Une primaire à gauche pour quoi faire ?

Finalement, la "gauche de gouvernement" organisera une primaire fin janvier. François Hollande devra donc s'y plier. Tactiquement, cela lui permettra d’éliminer tout risque de candidature dissidente issue du PS pour la présidentielle. Mais les déchirements socialistes pourraient favoriser Jean-Luc Mélenchon.
Jean-Christophe Chanut
Pour la première fois sous la Ve République, un président en place va devoir passer par une primaire au sein de son parti pour se représenter. François Hollande s'y est résigné...

Ce fut l'une des grandes surprises politiques du week-end. Sur proposition de son premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis, le Parti Socialiste, qui réunissait son conseil national, a finalement décidé d'organiser une « primaire ouverte de la gauche de gouvernement » les 22 et 29 janvier 2017. Sous cette appellation, il faut comprendre que seuls des candidats issus du PS et de ses alliés, le Parti Radical de gauche, les écologistes pro-gouvernement et les autres satellites du PS, seront habilités à se présenter à cette primaire. En revanche, il ne pourra pas y avoir de représentants du Front de Gauche et d'Europe-écologie-Les Verts (EE-LV) qui ont refusé le principe d'une telle primaire.

Ainsi, ce qui était improbable il y a encore quelques semaines, devient une réalité : un président de la République en place va devoir passer par la case « primaire » pour remettre son mandat en jeu... Le Général de Gaulle a dû bouger dans sa tombe... et François Mitterrand également.

Pourtant, il y a peu Manuel Valls et Jean-François Cambadélis notamment  ne voulaient pas entendre parler de cette primaire. Le Premier secrétaire envisageait même de modifier les statuts du PS pour ne pas être contraint à l'organiser. Mais, maintenant, Manuel Valls lui-même explique dans un entretien au JDD que « c'est cela, la démocratie ». Quant au Premier secrétaire, il déclare fièrement sur Twitter que "Le Parti socialiste a inventé la primaire, tout le monde l'a imité. Il invente la primaire pour un président sortant, tout le monde l'imitera". Mais comment comprendre un tel revirement ? Pourquoi François Hollande accepte-t-il ainsi de descendre dans l'arène ? Tentative d'explication.

Hollande compte sur des résultats économiques en progrès

Le calendrier d'abord est important. La primaire aura lieu fin janvier. Et d'après ses propres dires, François Hollande devrait annoncer en décembre s'il sera candidat ou non à sa propre succession. Or, la date limite pour la clôture des candidatures à la primaire a été fixée au 15 décembre. On voit donc qu'il s'agit d'un véritable « sur mesure » pour l'actuel président de la République.

Détail important, François Hollande connaîtra à ce moment-là le nom de son principal rival de droite puisque les résultats de « la primaire de la droite et du centre » seront connus au plus tard le 27 novembre. François Hollande pourra donc ajuster son discours selon que lui sera opposé Alain Juppé, François Fillon, Nicolas Sarkozy... ou un autre. Sachant que si Nicolas Sarkozy l'emporte (il n'est pas encore candidat « officiel » à la primaire), François Bayrou, président du Modem, devrait alors se présenter à l'élection présidentielle... Le scénario rêvé de François Hollande qui espère un maximum de candidas à droite pour disperser les voix, alors que le « ticket » pour accéder au second tour se situera aux alentours de 20% des voix.

François Hollande espère également arriver à cette primaire avec un bilan économique présentable. Il doit prier pour que les perspectives de l'Insee qui table sur un chômage en baisse et une croissance de 1,6% en 2016 s'avèrent exactes... Il pourra ainsi dire que les premiers fruits de sa politique économiques peuvent être recueillis et que « ca va vraiment mieux ».

 Éliminer des potentiels candidats issus du PS

La tactique joue ensuite un grand rôle. François Hollande se présente à la primaire... pour mieux la tuer. Si la primaire n'avait pas lieu, il risquait de devoir affronter un autre candidat socialiste « frondeur » à la présidentielle, Arnaud Montebourg par exemple. Avec la primaire, ce risque semble écarté. La règle du jeu au sein du PS est en effet claire : les candidats battus renoncent à se présenter face au vainqueur, c'est ce qui s'est passé en 2011 quand Martine Aubry, arrivée en seconde position derrière François Hollande, s'est alors rangée derrière lui. Or, a priori, même au plus bas dans les sondages avec grosso modo un socle de 14% de voix, François Hollande devrait sortir vainqueur de la primaire. Certes, on ne sait pas qui va se présenter face à lui. Marie-Noëlle Lienemann semble décidée à y aller ; Arnaud Montebourg hésite mais juge sa candidature « plausible »; Benoît Hamon réfléchit ; idem pour « l'écolo dissident » François de Rugy, et l'ancien inspecteur du travail Gérard Filoche se dit tenté. Mais, on ne voit franchement pas l'un ou l'autre parvenir à se hisser devant l'actuel président de la République malgré l'impopularité record de ce celui-ci.

