Santé : les chantiers prioritaires du gouvernement Macron

Remboursements à 100 % des soins dentaires et de l'optique, économies massives pour l'Assurance maladie, prévention... Emmanuel Macron veut changer le système de santé. Est-il réaliste ? Il est en tout cas très flou. Des précisions s'imposent. Elles ne feront pas plaisir à tout le monde...

Sécu : beaucoup (trop ?) d'économies visées

Emmanuel Macron prévoit une stabilisation de l'objectif national des dépenses de l'assurance maladie (Ondam) à 2,3% de hausse annuelle jusqu'en 2022, soit 15 milliards d'euros d'économies en cinq ans. Le nouveau président mise sur le développement des génériques. La France est en retard dans ce domaine comparé à ses voisins européens (une boîte sur trois vendues, contre trois sur quatre en Allemagne) et le taux de génériques a tendance à plafonner, avec moins de nouvelles entrées sur le marché. Mais, pour y parvenir, il devra passer outre la frilosité des médecins - avec en arrière-plan le lobbying des laboratoires pharmaceutiques. La démocratisation des médicaments vendus à l'unité, un autre de ses mantras, sera aussi difficile à mettre en place. Et Emmanuel Macron ne dit pas comment il procédera. Pourtant, il sera bien forcé de convaincre les laboratoires pharmaceutiques et les pharmaciens de s'adapter. Frileux, ces derniers s'inquiètent des coûts induits par les nouveaux outils à mettre en place pour trier les médicaments à l'unité, et de la main-d'oeuvre à solliciter. L'industrie du médicament devra quant à elle modifier sa chaîne de production.

Le président devra partiellement trahir sa promesse de ne « pas sacrifier l'industrie pharmaceutique pour essayer de faire des économies sur son dos ». Plus simple - car déjà mis en place - les économies réalisées avec le développement de la chirurgie ambulatoire, au mieux des centaines de millions d'euros d'économies annuelles.

Le président prévoit également des mesures aux effets à long terme : la santé numérique tout d'abord, avec un déploiement de la télémédecine pour « s'attaquer aux frais de déplacement », et la modernisation des hôpitaux, nombreux à être en retard dans la numérisation des dossiers des patients, le tout financé par un plan de 5 milliards d'euros. Enfin, pour lutter contre les redondances du système de santé et le rendre plus efficient, il veut libérer les énergies en encourageant les professionnels de santé à trouver des solutions.

Lunettes remboursées à 100%, oui,... mais qui paie ?

Bien conscient de son rôle, Emmanuel Macron entend « reprendre la main » sur l'assurance complémentaire santé. Il veut assouplir les mécanismes de régulation mis en place, comme le contrat responsable, instauré par Marisol Touraine, limitant le niveau des remboursements. Deux objectifs quelque peu contradictoires...

Ce que les Français ont surtout retenu de son programme concernant la santé, c'est la proposition du nouveau président d'une prise en charge à 100 % des lunettes, des prothèses dentaires et des prothèses auditives. Pour atteindre cet objectif, il préconise « un travail commun entre les régimes obligatoires et complémentaires pour parvenir à une meilleure régulation de ces marchés ».

Certes, mais qui paiera in fine ? La Mutualité française rappelle quelques ordres de grandeur. Aujourd'hui, 4,4 milliards d'euros sont payés par les ménages, au titre des lunettes, prothèses dentaires et auditives. Imaginons une baisse de 15 % en moyenne des prix des équipements, ce qui serait considérable : l'économie serait insuffisante, représentant seulement 2,7 milliards d'euros. Il faudrait aussi, pour effacer le reste à charge des assurés, comme le veut Emmanuel Macron, augmenter de 13 % les remboursements de l'assurance maladie et des complémentaires santé dans ce domaine. Pas aussi facile que le suggère le nouveau président ! Pour accroître la transparence et la concurrence entre mutuelles, Emmanuel Macron veut aussi créer trois contrats type (bas, milieu et haut de gamme). Objectif :

faire baisser les prix, via une concurrence plus forte sur la base de ces contrats type. Mais les spécialistes de l'assurance santé doutent de l'efficacité d'un tel dispositif.

« Les prix ne pourront pas beaucoup baisser, car les frais de gestion ne représentent que 20 % du prix », souligne Pierre François, directeur général de Swiss Life Prévoyance et Santé. « Si l'on veut baisser le prix de 10 %, il faudrait diviser ces frais par deux. Quand on sait qu'ils sont composés pour deux tiers de masse salariale... Si l'objectif est une transparence complète, autant confier ces contrats à la sécu, qui saura très bien faire. C'est un peu comme si le gouvernement décidait de restreindre l'offre de voitures à trois modèles : Clio, Megane et Initiale... ».

