Le débat sur la recentralisation du RSA pourrait bien rebondir, après l'échec des négociations sur ce sujet en juin 2016 entre l'Assemblée des départements de France (ADF) et Manuel Valls, alors premier ministre. De fait, Dominique Bussereau, président « Les Républicains » (LR) de l'ADF, compte bien remettre ce sujet sur la table lors de ses rencontres avec les membres du gouvernement et, très bientôt, avec Emmanuel Macron lui-même pour préparer la première « conférence des territoires » qui pourrait avoir lieu cet été. Ces "conférences des territoires", semestrielles, était une promesse du candidat Macron durant la campagne électorale.
Or, pour Dominique Bussereau, « le financement des allocations individuelles de solidarité (AIS), le RSA en particulier, font partie des dossiers urgents à traiter car il s'agit d'un problème structurel qui ne peut être réglé par le simple déblocage de fonds d'urgence".
Le financement du RSA: un problème structurel non réglé
De fait, fin 2015, le gouvernement Valls avait débloqué 50 millions d'euros pour aider les départements - celui du Nord en particulier- à faire face à leurs dépenses au titre du RSA. Puis, fin 2016, après l'échec des négociations sur la recentralisation du RSA, 200 millions supplémentaires avaient de nouveau étaient débloqués. Il faut dire qu'en 2016, plusieurs départements (la Creuse, le Lot-et-Garonne, etc.) n'avaient pu faire face à leurs obligations de financement du RSA. Certes, les allocations avaient été versées par les Caisses d'allocations familiales ou la Mutualité sociale agricole, en revanche, ces organismes n'avaient pas été remboursés par les départements.
Dominique Bussereau veut donc en finir avec ce problème récurrent, même si les départements ont finalement bénéficié d'une bouffée d'oxygène( sans doute très provisoire ) en 2016. De fait, selon les données fournies ce 31 mai par l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (Odas), la dépense nette d'action sociale des départements, qui représente environ 60% de leurs dépenses totales de fonctionnement, a augmenté de « seulement » 1,9% en France métropolitaine, à 36,83 milliards d'euros, comparé à des hausses de plus de 3% les années précédentes. Cette évolution résulte d'une baisse du nombre d'allocataires du Revenu de solidarité active (RSA), à 1,63 million de personnes en 2016 contre 1,7 million en 2015, du fait de la légère baisse du chômage
Au-delà, de cette éclaircie de 2016 - « ça va moins mal mais ça va toujours mal » explique Dominique Bussereau -, il faut reconnaitre que les départements sont dans une situation difficile. Parmi les autres collectivités locales - région et bloc communal - ce sont eux qui ont perdu le plus de compétences, et donc les financements qui allaient avec, depuis l'application de la loi «Nouvelle organisation territoriale de la République" (NOTRe). Or, les départements, essentiellement dotés maintenant de compétences sociales, sont parfois à la limite de l'étranglement.
Ils sont en effet en charge, on l'a dit, du financement des allocations individuelles de solidarité (AIS) qui regroupent le revenu de solidarité active (RSA), la prestation de compensation du handicap (PCH) et l'allocation personnelle d'autonomie (APA).
Le coût du RSA en hausse de 35% depuis 2008
Avec la crise, les dépenses de RSA sont en forte hausse, comme celles de l'APA avec le vieillissement de la population, alors que les politiques d'accompagnement des personnes handicapées sont aussi régulièrement renforcées. Le coût du seul RSA a même augmenté de 35 % depuis 2008. Or, sur la même période, les concours financiers de l'Etat sont loin d'avoir compensé la hausse des aides sociales, du fait principalement de la réforme de la taxe professionnelle de 2009 et de la baisse de la dotation globale de fonctionnement. Concrètement, l'Etat ne compense plus que 9 milliards d'euros sur les 17 milliards de dépenses sociales des départements, soit un reste à charge d'environ 8 milliards d'euros, autrement dit plus de 10 % du budget des départements.
Aussi, en 2016, la problématique de la « recentralisation » du RSA (qui représente 58% des dépenses d'AIS) au niveau national a été évoquée. La question a donné lieu à de nombreuses réunions entre le gouvernement de Manuel Valls et l'ADF. Mais elles se sont soldées par un échec en juin dernier. Le gouvernement acceptait de recentraliser le RSA pour 2017, ce qui apportait un bol d'air de 700 millions d'euros aux départements. Mais l'ADF contestait ce montant, estimant que ce sont 2,1 milliards d'euros de dépenses qui devaient être compensées....
Rebelote donc un an plus tard. « On est prêt à repartir en négociation sur la recentralisation du RSA. Durant la campagne, Emmanuel Macron n'était pas contre, précise Dominique Bussereau, quitte à trouver de nouvelles modalités pour y parvenir ». Par exemple, à l'ADF on avance le schéma suivant : après avoir calculé le coût moyen des AIS sur l'ensemble du territoire, les départements qui dépensent plus que ce coût moyen du fait d'une forte population âgée ou au RSA pourraient voir leur surcoût repris en charge par l'Etat. En tout état de cause, l'ADF veut absolument éviter que les AIS - et le RSA en particulier - soient financées par une augmentation « forcée » de la taxe foncière car cela aggraverait encore les inégalités territoriales et, surtout, par définition, les allocations individuelles de solidarité relèvent de la solidarité nationale... Un beau débat en perspective donc.