Réformes territoriales : le Sénat réclame des clarifications... et du temps

Nouvelles régions, nouvelle répartition des compétences, développement des intercommunalités... Une commission sénatoriale dresse un premier bilan - mitigé - des diverses réformes territoriales intervenues durant le quinquennat. Beaucoup de temps va être nécessaire pour "digérer" les changements.
Jean-Christophe Chanut
En matière de réforme territoriale, le Sénat estime qu'il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Il faudra du temps pour que les acteurs locaux puissent "digérer" les très nombreuses réformes territoriales adoptées durant le quinquennat de François Hollande.

En matière de réforme territoriale, le quinquennat de François Hollande se caractérise par une abondance de textes. Loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) en 2014, loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) en 2015, loi modifiant le statut de Paris en 2017... Les compétences exercées par chaque niveau de collectivités locales ont été redéfinies. La région, notamment, a hérité de toutes les compétences économiques. Les intercommunalités ont été regroupées pour atteindre la taille minimale de 15.000 habitants fixée par le législateur (sauf dérogations pour les territoires ruraux ou montagneux). Les communes ont fusionné pour donner naissance à des « communes nouvelles ». Plus de vingt métropoles ont été créées ou vont prochainement l'être. Le département, après avoir failli disparaître a finalement été conservé. Enfin, pour tenir compte de toutes ces transformations, la carte des services déconcentrés de l'Etat a été modifiée.

Une mission d'évaluation créée par le Sénat

C'est pour tenter d'analyser les conséquences de tous ces changements que le Sénat a institué une « mission de contrôle de la mise en œuvre des dernières lois de réforme territoriale » regroupant des sénateurs de diverses familles politiques. Un rapport sur le sujet doit être adopté avant la fin du mois de mars. Mais après quinze mois de déplacements et l'audition de plus de 250 élus locaux et 200 représentants de l'administration territoriale de l'Etat, la commission a déjà émis quelques souhaits et recommandations.

Sur les communes et l'intercommunalité, la commission constate que « tout a été très vite ». Les nouveaux schémas ont été connus à l'été 2016 et les nouvelles intercommunalités sont censées être opérationnelles depuis le 1er janvier 2017. Or, d'après Mathieu Danaud, sénateur « Les Républicains » de l'Ardèche, "les élus disent, ça va trop vite pour que les intercommunalités puissent réellement exercer leurs nouvelles compétences en matière d'urbanisme, de la gestion de l'eau et de l'assainissement". Il y a aussi manifestement un « problème de proximité ». Certaines intercommunalités regroupent largement plus de 50 communes. Le Sénateur a pris l'exemple de la Haute Garonne ou une intercommunalité regroupe... 144 communes et où siège... 250 conseillers. Il y a donc un risque de voir les petites communes diluées.

S'agissant des métropoles, les rapporteurs constatent qu'il faut absolument revoir la question de "l'articulation des départements et des métropoles en raison de la multiplication de celles-ci [la loi créant le nouveau statut de Paris a en effet instauré sept nouvelles métropoles], sans que les impacts en matière d'équilibre des territoires aient été évalués ». De fait, certaine métropoles « mordent » sur des territoires ruraux, et un conflit de compétences risque de se produire avec les départements.

Par ailleurs, la commission constate que le phénomène des communes nouvelles semble « prendre », avec le regroupement d'environ 1.700 communes qui ont donné naissance à 517 communes nouvelles.

" Ne pas aller trop vite"

Sur les relations départements/nouvelles régions, le sénateur socialiste du Nord, René Vandierendonck, estime que les « choses ne se passent pas trop mal dans la répartition des nouvelles compétences ». Ainsi, s'agissant des transports scolaires dont les régions ont hérité, en Occitanie, par exemple, la nouvelle région a déjà passé avec 13 départements sur 14 des conventions de délégation de cette compétences. Dans le Grand Est, des agences territoriales disposant des compétences économiques ont été instituées. Mais, là aussi, la commission réclame du temps dans l'application des nouveaux « schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation » qui devaient être adoptés avant le 31 décembre 2016 mais qui nécessitent une (longue) phase de contractualisation avec les départements appartenant à la région.

Surtout, les rapporteurs plaident pour « une application pragmatique des dernières réformes » ce qui devrait permettre à des régions de lancer des expérimentations sur le long terme et d'innover. Concrètement, cela devrait signifier que l'organisation territoriale pourrait ne pas être la même sur l'ensemble du territoire.

