COP21 : la presse anglo-saxonne s'inquiète de la mise en oeuvre de l'accord

L'accord de Paris, résultat d'un compromis difficile, n'est non seulement pas parfait mais surtout, il heurte des nombreux intérêts, qu'il faudra savoir écarter pendant sa longue mise en oeuvre, observent les journaux américains et britanniques deux jours après la conclusion de la COP21.
Giulietta Gamberini
"Dans une ville récemment frappée par des attaques terroristes qui ont fait 130 morts et encore plus de blessés, la volonté collective a prévalu", se réjouit néanmoins The Guardian.

Moins de 48 heures après l'adoption de l'accord "historique" de Paris sur le changement climatique, les analyses fleurissent dans les journaux. Y compris aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, où la COP21 a été suivie de près par la presse. L'approche factuelle laisse progressivement la place aux commentaires, notamment des acteurs économiques. Et l'enthousiasme pour le succès de l'action diplomatique menée par la France se voile des inquiétudes concernant "l'après-COP".

The Wall Street Journal s'interroge : les Etats sauront-ils prendre des décisions douloureuses?

Certes, "contrairement aux conférences passées et à ce qui était attendu, une grande partie des termes utilisés dans le texte ont été renforcés, au lieu d'être affaiblis, au fur et à mesure que les diverses versions du projet ont été rendues publiques", observe The Wall Street Journal. Il n'empêche que le gros du travail est encore devant nous, estime le quotidien économique américain.

D'une part, en effet, "le succès de l'accord sur le climat repose sur la capacité individuelle des Etats à prendre des décisions douloureuses -en particulier concernant comment ils produisent et consomment de l'énergie-, qui pourraient modifier profondément le comportement des sociétés, les marchés financiers et le paysage économique mondial".  De l'autre, "une grande partie" de ce succès dépend de comment "il sera mis en oeuvre dans diverses années, par des gouvernements qui n'ont pas encore été élus". Difficile de prévoir alors les choix qui seront menés, notamment aux Etats-Unis où des représentants de l'industrie craignent que l'accord de Paris n'affaiblisse l'économie américaine, "en poussant le pays vers l'énergie, plus coûteuse, issue des sources renouvelables", rappelle le WSJ.

Pas de "changement massif" pour les industrie du charbon et du pétrole, constate le Financial Times

"Les obstacles auxquels est confronté le texte [...] ont été mis en évidence pendant la nuit de dimanche, lorsque des représentants des milieux des affaires et gouvernementaux ont minimisé l'impact de l'accord et les Républicains américains ont souligné leur opposition", constate pour sa part le Financial Times.

Le quotidien britannique cite notamment Benjamin Sporton, à la tête de la World Coal Association, aux yeux de qui le nouvel accord n'implique pas immédiatement de "changement massif" pour les producteurs de charbon, étant donné que de nombreux pays en développement comptent encore en brûler. Un autre dirigeant du secteur pétrolier cité par le journal souligne par ailleurs que l'industrie du pétrole a des préoccupations plus immédiates que l'accord de Paris, dont le processus de mise en œuvre sera bien plus lent que la chute des prix... Le principal effet du pacte consisterait alors dans le fait qu'il forcera les gouvernements à se concentrer davantage sur la capture du carbone et les systèmes de stockage, désormais indispensables pour atteindre les objectifs qu'ils se sont fixés, estime Benjamin Sporton.

Le Financial Times rapporte aussi le propos tenus par le leader de la majorité républicaine au Sénat, à propos des engagements pris Barack Obama pour les Etats-Unis :

"Avant que ses partenaires internationaux ouvrent le champagne, ils devraient se rappeler que'il s'agit d'un accord inatteignable fondé sur un plan énergétique interne qui est probablement illégal, que la moitié des Etats ont attaqué en justice pour l'arrêter et que le Congrès a déjà rejeté", a déclaré Mitch McConnell.

