A Jackson Hole, Draghi et Yellen vont-ils rester discrets ?

Mario Draghi (BCE) et Janet Yellen (Fed) pourraient dévoiler vendredi les grandes orientations de leurs politiques monétaires respectives, mais tout autant opter pour la discrétion afin de ne pas provoquer de tensions sur les marchés.
Mario Draghi (BCE) et Janet Yellen (Fed) à l'heure arrivée hier à Jackson Hole, une station alpestre dans le Wyoming.

La présidente de la banque centrale américaine ouvrira le feu avec un discours prononcé vers 16 heures (heure française) lors du séminaire de Jackson Hole où a lieu chaque année un séminaire des banquiers centraux mondiaux. Mario Draghi interviendra lui vers 21 heures. Si la politique de la Fed semble relativement bien balisée avec probablement encore une troisième hausse de taux d'ici la fin de l'année, celle de la BCE suscite plus d'interrogations au moment où la reprise économique semble se confirmer pour les pays de l'euro.

| Lire aussi : Etats-Unis : la Fed va-t-elle renoncer à une troisième hausse des taux ?

Dans le cas de la Fed, Janet Yellen et les différentes communications de la banque centrale laissent présager le début de cette réduction du bilan pour "très bientôt", voire même dès septembre. Dans le cas de la BCE, Mario Draghi garde ses cartes encore bien cachées, suscitant les interrogations des marchés.

L'intervention de Draghi très attendue par les marchés

Pour l'analyste Jack Ablin de BMO Private Bank, "la Fed va sans doute vouloir faire passer le message aux investisseurs que la réduction de son bilan d'actifs est sa priorité. On sera surtout intéressé par ce que Mario Draghi va dire". S'il n'est pas encore question de hausse de taux pour la BCE, c'est le calendrier de la réduction progressive des achats d'obligations de l'ordre de 60 milliards d'euros par mois qui suscite les interrogations des marchés.

Ces achats avaient été décidés par la Fed, puis plus tard par la BCE, dans le cadre de leurs politiques "d'assouplissement quantitatif" mises en place après la crise financière et destinées à relancer les économies chancelantes. Mais les deux banques centrales se retrouvent désormais avec des bilans hypertrophiés (4.500 milliards de dollars pour la Fed, 2.300 milliards d'euros pour la BCE) qu'elles envisagent maintenant de réduire.

Mécaniquement, une telle opération équivaut à un resserrement des conditions de crédit car cela réduit les liquidités disponibles sur les marchés financiers et c'est pour cela que ceux-ci attendent anxieusement tout éclairage sur le calendrier.

L'annonce de la fin progressive du QE ?

L'hypothèse selon laquelle Mario Draghi pourrait profiter de l'occasion pour détailler un calendrier précis pour la fin du programme d'assouplissement quantitatif (QE) en place s'est progressivement dissipée. Pour Paul Brain, responsable de la gestion obligataire chez Newton IM, "Draghi a suffisamment de temps pour communiquer aux marchés la réduction progressive du QE de la BCE et il n'a pas besoin de Jackson Hole comme moment de communication".

La politique monétaire non conventionnelle a été une réussite des deux côtés de l'Atlantique, mais des lacunes demeurent dans la compréhension de ces instruments relativement nouveaux, nécessitant un approfondissement de la recherche.

"Les actions de politique menées au cours des dix dernières années en termes de politique monétaire, de réglementation et de supervision ont rendu le monde plus résilient. Mais nous devons continuer à nous préparer à de nouveaux défis", avait dit mercredi Mario Draghi lors d'une intervention à Lindau, en Allemagne.

"Un volume important de recherches empiriques a prouvé le succès de ces politiques dans le soutien à l'économie et à l'inflation aussi bien au sein de la zone euro qu'aux Etats-Unis", a-t-il poursuivi.

Très attendue par les investisseurs, ces premières interventions des banquiers centraux après la trêve estivale n'a eu aucun impact sur les marchés. L'euro est en revanche repassé en territoire positif contre le dollar après la publication d'indices PMI/Markit "flash" des directeurs d'achats meilleurs que prévu pour la seule Allemagne et pour la zone euro, ce qui conforte le scénario d'un resserrement progressif de la politique monétaire de la BCE.

Eviter à tout prix une "mini-panique"

C'est à Jackson Hole qu'il avait en 2014 indiqué réfléchir à suivre l'exemple de la Fed en s'engageant dans une politique d'assouplissement quantitatif et certains analystes pensent qu'il pourrait choisir le même lieu pour annoncer à nouveau suivre l'exemple des Américains.

Claus Vistesen, chef-économiste pour la zone euro chez Pantheon Macroeconomics, estime que "M. Draghi ne devrait pas donner d'indications sur l'assouplissement quantitatif cette semaine mais pourrait essayer de faire un peu baisser l'euro" qui a fortement progressé face au dollar ces derniers mois.

Le président de la BCE garde en tête la mini-panique qu'avait provoquée en mai 2013 le prédécesseur de Mme Yellen à la Fed, Ben Bernanke, en évoquant devant le Congrès américain la fin prochaine de la politique d'assouplissement quantitatif suivie par l'institution monétaire américaine.

Janet Yellen devrait elle essentiellement parler dans son discours de régulation au moment où l'administration du président Trump entend démanteler les garde-fous mis en place après la crise financière.

Les marchés espèrent néanmoins des indications éventuelles sur le rythme des hausses des taux à venir face à la paresse de l'inflation aux Etats-Unis. Celle-ci reste en-dessous des 2%, objectif que la Fed s'est fixé et lui donne en principe un peu de marge après les deux hausses déjà décidées cette année qui ont porté les taux sur les fonds fédéraux à une fourchette comprise entre 1 et 1,25%.

Mais l'emploi se porte bien, avec un taux de chômage à 4,3%, au plus bas depuis 16 ans.

"C'est une occasion excellente pour Mme Yellen de dire aux marchés que la Fed compte continuer à relever ses taux  en dépit des récents chiffres d'inflation plutôt faibles car le marché du travail ne peut pas être autorisé à se contracter encore davantage", juge Ian Shepherdson chef-économiste pour les Etats-Unis chez Pantheon Macroeconomics.

(avec agences)

Commentaires 4
à écrit le 31/01/2018 à 17:19
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Attendez que Draghi soit remplacé par l'Allemand Jens Weidmann et vous verrez ce que la croissance française va faire! Avec un fervent apôtre des taux d'interêts élvés à la tête de BCE la croissance sera négative et le chômage augmentera d'autant pl...

à écrit le 05/09/2017 à 14:05
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"Un volume important de recherches empiriques a prouvé le succès de ces politiques dans le soutien à l'économie et à l'inflation aussi bien au sein de la zone euro qu'aux Etats-Unis" ... Inconscience, irresponsabilité, incompétence ou simplement vol...

à écrit le 25/08/2017 à 14:38
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Madame Janet Yellen ...va susurrer à Mario Draghi ...cher Mario ..., si vous m'avez compris ..c'est que j'ai mal expliqué....;-) (citation du renard Greenspan)...

à écrit le 25/08/2017 à 13:39
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Heureusement que les populations ne comprennent rien à leur système monétaire, ça leur permet d'avoir la marge pour les 50 années à venir.

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