Les services déconcentrés de l'Etat n'ont pas été regroupés dans le chef-lieu de région

Enfin, quelles ont été les conséquences de la restructuration territoriale sur les services déconcentrés de l'Etat ? Selon, Pierre-Yves Collombat, le sénateur « Rassemblement démocratique et social européen » du Var, il y a incontestablement eu des points positifs. D'abord, il y a eu peu de « mutations forcées » d'agents, géographiques ou professionnelles. En 2016, une évaluation faisait état d'environ 2.200 « mobilités contraintes ». Ensuite, le gouvernement a eu la bonne idée de ne pas centraliser l'ensemble de ses services déconcentrés dans les nouveaux chefs-lieux de régions et, au contraire, de les répartir sur l'ensemble du territoire des nouvelles régions, via une organisation en « multi-sites spécialisés ». Par exemple, dans la nouvelle région Occitanie, 45% des implantations de l'Etat se trouvent dans l'ancienne région Languedoc Roussillon et 55% sur le territoire de l'ancienne Midi-Pyrénées. Pour le sénateur, cette multiplication des sites a ainsi permis de « booster » le développement du numérique.

Cependant, ce fragile équilibre risque de ne pas perdurer selon la commission. Car il y a tout de même une tendance à l'œuvre de voir progressivement muter vers les chefs-lieux de région diverses administrations. Pour l'instant, ce mouvement concernerait essentiellement les grandes associations sportives ou culturelles qui veulent se rapprocher du siège du pouvoir local...

Un dernier point, et pas des moindre, est également soulevé par la commission : à ce stade, la nouvelle organisation territoriale ne permet pas de réaliser des économies, ce qui était tout de même l'un des buts des réformes, notamment via la clarification des compétences qui devait permettre de supprimer les doublons. Mais, les différents rapporteurs reconnaissent qu'il est peut-être trop tôt, en pleine phase de démarrage, pour déjà envisager des économies.

Jean-Christophe Chanut
Commentaires 9
à écrit le 16/03/2017 à 18:58
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encore un échelon de trop entre commune ,intercommunalité ,département et région les économies promise ne sont pas là et nous avons plus d'élus qu'auparavant ; le cœur du problème c'est justement les élus qui ne veulent rien lâcher et nous font paye...

à écrit le 16/03/2017 à 16:16
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Ce gouvernement socialiste a fait un hold-up sur les communes, départements, régions, en réduisant leur budget drastiquement tout en ne parvenant pas à réduire le déficit de la France mais en le gonflant de plusieurs milliards d'euros.

à écrit le 16/03/2017 à 15:45
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Il est temps d'élire le maire de la communauté de commune, il faut une élu pour 600 habitants au lieu de 1 pour 100 actuellemet, ils nous coûtent trop cher !

à écrit le 16/03/2017 à 15:39
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Cette pseudo-reforme est un vaste fumisterie. Concernant les regions, personne ne voulait de ce decoupage jacobin destiné a faire durer les departements et leurs conseiller(e)s. Quant aux ComCom, elles sont un déni de democratie total puisque co-opté...

à écrit le 16/03/2017 à 10:50
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Je trouve ce travail intéressant et c'est à ses travaux d'évaluation des politiques publiques que devrait plus se consacrer le Parlement, plutôt que la petite politique et à légiférer comme des dingues. Sinon sur le fond, je crois que la conclusion ...

à écrit le 16/03/2017 à 10:47
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Lorsque intercommunalité est crée avec un transfert de compétence, il est ANORMAL que les moyens en personnel ne proviennent pas des communes la composant. Les sénateurs étant élus par les grands électeurs donc juges et partis,ne devraient avoir leu...

à écrit le 16/03/2017 à 9:21
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Si l'UE de Bruxelles, qui n'est qu'une zone administrative, doit disparaitre, ces réformes n'ont plus lieu d'être! Le retour au national demandera a une simplification par la disparition des régions!

le 16/03/2017 à 11:00
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Les Provinces c'est l Histoire de France (et de l Europe), on a passé des siècles à essayer de les effacer chez nous, force est de constater qu'elles existent toujours. Il est naturel que l Aquitaine regarde aussi l' Espagne et l'Atlantique, tandis...

à écrit le 16/03/2017 à 8:46
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Ils sont gonflés au sénat parce que du temps ils en ont ça va on ne s'en fait pas pour eux les pépères.

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