Chine : la dette des entreprises atteint un point critique

Le gouvernement chinois est parvenu pour le moment à juguler une crise boursière majeure. Mais la dette des entreprises locales, la plus élevée au monde à 15.000 milliards d'euros, représente une autre grave menace pour une économie chinoise en phase de ralentissement.
Gérer le marché de la dette est sans doute plus périlleux que gérer la Bourse parce que ce marché est plus gros (...) et l'aléa moral est un problème de poids", selon David Cui, consultant pour la Bank of America.

Les fortes chutes des valeurs boursières chinoises ont particulièrement retenu l'attention en juin. Mais la dette des sociétés chinoises atteint plus de 16.000 milliards de dollars (15.000 milliards d'euros) soit 160% du PIB: elle représente le double de la dette des entreprises américaines.

Cet endettement augmenterait encore de 77% durant les cinq prochaines années pour atteindre 28.800 milliards de dollars, estime l'agence de notation Standard & Poor's.

Les risques "d'un robinet à crédit ouvert"

Les interventions de Pékin ont eu jusqu'à présent des visées plutôt macroéconomiques pour soutenir une croissance dont le rythme serait cette année le plus lent depuis un quart de siècle.

La Banque populaire de Chine a réduit les taux par quatre fois depuis novembre, abaissé le ratio des réserves obligatoires et supprimé le plafonnement des crédits considérés en rapport des dépôts.

Certes, le gouvernement souhaite que ces mesures bénéficient surtout aux PME et aux segments innovateurs de l'économie mais, fait remarquer Louis Kuijs (RBS), "lorsque les robinets du crédit sont ouverts, le risque est que l'argent aille à des sociétés ou des entités à problèmes". Or, les banques chinoises ont octroyé pour 1.280 milliards de yuans (190 milliards d'euros) de nouveaux prêts en juin, plus que les 900,8 milliards de yuans de mai.

Difficile de mesurer le financement de l'économie réelle

Les différentes mesures prises ont eu surtout pour effet d'abaisser les coûts financiers à court terme et de stimuler le prêt spéculatif en Bourse. De fait, il est difficile de voir dans quelle mesure les prêts bancaires servent réellement à financer des investissements profitables à l'économie réelle alors que les coûts d'emprunt à long terme restent élevés et que les banques hésitent à prendre des risques.

La dette des entreprises industrielles représente une proportion sans cesse plus grande de leur bénéfice. L'étude Thomson Reuters montre qu'en 2010, la dette des entreprises spécialisées dans les ressources naturelles représentait 2,8 fois leur bénéfice brut. A la fin 2014, le rapport était de 5,3 fois. Pour les sociétés de l'énergie, le rapport est passé de 1,1 à 4,4 fois et pour les industrielles de 2,5 à 4,2 fois.

Des prêts qui alimentent des entreprises publiques inefficaces

Gao Hong, l'un des responsables des investissements de l'équipementier ferroviaire Jinxi Axle, lequel a vu son rapport de la dette au bénéfice tripler à 10,25 de 2010 à 2014, explique que la société a toutes les peines du monde à trouver des projets d'investissement rentables, préférant ainsi investir dans des produits bancaires à court terme à rendement garanti.

"Le risque de ces programmes (d'investissement) est tellement élevé et le taux de rendement si faible qu'il vaut mieux pour nos investisseurs que nous achetions des produits bancaires. L'an passé, nous avons dégagé des profits grâce à la vente d'actions CNR", a-t-il dit.

Pour l'essentiel, les nouveaux prêts alimentent des entreprises publiques notoirement inefficaces. "On prête pour financer des projets de grands travaux et certains peuvent être faits par des entreprises publiques dont l'endettement augmente en conséquence", dit Tao Wang (UBS). "Les prix baissent et le chiffre d'affaires se tasse; dans un tel contexte, on ne peut pas ordonner un désendettement sur le champ, qui aboutirait à un atterrissage en catastrophe".

Une gestion périlleuse

Orienter le crédit vers les entreprises les plus efficaces, là où il aurait le plus d'impact sur l'économie, serait plus facile si on laissait disparaître les canards boiteux, de manière à ce que les marchés puissent valoriser la dette plus aisément.

Les autorités souhaitent que le marché joue un plus grand rôle de ce point de vue mais sans en assumer réellement les conséquences, renflouant dans les faits les sociétés en difficulté comme ce fut le cas l'an passé lorsque Shanghai Chaori Solar Energy Science and Technology fit défaut sur un remboursement d'emprunt.

Il a fallu une série de mesures sans précédent pour enrayer la chute des marchés boursiers chinois, qui représentent un peu plus de 8.000 milliards de dollars et sont réservés à une minorité de Chinois relativement aisés. S'attaquer à la dette des entreprises est une tâche d'une toute autre envergure.

"Gérer le marché de la dette est sans doute plus périlleux que gérer la Bourse parce que ce marché est plus gros (...) et l'aléa moral est un problème de poids", selon David Cui, consultant pour la Bank of America.

(Avec Reuters)

Commentaires 4
à écrit le 21/07/2015 à 0:54
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Ben, quand on n'a pas une banque centrale et des gouvernements aveuglés par leurs dogmes idéologiques, on peut se débrouiller plutôt bien face à n'importe quelle crise, comme le firent les Américains récemment, bien plus pragmatiques

à écrit le 19/07/2015 à 21:37
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"et l'aléa moral est un problème de poids", selon David Cui, consultant pour la Bank of America...Tant il est vrai que l'on voit plus facilement la poutre dans l'oeil de son voisin. Je n'ai pas souvenir que les banques US se soient préoccupées de l'a...

à écrit le 19/07/2015 à 21:37
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"et l'aléa moral est un problème de poids", selon David Cui, consultant pour la Bank of America...Tant il est vrai que l'on voit plus facilement la poutre dans l'oeil de son voisin. Je n'ai pas souvenir que les banques US se soient préoccupées de l'a...

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