Conflit commercial sino-américain : Pékin revient à la case départ

En revenant sur son engagement de légiférer sur les points de désaccords commerciaux avec les Etats-Unis, arguant de procédures trop longues, Pékin remet en cause la signature d'un accord cette semaine, à l'occasion de la venue ce jeudi aux Etats-Unis du vice-Premier ministre Liu He. En rétorsion, l'administration Trump va appliquer une hausse de certains tarifs douaniers à partir de vendredi.
Donald Trump recevant le vice-Premier ministre Liu He, négociateur en chef chinois, à la Maison-Blanche le 4 avril dernier.
Donald Trump recevant le vice-Premier ministre Liu He, négociateur en chef chinois, à la Maison-Blanche le 4 avril dernier. (Crédits : Reuters)

La réponse de Pékin est arrivée à Washington tard vendredi soir sous la forme d'un pli diplomatique avec des passages supprimés à quasiment chaque point du projet d'accord de près de 150 pages qui devait couronner des mois de négociations commerciales, a appris Reuters auprès de trois sources gouvernementales américaines et trois autres sources au courant des discussions. Dans chacun des sept chapitres du projet d'accord, la Chine a retiré son engagement à légiférer pour répondre aux griefs qui ont amené l'administration Trump à déclencher une guerre commerciale: le vol de propriété intellectuelle et de secrets commerciaux, le transfert forcé de technologies, la politique de la concurrence, l'accès aux marchés financiers et la manipulation de sa devise.

L'offensive de Trump

Le président Donald Trump a répondu dimanche en annonçant que 200 milliards de dollars de produits chinois jusque-là soumis à des droits de douane de 10% seraient taxés à hauteur de 25% à partir de vendredi - soit au beau milieu de la visite prévue à Washington du négociateur en chef chinois, le vice-Premier ministre Liu He.

La suppression par la Chine de toute mention d'obligation législative a été jugée inacceptable par le représentant américain au Commerce, Robert Lighthizer, pour qui un cadre contraignant est indispensable après des années de promesses non tenues. Le principal négociateur américain pousse depuis le début pour une stricte obligation d'application, sur le modèle des sanctions économiques imposées à la Corée du Nord ou l'Iran, plutôt que pour un simple accord commercial. "Cela mine l'architecture de base de l'accord", a dit une source basée à Washington au sujet de la position chinoise. Aucun commentaire n'a pu être obtenu auprès des porte-parole de la Maison blanche, de la représentation au Commerce ou du Trésor.

Revirement chinois

A Pékin, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a expliqué que les divergences dans les relations commerciales devaient être surmontées dans le cadre d'une procédure de négociation et que la Chine ne cherchait pas à "éviter les problèmes". Robert Lighthizer et le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, ont été abasourdis par le revirement chinois. Tous deux ont évoqué lundi un recul de la Chine pour expliquer le coup de sang du président Trump mais sans apporter de précisions. Selon deux sources, Liu He a déclaré la semaine dernière aux deux négociateurs américains qu'ils devaient faire confiance à la Chine pour qu'elle honore ses promesses par la voie de changements administratifs et réglementaires. Mnuchin et Lighthizer s'y sont opposés, rappelant que Pékin a reculé par le passé sur des promesses de réformes.

Une source du secteur privé informée des discussions a précisé que la dernière série de négociations s'était mal passée car la partie chinoise avait commencé à revenir sur ses positions. "La Chine a reculé sur une dizaine de points, si ce n'est plus (...) La véritable surprise, c'est que Trump ait attendu jusqu'à dimanche pour exploser", a-t-elle dit. "Après 20 ans où elle a pu se jouer des Américains, la Chine semble toujours sous-estimer cette administration."

Chute des marchés financiers

La menace de Donald Trump a fait chuter les marchés financiers qui, jusqu'à dimanche, croyaient les deux parties proches d'un accord. Certains observateurs se sont demandés si le président américain tentait un coup de poker pour obtenir de nouvelles concessions mais les sources ont assuré à Reuters que le recul chinois était grave et justifiait le durcissement de ton. Selon une source gouvernementale, les négociateurs chinois ont fait valoir qu'ils ne pourraient pas modifier le droit. Changer une loi est une procédure longue et compliquée en Chine, a dit un responsable chinois lui aussi au fait des négociations. Il a contesté l'idée d'un recul de la Chine sur ses engagements, affirmant que les demandes américaines devenaient plus "dures" et la voie vers un accord "plus étroite".

Liu doit arriver jeudi à Washington pour une nouvelle série de pourparlers qui, il y a une semaine encore, était présentée comme une ultime rencontre avant la conclusion d'un accord historique. Désormais la partie américaine doute que le vice-Premier ministre puisse relancer le processus de négociation, selon deux des sources. Pour éviter une escalade, a dit l'une des sources, Liu He devra revenir sur les modifications du texte proposées par Pékin et accepter le principe de nouvelles lois. La Chine devra aussi faire des concessions sur des demandes américaines qui restaient des points d'achoppement dans les négociations, comme la limitation des subventions chinoises à l'industrie ou la simplification de la procédure d'approbation des importations d'OGM américains.