Les gouvernements encore réticents, souligne The Independent

"Après l'aube fallacieuse de Kyoto et le fiasco de Copenhague, le monde a commencé à se ressaisir. Bravo", attaque The Independent, avant de souligner que la communauté internationale a agi "juste à temps", et que les Etats baignent encore dans les contradictions. C'est le cas notamment du Royaume-Uni : tout en étant au premier rang non seulement des émissions de carbone -"cadeau" au monde de la patrie de la Révolution industrielle, ironise le journal d'outre-Manche-, mais aussi de la science du climat, le pays vient pourtant de réduire d'un milliard de livres sterling (1,37 milliard d'euros) un financement déjà promis aux technologies de stockage du carbone. Ce faisant, le gouvernement britannique a bien signalé que, "si le prix n'est pas bon, il abandonnera volontiers la lutte", en déduit The Independent.

Ces résistances n'effaceront toutefois pas le "besoin urgent de changement de trajectoire" désormais inévitable, et qui demande d'être adressé avec tous les instruments dont on dispose, rappelle le journal. "Que quelqu'un rappelle ce fait à M. Cameron", suggère The Independent.

La société civile désormais au centre de la bataille, estime The New York Times

Le New York Times insiste aussi sur le fait que "une grande partie de la responsabilité de maintenir l'élan revient aux pays qui devront imaginer et accomplir les pas nécessaires pour réaliser leurs promesses". Une tâche particulièrement difficile pour des pays en développement tels que l'Inde, qui doit concilier ses engagements climatiques avec sa lutte contre la pauvreté, souligne le journal new-yorkais. Mais dont le succès dépend désormais de la prise de conscience de la société civile.

"Les activistes du climat ont souvent utilisé l'approche fondée sur le pouvoir des gens" pour faire pression sur les politiques, rappelle le NYT. "Maintenant que l'accord de Paris a été adopté, la ligne de front de la bataille pour stabiliser l'atmosphère de la planète va se déplacer", écrit le journal, soulignant qu'il appartient aux citoyens d'obliger les gouvernements à maintenir leurs promesses.

Un accord "pas parfait", mais "un accord juste", rappelle The Guardian

Seul The Guardian ne modère pas son enthousiasme. "Le contraste avec la dernière tentative mondiale de résoudre le problème du changement climatique, à Copenhague en 2009, qui avait collapsé dans le chaos et les récriminations, ne pourrait pas avoir été plus grande", écrit le journal anglais, soulignant :

"Dans une ville récemment frappée par des attaques terroristes qui ont fait 130 morts et encore plus de blessés, la volonté collective a prévalu."

Certes, comme tous les compromis internationaux, celui trouvé à Paris "n'est pas parfait", admet The Guardian. Mais s'il a été globalement positivement accueilli, y compris par la société civile, c'est aussi pour le caractère "extraordinaire" de la conférence de Paris:

"La convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique est l'un des derniers forums du monde où chaque pays, aussi petit qu'il soit, est représenté sur la même base et avec le même nombre de voix que les plus grandes économies", rappelle The Guardian.

"Si cela implique un processus long et frustrant, c'est néanmoins aussi un processus juste", conclut le quotidien.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 4
à écrit le 15/12/2015 à 9:03
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Beaucoup de vent pour rien ! Hollande, s'il en est, nous a démontré (avec l'affaire des Mistral) qu'une signature ne valait pas grand chose. Tout le monde signe donc, pour ne pas paraître être la brebis galeuse, mais personne n'appliquera les mesures...

le 15/12/2015 à 10:10
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@patrickb Vous mélangez tout, votre Hollande bashing devient pathétique. Quoi que vous en pensiez, l'enjeu écologiste est crucial. La COP 21 est une étape qui apportera des avancées, comme Kyoto en son temps où, par exemple il fut décidé la suppres...

le 15/12/2015 à 10:10
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@patrickb Vous mélangez tout, votre Hollande bashing devient pathétique. Quoi que vous en pensiez, l'enjeu écologiste est crucial. La COP 21 est une étape qui apportera des avancées, comme Kyoto en son temps où, par exemple il fut décidé la suppres...

à écrit le 15/12/2015 à 0:14
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Imagine de priver un cowboys de son 4x4... Et l'américane drim, c'est du poulet..??

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