait supprimé et les motifs de rupture autorisés en cours de contrat seraient les mêmes que pour le CDI, alors qu'actuellement, ils se limitent au cas de force majeure et à la faute grave du salarié.

Bruno Le Maire précise bien que cette réforme devra être mise en place « dans les toutes premières semaines du quinquennat ». Pour ce faire, il abrogera les dispositions du Code du travail, issues de la loi Larcher de 2007, qui imposent une concertation préalable avec les organisations syndicales et patronales. Pour lui, « seule la légitimité du suffrage universel pourra permettre la mise en œuvre de cette réforme »...

Parallèlement, Bruno Le Maire compte aussi modifier les règles régissant le contrat à durée indéterminée (CDI) en instituant des motifs prédéterminés de rupture du contrat de travail. Par ailleurs, les dommages et intérêts accordés par les prud'hommes en cas de licenciement abusif seront encadrés, les indemnités octroyées seront égales à un mois par année d'ancienneté, avec un plafond de quinze mois.

Des mesures adaptées à la réalité du marché du travail?

Avec tout ce dispositif, Bruno Le Maire estime que « les freins à l'embauche seront levés. Les entreprises seront encouragées à privilégier le CDI afin de minimiser les coûts salariaux ». Mais est-ce si certain ?

Remarque préalable. Il n'a pas dû échapper à Bruno Le Maire que son fameux COD... existe déjà dans le Code du travail. Du moins, dans une forme quasi similaire. En effet, la législation actuelle autorise la conclusion d'un « CDD à objet défini » qui peut être conclu pour une durée maximale de 36 mois et prend fin quand la mission est terminée... Mis en place à titre expérimental pour une période de 5 ans par la loi de modernisation du marché du travail en 2008, votée sous... Nicolas Sarkozy, ce type de CDD fut pérennisé à la fin de l'année 2014. Or, ce véritable contrat de mission, réclamé à cors et à cris par les organisations patronales, Medef en tête, ne rencontre qu'un succès très limité...

Par ailleurs, avec ses mesures, Bruno Le Maire espère lutter contre la précarité et la multiplication des contrats courts. Il convient de faire un petit retour en arrière. Dès le début des année 1980, le CNPF (l'ancêtre du Medef) a mené de violentes campagnes - notamment sous l'égide d' Yvon Gattaz, le père de Pierre, actuel président du Medef - pour faciliter le recours aux CDD et à l'intérim. Il a été en grande partie entendu. Résultat, durant une quinzaine d'années, les gouvernements, de droite ou de gauche, n'ont eu de cesse d'élargir les possibilités de recours à ces types de contrats et à en allonger la durée. Un CDD peut maintenant être signé pour 18 mois, voire plus dans certains cas. Conséquence, les entreprises, qui n'ont pas toujours une grande visibilité sur leurs carnets de commandes, ont multiplié les recrutements « précaires ». Il n'est donc pas du tout étonnant que ces contrats aient « explosé ». C'était même prévisible.

Un quart des CDD ne dépasse pas deux jours...

En outre, selon les données de la Dares (service statistiques du ministère du Travail), la montée en puissance des CDD dans les embauches depuis les années 2000 se caractérise par une réduction de la durée de ces contrats. Ainsi, pour la moitié des personnes ayant terminé un CDD en 2013, la durée du contrat a été de... 10 jours ou moins, contre 14 jours en 2012. Pis, un quart des CDD n'ont pas dépassé 2 jours !

Les CDD très courts se retrouvent essentiellement dans le tertiaire où la moitié des CDD dure 8 jours ou moins. Rien de pareil dans l'industrie et la construction, où les durées médianes sont respectivement de 62 et 90 jours.

Résultat de cette augmentation du nombre des CDD, le taux de rotation (soit la moyenne du taux d'entrée et du taux de sortie pour l'ensemble des contrats) atteint 58,5 %, en hausse de 6,6 points par rapport à 2012.

A la lumière de ces données, les propositions de Bruno Le Maire apparaissent un peu décalées. La création de son COD ne permettra pas d'éviter la multiplication des contrats courts qui correspondent à une « optimisation » de la gestion du personnel par les entreprises. Et ce d'autant plus que les règles d'indemnisation du chômage par l'Assurance-Chômage encouragent le turnover, en amortissant les conséquences néfastes pour le salarié.

Par ailleurs, en facilitant les ruptures du contrat de travail des salariés en CDI et en CDD/COD, ne risque-t-on pas d'accroître encore davantage le taux de rotation de l'emploi (turnover) sur le marché du travail, mais pour tout le monde cette fois ?

Jean-Christophe Chanut
Commentaires 8
à écrit le 20/09/2016 à 11:34
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"Bruno Le Maire pour « flexibiliser » le marché du travail serait l'instauration d'un « contrat à objet défini », le COD". Par contre ses gosses en CDI, bien sur

à écrit le 20/09/2016 à 10:59
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Le Maire créé encore plus de précarité a l'anglo-saxon ultra-libéral, suivez votre guide !

à écrit le 19/09/2016 à 20:52
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il faudra appliquer le CDO aux deputes nationaux et europeens ,ainsi qu'aux senateurs enfin aux maires de ville de plus de 10 000 habitants voila une justice plus juste et non pas a sens unique .

à écrit le 19/09/2016 à 17:55
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Des larmes du sang et de la sueur pour ceux qui votent et la bonne place riche en privilèges aux frais de ces mêmes électeur pour le vainqueur? Non merci Je propose que le vainqueur de la présidentielle ait un cdd de 5 an non renouvelable payé au sm...

le 20/09/2016 à 7:26
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100% d'accord ! Bravo, vous résumez bien l'arnaque de cette soit disant "démocratie" !

à écrit le 19/09/2016 à 17:35
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N'importe quoi ce type...c'est ça son choc de simplification? Pitoyable...

à écrit le 19/09/2016 à 16:45
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Pauvre Lemaire, obligé de surenchérir pour exister. Après la suppression de l'ENA ? les COD (complément d'objet direct) ? Que sais-je encore. Ah ces énarques qui se piquent de grammaire...

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