Prévention : s'attaquer aux excès sans irriter les lobbies

« Il faut conduire la révolution de la prévention ». Emmanuel Macron a fait de la prévention une priorité pour réformer le système de santé. La critique revient régulièrement : la France ne ferait pas assez d'efforts dans le domaine. En 2014, l'OCDE chiffrait à 2 % les dépenses de santé de la France dédiée à la prévention, contre 3 % pour le reste de l'Europe. Des investissements seront faits pour mieux prévenir des facteurs de risques (suralimentation, consommation d'alcool et de tabac...) de développement des maladies chroniques comme le diabète ou le cancer.

Plutôt que de s'attaquer frontalement aux lobbies industriels du tabac et de l'alcool, Emmanuel Macron veut opter pour la méthode douce. Le nouveau président mise sur la sensibilisation des nouvelles générations de médecins avec un trimestre d'apprentissage dédié à la prévention. Et ce, pour envoyer 40 000 étudiants dans les quartiers difficiles et les zones rurales, pour prévenir des méfaits du tabac, ou encore dans les Ehpad pour lutter contre les maladies dentaires. Autre révolution : transformer une partie de la rémunération des médecins pour qu'ils fassent le maximum de prévention, avec « une contractualisation sur la base d'objectifs ». Les médecins, très attachés au caractère libéral de leur profession, risquent de ne pas apprécier.

Et Emmanuel Macron s'est fixé des objectifs très ambitieux : la génération française naissant aujourd'hui sera « celle sans tabac », dit-il. Pour prouver que cela est possible, il brandit l'exemple de l'Australie, qui a baissé drastiquement sa consommation en raison, selon lui, d'une « vraie politique de prévention ». En réalité, outre l'instauration du paquet neutre, le pays a appliqué des règles très strictes sur la consommation de tabac dans les lieux publics et augmenté fortement les taxes sur le paquet de cigarettes (prix multiplié par deux en sept ans). Emmanuel Macron ne s'est pas opposé à un paquet à 10 euros, contre 7 euros environ aujourd'hui. Mais le fera-t-il ?

Concernant, l'alcool, Emmanuel Macron est très mesuré. L'alcoolisme est un fléau qui tue « plusieurs dizaines de milliers de personnes » chaque année, dit-il. Mais il prévoit une mesure peu révolutionnaire pour y remédier : « indiquer sur les contenants la quantité d'alcool pur en grammes et le nombre de calories » et « sensibiliser les jeunes aux risques liés à une consommation régulière d'alcool ». En parallèle, il juge « excessif » d'apposer le message « l'alcool est dangereux pour la santé » et se prononce contre « une taxation des boissons alcoolisées en fonction de leur grammage en alcool ». Il faut dire qu'Emmanuel Macron défend ardemment l'oenotourisme. Pour preuve, en matière de maîtrise de la publicité, il compte « conserver et défendre l'équilibre de la loi Evin en l'état »... après avoir obtenu l'assouplissement de celle-ci en 2015. La Cour des comptes, qui se plaint d'un État ne se donnant pas « les moyens d'infléchir les comportements à risque », risque d'être déçue.

Commentaires 5
à écrit le 15/05/2017 à 9:22
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"et la modernisation des hôpitaux, nombreux à être en retard dans la numérisation des dossiers des patients". Vivement une nouvelle cyberattaque comme les 16 hôpitaux anglais.

à écrit le 15/05/2017 à 7:18
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créer un delit de corruption de législateur envers les députes, sénateur , et ministres et députe europeen qui reçoivent des cadeaux avec interdictions a vie de se présenter a toute élection pour les corrompu et pour les corrupteur saisi de tous...

à écrit le 14/05/2017 à 17:09
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Un président courageux ne devrait pas s'occuper des Lobby ! Que je sache ce ne sont pas des élus du peuple. A moins qu'il n'ait des comptes à rendre à ceux qui ont financé son élection ?

à écrit le 14/05/2017 à 12:23
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Comme pour le reste du programme du nouveau président, Macron va se heurter à la réalité , les promesses on connaît; mais la nature a horreur du vide, il faudra bien passer à la caisse . On sait déjà qui va payer, comme d'habitude les classes moyenne...

à écrit le 14/05/2017 à 11:39
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"il veut libérer les énergies en encourageant les professionnels de santé à trouver des solutions." Bref, encore du bullshit marketing !

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