Quelle stratégie économique pour l'Outre-mer ?

Le Medef dévoile ce mercredi sa vision pour l'Outre mer en 2020. Avec ce document bâti localement par les chefs d'entreprises, le Mouvement espère guider le prochain président élu.
Fabien Piliu
Le prochain locataire du palais de l'Elysée aura-t-il une vision, une stratégie pour les territoires d'Outre-mer ? Les chefs d'entreprises ultra-marins l'espèrent.

L'Outre-mer se mobilise. Après les CGPME ultra-marines en décembre venues défendre leurs intérêts lors des débats à l'Assemblée nationale du projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer, les Medef d'Outre-mer sont venus à Paris pour proposer un nouveau modèle de développement pour leurs territoires.

"Les DOM-COM sont des joyaux, des porte-avions de la France à travers le monde. Il faut impérativement que leurs voix soient entendues. La créativité de la France, de sa jeunesse doit davantage s'exprimer en outre-mer", explique ce mercredi Pierre Gattaz, le président du Medef lors de la présentation de "France Outre-mer 2020", un document bâti dans ces territoires par les chefs d'entreprises locaux et qui compile leurs propositions.

"Le potentiel de l'Outre-mer est énorme. Le tourisme, la biodiversité, l'économie bleue avec notamment la pêche et l'énergie, le numérique via l'e-santé, l'agroalimentaire, sont des secteurs d'avenir", prolonge Pierre Gattaz.

Avec ce document, le Medef et ses antennes déployées à travers le monde espère orienter la future stratégie du prochain président élu. A condition qu'il en ait une...

Un tronc commun de propositions

"Il existe un tronc commun parmi ces propositions", précise Thibault Lanxade, le vice-président du Medef en charge des TPE-PME qui a coordonné les travaux préparatoires à ce document. "D'autres sont spécifiques et tiennent compte des particularité des différents territoires", poursuit-il.

Dans le tronc commun figurent des mesures d'ordre fiscales. Concrètement, il s'agit d'abaisser le niveau de la pression fiscale pour que les entreprises locales puissent être compétitives face à la concurrence des pays voisins. Il s'agit également de rendre ces zones plus attractives. Les président des Medef territoriaux, notamment à Mayotte et en Guyane, réclament notamment la création de zones franches sociales. Les chefs d'entreprises souhaitent également que les dispositifs de défiscalisation qui favorisent l'investissement productif puissent être utilisés rapidement. Tous regrettent les réponses très tardives aux demandes d'obtention d'agrément. "Les délais peuvent dépasser neuf mois", observe Thibault Lanxade qui déplore également les retards de paiements des collectivités territoriales

Une fiscalité adaptée

La fiscalité peut-elle être modifiée localement ? Bruxelles autorise-t-il une politique fiscale différenciée ? Didier Fauchard, du Medef de La Réunion l'assure. "L'article 349 du Traité sur l'Union européenne l'autorise. Un arrêt de la Cour de la justice européenne daté du 15 décembre 2015 le confirme", précise-t-il. "Il faut agir vite. Comment nos entreprises peuvent durablement lutter face à nos concurrents ? Je rappelle que le salaire minimum s'élève à environ 100 euros à l'Ile Maurice", déclare Didier Fauchard.

A ces demandes de baisse de la pression fiscale et des prélèvements sociaux s'ajoutent celle d'un véritable choc de simplification. Bien que lancée en 2014 - mais également par les gouvernements qui se sont succédé depuis les années 60 - cette priorité affichée de l'exécutif ne semble pas encore produire ses effets. C'est vrai en Métropole et également en Outre-mer. "C'est d'autant plus vrai chez nous que les textes ne sont pas adaptés aux problématiques ultra-marines", déplore Bernard Edouard, du Medef de la Martinique.

Un tourisme haut de gamme

Pour relancer le tourisme, qui dans la plupart des DOM-COM est le principal secteur économique, le Medef réclame aussi une nouvelle vision de la part de l'Etat. "La France est un pays d'excellence. La baisse de la pression fiscale que nous réclamons haut et fort ne nous permettra jamais de lutter contre les pays qui font du tourisme à bas coût. En revanche, c'est une bouffé d'oxygène qui peut permettre aux entreprises ultra-marines du secteur d'investir pour développer un tourisme premium de très qualité, respectueux de l'environnement", explique Bruno Blandin du Medef Guadeloupe.

Autre mesure commune, la mise en place massive d'une politique d'investissements dans les infrastructures, c'est-à-dire la construction de routes, de transports alternatifs pour développer la mobilité, et dans le numérique pour que les startups locales puissent véritablement prendre leur essor. "L'île de la Réunion est la seule à être labellisée French tech. Dans le domaine de l'e-santé, nos entrepreneurs ont su dompté le chikungunya. Leurs entreprises ont un savoir-faire énorme qu'il faut accompagner", déclare Didier Fauchard.

Des mesures spécifiques

Parmi les mesures spécifiques réclamées par les territoires, Saint Pierre et Miquelon réclame un soutien financier public pour que le port de Saint Pierre devienne un "hub" entre l'Europe, les Etats-Unis et le Canada. "Cette mesure est vitale. Sans le développement de nouvelles activités, en particulier portuaires, nos jeunes continueront à quitter l'île", prédit Roger Hélène du Medef local.

La Guyane a la même ambition. " Notre territoire peut devenir un point de passage incontournable entre l'Europe et l'Amérique du sud ", avance Stéphane Lambert, le président du Medef local. Mais pour que celle-ci se réalise, il faut créer un port en eau profonde et un véritable aéroport international, avec des services induits comme la maintenance navale et aérienne. A Mayotte, le Medef présidé par Thierry Galarme réclame d'abord que le fléau de l'insécurité soit supprimé. Sans une restauration de la sécurité, l'exode des chefs d'entreprises vers les îles voisines, notamment l'Île Maurice, pourrait s'intensifier. Selon une enquête récente du Medef, 54,3% des chefs d'entreprises locaux envisagent de quitter l'île.

En Nouvelle-Calédonie, l'ambition, c'est de sortir un peu du "tout-nickel". "La biodiversité du "Caillou" est inédite, unique au monde. Notre île doit être un laboratoire pour les entreprises scientifiques du monde entier", avance Dominique Lefeivre du Medef local. sera-t-il entendu ? Seronts-ils entendus ?

Fabien Piliu
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