Anti-douleurs : les États-Unis veulent se désintoxiquer

La DEA va imposer une réduction de 25% de la production d'opioïdes par les laboratoires dès 2017. En moyenne, 78 Américains meurent chaque jour des suites d'une overdose à cause de ces substances.
Jean-Christophe Catalon
Le chanteur Prince est décédé d'une overdose de Fentanyl, un opioïde 100 fois plus puissant que la morphine et 50 fois plus que l'héroïne.

Morphine, codéine, méthadone, ces puissants analgésiques de la famille des opioïdes (*) vont voir leur quantité brutalement réduite aux États-Unis. L'agence anti-drogue américaine, la DEA, a décidé d'abaisser d'au moins 25% les quotas de production de ces médicaments contre la douleur dès 2017, indique le site d'information The Verge. Aujourd'hui, la production ne correspond plus au nombre de prescriptions, en baisse selon une étude d'IMS Health citée par la DEA.

L'agence veut surtout enrayer les abus liés à la consommation de ces substances, dont une prise abusive peut s'avérer dangereuse, voire mortelle. De 2000 à 2014, près d'un demi-million de personnes sont décédées des suites d'une overdose aux États-Unis, selon le centre de prévention des maladies américains (CDC). Dans six cas sur dix, il s'agit d'une prise d'opioïdes - incluant les anti-douleurs prescrits et l'héroïne (illégale). Le chiffre a quadruplé en 15 ans, portant à 78 le nombre d'Américains qui meurent chaque jour des suites d'une overdose d'opioïdes.

Les Américains premiers consommateurs d'anti-douleurs

Si les Français sont connus pour leur grande consommation d'anti-dépresseurs, les Américains ont eux la main leste sur les anti-douleurs. En effet, ils sont les premiers consommateurs mondiaux de la plupart des opioïdes, selon les chiffres de l'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) affilié à l'ONU.

 

La DEA cherche à réduire la production faite sur le sol américain par les grands laboratoires, comme Mylan et Johnson & Johnson pour ne citer qu'eux. Les quotas concernent également les importations.

99% des médecins font des prescriptions abusives

Pour comprendre cette consommation massive, il faut se tourner vers ceux qui l'autorisent : les médecins. En 2014, "99% des docteurs prescrivent des médicaments opioïdes hautement addictifs pour une durée supérieure aux trois jours recommandés par le CDC", selon les chiffres de la NSC, une ONG spécialisée dans la sécurité sanitaire. Près du quart (23%) déclare même prescrire à leurs patients au moins un mois d'opioïdes, alors qu'il y a "des preuves qu'une prise supérieure à 30 jours impacte le cerveau de façon irréversible", poursuit la NSC.

Résultat, le nombre de prescriptions d'opioïdes a quadruplé depuis 1999, selon la CDC. Parallèlement, le nombre d'overdoses d'oxycodone, d'hydrocodone et de méthadone ont également quadruplé sur la même période. Le chanteur Prince fait partie des victimes de ces pratiques laxistes. Le 21 avril dernier, il décède d'une overdose de Fentanyl, un opioïde 100 fois plus puissant que la morphine et 50 fois plus que l'héroïne.

Le risque d'alimenter le marché de l'héroïne

Dans ces conditions, la décision de la DEA de réduire les quotas paraît salutaire. Pourtant, elle n'est pas garantie de remplir ses objectifs. The Verge rappelle l'expérience malencontreuse de la Floride. En 2011, le gouverneur Rick Scott a forcé les cliniques suspectées de fournir trop d'opioïdes à leurs patients de réduire leurs prescriptions.

À premier vue le dispositif semblait efficace. Le nombre d'overdose a chuté dès la première année. En revanche, les décès suite à la prise d'héroïne ont grimpé de 39%. Privés de substances légales, les patients se sont redirigés vers le marché noir. Sans dispositifs d'accompagnement, le sevrage voulu par la DEA risque d'être plus compliqué que prévu.

___

(*)"Opiacé" est une terme généralement utilisé pour désigner les drogues dérivées de l'opium et leurs dérivés chimiques, comme les alcaloïdes semi-synthétiques, alors que "opioïdes" est un terme plus général pour désigner les drogues ayant les même propriétés que la morphine, quelles soient naturelles ou synthétiques.

Jean-Christophe Catalon
Commentaire 1
à écrit le 06/10/2016 à 16:47
Signaler
En néolibéralisme difficile de distinguer les marchés légaux et illégaux des drogues. Il serait temps de faire un peu le ménage et de montrer qui dirige nos sociétés, si ce sont nos gouvernants ou bien si ce sont les mafias.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.