On notera, au passage, que le processus de la primaire a aussi pour conséquences de couper l'herbe sous le pied du ministre de l'Economie Emmanuel Macron si, celui-ci avait encore des velléités de se présenter à la présidentielle de 2017, ce qui semblait improbable de toutes façons. En effet, Emmanuel Macron n'est ni membre du PS, ni d'un autre parti « associé », il ne peut donc légitimement pas se présenter...

Quant à Martine Aubry, la seule qui pourrait réellement inquiéter François Hollande, on la voit mal candidate. La maire de Lille, s'est toujours positionnée en gardienne du parti et de son unité. Pas question pour elle donc d'aller ouvertement porter la contradiction au chef de l'Etat à quelques mois de l'échéance présidentielle. En revanche, Martine Aubry posera ses conditions pour son soutien... Et là, les oreilles de Manuel Valls risquent de siffler.

En fait, donc, François Hollande, au sein du PS, ne prend pas de réels risques... sauf celui d'abîmer la fonction présidentielle au sens où l'entendait le fondateur de la Ve République en tout cas. Et son ego supportera ne plus apparaître comme le candidat "naturel" dans son propre camp. Paris vaut bien une messe, comme disait Henri IV.

Un boulevard pour Jean-Luc Mélenchon?

Alors certes, François Hollande cherche à se « relégétimer » auprès des électeurs socialistes. Mais il n'est pas du tout certain que cette opération suffise à franchir l'obstacle du premier tour de la présidentielle. Car ni le Front de Gauche ni EE-LV ne seront liés par les résultats de la primaire des socialistes et de leurs alliés. Or, porté par des sondages récents plutôt favorables, Jean-Luc Mélenchon rêve d'en découdre. Lui qui incarne une « autre gauche » se voit faire mieux que François Hollande au premier tour. Or, si les socialistes donnent un spectacle de désunion totale lors de leur primaire et se déchirent sur le bilan de François Hollande, Jean-Luc Mélenchon pourrait bien en profiter pour peu qu'il accepte de tenir un langage séduisant à l'égard des « déçus du PS ». Quant au « écolos » d'EE-LV, soucieux d'exister, ils vont tout faire pour que le populaire Nicolas Hulot accepte de porter leurs couleurs. Ce que redoute François Hollande par-dessus tout. Même si, dans un tel climat de désunion au sein de la gauche, on voit mal l'ancien animateur s'engager dans cette galère...

François Hollande, un fois de plus, est donc à la manœuvre pour essayer de dégager le terrain pour sa candidature. Mais il n'est pas du tout certain que le « coup de la primaire » garantisse pour autant la présence d'un candidat de l'une des gauches au second tour de l'élection présidentielle tant les divisions semblent maintenant profondes.... Or, entre-temps, le PSOE (le parti socialiste espagnol), en pleine crise, pourrait choisir de s'allier avec  Podemos (parti issu du Mouvement des indignés) pour gouverner En Espagne. Sera-ce alors source d'inspiration pour François Hollande ?

Jean-Christophe Chanut
Commentaires 6
à écrit le 22/06/2016 à 0:39
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Très intéressant mais sans aucune importance. Les dés sont jetés.

à écrit le 21/06/2016 à 15:53
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Au revoir Monsieur le Président et bienvenue au suivant à qui nous souhaitons bon courage . Le problème de la France est sa fonction publique ruineuse et cette question ne pourra plus être éludée . Les emplois ont quitté la France , les entreprises ...

le 21/06/2016 à 17:31
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Le problème de la France n'est pas du tout sa "fonction publique ruineuse", mais son entêtement à ne pas vouloir adapter son marché du travail aux standards des pays développés, et le sous-emploi qui en découle. On le voit actuellement, avec ce rej...

à écrit le 21/06/2016 à 15:11
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stop qui peut pretendre que m hollande est de gauche c'est ce moquer des electeurs voila un type qui n'a pas le courage de definir son horizon politique mais prefere piquer l'argent des ouvrier pour se presenter sous une formation donc chaque jo...

à écrit le 21/06/2016 à 13:39
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C'est juste le premier pas du retrait de Hollande

à écrit le 21/06/2016 à 10:25
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Une primaire à gauche pour quoi faire ? Réponse : pour éliminer les nuisibles, que Hollande 5 % obtienne des votes des socialistes de la base, après les 2% de Valls aux primaires socialistes de 2012, un record jamais égalé.

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