Retards de paiement : l'administration met-elle des entreprises en péril ?

Plus du tiers des litiges déposés au Médiateur des entreprises concerne la commande publique. Si les collectivités territoriales font figure de bons élèves, l'administration de l'État tarde à régler certaines factures.
Jean-Christophe Catalon
Sur le second trimestre 2016, l'administration d'État affiche une moyenne de 14,2 jours de retard.

Les pouvoirs publics participent-ils à la mauvaise santé des entreprises ? Nombreux sont les acteurs du secteur privé qui fournissent des prestations à des organismes publics. Or, ces derniers ne respectent pas toujours à la lettre les délais de paiement, et règlent leurs factures en retard. Cette année, plus du tiers (35%) des litiges transmis au Médiateur des entreprises - un service gratuit de résolution à l'amiable des différends - concerne la commande publique, selon les informations de RTL.

Problème, les prestataires n'ayant pas été payés dans les temps se retrouvent parfois dans des situations dramatiques. Les TPE et PME représentent à elles seules 98% des saisies. Ces structures de petite tailles sont bien plus sensibles aux retards de paiement, responsables d'une faillite sur quatre. Malgré ce constat, le rôle des autorités publiques est à relativiser.

Les collectivités territoriales ont moins de jours de retard

La législation a fixé des délais de paiement différents pour le secteur public et le privé. Le premier a 30 jours pour régler une facture (50 jours pour la santé et 60 jours pour les EPIC comme la SNCF), alors que le second dispose de 60 jours sauf dérogation. Bien que cette distinction ne les exhorte pas de respecter leurs engagements, les pouvoir publics peuvent se retrouver plus rapidement en retard de paiement.

De même, différents organismes peuvent être à l'initiative d'un marché public. Mairies, hôpitaux, ministères, tous font appel au privé pour leur fournir diverses prestations, mais affichent des retards très disparates. "Les collectivités territoriales sont celles qui ont le moins de retard, moins que le privé", souligne Thierry Million, directeur des études au cabinet Altares. Sur le deuxième trimestre 2016, le retard moyen des collectivités territoriales est de 7,8 jours, alors qu'il est de 12,5 jours pour les sociétés commerciales, selon une étude d'Altares publiée mardi.

Si, au sein même des autorités locales, la disparité est grande, il ne faut pas oublier que leurs moyens ont diminué ces dernières années, notamment avec la baisse des dotations de l'État. "Face à une baisse du budget, les arbitrages ne sont pas toujours en faveur du règlement rapide des factures", observe Thierry Millon.

Une "sémantique administrative" pas très claire pour les chefs d'entreprise

En revanche, l'administration de l'État fait effectivement figure de mauvais élève. Sur le second trimestre 2016, elle affiche une moyenne de 14,2 jours de retard. La longueur des délais est souvent proportionnelle à la taille de la structure. Ainsi, les organisations de plus de 500 collaborateurs ont des retards plus conséquents.

La faute à "une sémantique administrative qui n'est pas très claire pour les non-initiés", estime Thierry Million. Si dans le secteur privé, les choses sont claires entre le client et le fournisseur, cela devient plus complexe dans le secteur public. "En France, 9 chefs d'entreprises sur 10 ne connaissent pas le point de départ de leur facture", indique le directeur des études d'Altares. Entre les factures mal libellées et celles envoyées aux mauvais services, les erreurs sont communes. La rigidité administrative faisant, le processus de facturation bloque. Pour résoudre ce problème "il faut apporter plus de pédagogie", selon Thierry Million.

Reste que les PME travaillent avant tout avec les autres entreprises privées. Une activité qui représente 600 milliards d'euros, soit un tiers du PIB. "Si l'ensemble du secteur public se mettait à payer à l'heure demain, ça ne changerait pas le fond du problème", juge le directeur des études d'Altares.

Du public au privé, les comportements s'améliorent

Après une année record en 2015, avec 13,6 jours de retard en moyenne tous secteurs confondus selon Altares, 2016 est un meilleur millésime. Au deuxième trimestre, le cabinet évalue la moyenne générale à 12,2 jours contre 13,6 jours un an plus tôt. "Bien que les résultats restent insuffisants, la situation s'améliore", analyse Thierry Millon. La France fait mieux que certains voisins européens, notamment l'Italie et le Portugal où près d'une entreprise sur six reporte le règlement des factures de plus de 30 jours.

Emmanuel Macron, alors ministre de l'Économie, s'était attaqué au problème en novembre 2015. Depuis, le gouvernement a durci les sanctions contre les mauvais payeurs, avec une série de mesures inclus dans la loi "Sapin 2" sur la transparence de la vie économique, notamment le passage des amendes de 375 000 euros à deux millions d'euros.

Jean-Christophe Catalon
Commentaires 2
à écrit le 07/09/2016 à 17:23
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l'Etat, mauvais élève ? le retard de 14,2 n'est pas plus élevé que chez les ETI et grandes entreprises (15 jours, dixit Altares). sachant que le délai de paiement moyen de l'Etat est de 20 jours, contre 45/50 dans le privé (rapport observatoire des...

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