La hausse des tarifs douaniers décidée par le président Trump doit prendre effet vendredi à 00h01 heure de Washington. Le recul chinois pourrait faire le jeu des "faucons" de l'administration Trump, à commencer par Robert Lighthizer. Steven Mnuchin, qui était partisan d'un accord moins contraignant, a semblé se ranger derrière Lighthizer quand les deux se sont exprimés devant la presse lundi, tout en laissant ouverte la possibilité d'une entente de dernière minute qui éviterait une escalade.

Commentaires 15
à écrit le 09/05/2019 à 15:12
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Trump est vraiment bon ! Il se doutait de cette situation, les Chinois se croient tellement plus malin sauf que là Trump (qui a l'avantage d'être pris pour un débile) avait déjà dit AVANT qu'il voulait les taxer sauf avec un accord ... et donc ......

à écrit le 09/05/2019 à 10:42
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la chine a besoin de l Amérique, et trump le sait..... ne soyons pas Bisounours..... les USA tentent de rester ;la puissance dominante même si les temps ne sont plus ceux d hier..... mais trump agite la fourmilière chinoise qui berne l occident depu...

à écrit le 09/05/2019 à 10:24
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C'est perdu d'avance pour les USA. Il fallait commencer cette guerre il y'a au moins 20 ans. Aujourd'hui la chine est en avance dans la plupart des technologies du 21 siecle et avec les moyens financiers et humains dont dispose le pouvoir chinois, il...

à écrit le 09/05/2019 à 9:04
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Quelle nation signerait un traité avec les US réputés pour ne pas les respecter. Les amérindiens ont été les premiers à payer le prix de la confiance. Ils ont été massacrés. Plus récemment, les USA sont sortis unilatéralement du traité sur les armeme...

le 09/05/2019 à 9:13
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"Quelle nation signerait un traité avec les US réputés pour ne pas les respecter." C'est complètement faux c'est juste que les américains mettent des clauses dans leur contrat genre respect de la démocratie, respect des intérêts communs et-c... q...

le 09/05/2019 à 9:26
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@ citoyen blasé A vous lire, l'obsolescence à une courte durée de vie comme votre mémoire. Les US sont sortis de la COP 21, signée à Paris avec des dizaines de nations. Autre observation, les traités ne sont pas des contrats.

le 09/05/2019 à 10:13
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"les traités ne sont pas des contrats. " ET donc vous en connaissez les composantes exactes de ces traités ? Par ailleurs vous croyez que les hommes d'affaires et politiciens du monde ne parlent pas entre eux que tout est visible et effectué ...

à écrit le 08/05/2019 à 20:00
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Un produit chinois taxé à 25% reste toujours bien moins cher qu'un produit américain. J'en reviens à ce que je dis depuis le début, l'administration Trump soulève un vrai problème mais apporte des solutions simplistes, il aurait fallu restreindre le...

le 09/05/2019 à 4:22
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Ou alors le produire sur le sol américain ce qui est l'objectif de Trump

à écrit le 08/05/2019 à 19:09
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Je n'apprécie guère Trump, mais il faut bien reconnaître que lui, au moins, defend vigoureusement son pays et essaye de mettre un terme à la coupe réglée engagée par les chinois depuis bien longtemps sans que nos dirigeants ne réagisse de manière eff...

à écrit le 08/05/2019 à 18:59
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"...changer une loi est une procédure longue et compliquée en Chine...". C'est presque beau, ce cynisme. Raison de pus, pourrait-on penser, pour qu'ils s'y mettent le plus vite possible, alors... Il va vraiment falloir leur apprendre les syndicats et...

à écrit le 08/05/2019 à 18:10
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On ne peut pas dire que les USA aient tort sur le volet commercial avec la Chine. La protection des économies occidentales s'impose depuis longtemps face aux pratiques de certains pays , surtout la Chine. La Chine est très protectrice de son économ...

à écrit le 08/05/2019 à 17:08
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Un choc de culture entre d'un coté, les USA, des gens qui ont l'habitude de prendre des décisions rapidement, et de respecter les contrats, et de l'autre, des personnes habituées à des négociations marathon, (quelques fois des années) où tout se redi...

le 08/05/2019 à 21:08
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"les USA, des gens qui ont l'habitude de prendre des décisions rapidement, et de respecter les contrats" Les américains sont plutôt du genre à imposer leurs règles du jeu et à les changer quand ça les arrangent. Ce n'est pas une question de culture ...

le 09/05/2019 à 4:56
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A Britannicus. "Les USA respectent les contrats" ! Merci, je me suis bien bidonne en lisant cette ineptie. Encore bravo.

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