Le coup de frein en Chine et aux Etats-Unis va ralentir la croissance mondiale en 2022 (FMI)

Le Fonds monétaire international a révisé à la baisse (-0,5 point) ses prévisions de croissance du PIB planétaire pour 2022 de 4,9% à 4,4%. L'activité aux Etats-Unis et en Chine devrait être beaucoup moins robuste que prévu.
Grégoire Normand
La croissance du commerce mondial devrait passer de 9% en 2021 à 6% en 2022 selon le FMI.
La croissance du commerce mondial devrait passer de 9% en 2021 à 6% en 2022 selon le FMI. (Crédits : Reuters)

L'horizon au bout du tunnel est encore loin de se dégager. Après plus de deux années interminables de pandémie, l'économie mondiale entame 2022 dans un épais brouillard. L'apparition du variant Omicron en novembre dernier en Afrique du Sud et la pagaille dans les chaînes d'approvisionnement continuent de chambouler le fonctionnement de l'économie.

La propagation de ce variant sur l'ensemble des continents a obligé les Etats a muscler une fois de plus les mesures de restriction même si elles sont moins drastiques qu'au cours des années 2020 et 2021. A cela s'ajoutent les pressions inflationnistes qui se multiplient partout sur la planète.

Dans ce contexte sanitaire dégradé, le Fonds monétaire international (FMI) a révisé à la baisse ses prévisions de croissance du produit intérieur brut (PIB) pour 2022 à 4,4% contre 4,9% en octobre dernier, soit une baisse de 0,5 point.

A la recherche de la croissance pré-crise

Après une chute vertigineuse en 2020 (-3,1%), la croissance planétaire avait bien rebondi l'année dernière à 5,9%. Malgré les avancées de la vaccination, le prolongement de la crise sanitaire reporte sans cesse le retour à une trajectoire de croissance pré-crise.

Après la Banque mondiale il y a quelques jours, la cheffe économiste Gitah Gopinath estime dans une note de blog que "la poursuite de la reprise mondiale doit faire face à de multiples défis alors que la pandémie entre dans sa troisième année. La rapidité de contagion du variant Omicron a amené plusieurs pays à prendre de nouvelles mesures de restriction sur la mobilité et a accru les pénuries de main d'oeuvre."

Gitah Gopinath  laissera sa place dans quelques semaines au Français Pierre-Olivier Gourinchas aux manettes de la recherche macroéconomique à l'institution basée aux Etats-Unis.

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Les Etats-Unis appuient sur le frein, le FMI dégrade fortement ses prévisions (-1, 2 point)

Les nuages s'amoncellent désormais au-dessus de l'économie américaine. Après un plongeon abyssal en 2020 (-3,4%), les moteurs de l'appareil productif américain ont pourtant tourné à plein régime en 2021 (5,6%). Les avancées rapides de la vaccination après l'arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche et les mesures de soutien aux familles américaines ont permis à la consommation de repartir sur les chapeaux de roue.

Malgré l'annonce de plans d'investissement massifs destinés à moderniser les infrastructures et à assurer la transition énergétique dans le cadre du fameux "Build Back Better", le chef d'Etat démocrate a dû affronter de violentes oppositions au Congrès.

A cela s'ajoute la forte montée des prix à la consommation et ceux de la production. Le président de la Reserve fédérale américaine Jerome Powell a annoncé un resserrement de la politique monétaire après avoir injecté des milliards de dollars dans l'économie et des rachats importants de dette en début de crise sanitaire. Résultat, le FMI a fortement révisé à baisse ses prévisions de croissance à 4% contre 5,2% en octobre dernier.

La politique budgétaire expansionniste de Joe Biden pourrait être mise à rude épreuve d'ici les élections de mi-mandat à la fin de l'année. En effet, les Républicains et les pro-Trump risquent de vouloir faire barrage aux différentes réformes du chef d'Etat tout en profitant des divisions au sein du camp démocrate.

La Chine en perte de vitesse

Quant au moteur de la croissance mondiale, l'économie chinoise devrait fortement marquer le pas en 2022. Après un pic à 8,1% en 2021, la croissance du PIB attendue est de 4,8% cette année contre 5,6% lors des projections d'automne dernier.

La persistance de la pandémie dans de nombreuses régions en Chine et la politique zéro-covid appliquée par les autorités ont largement contribué à freiner l'activité du moteur industriel de la planète. Les déboires du géant immobilier Evergrande à l'automne ont également suscité de vives inquiétudes chez les investisseurs. L'arrivée imminente des Jeux Olympiques au mois de février et la grande réunion quinquennale du Parti communiste en novembre prochain ne devraient pas inciter les autorités à desserrer la vis des mesures sanitaires.

"Un ralentissement en Chine affectera les perspectives mondiales, principalement via les entreprises exportatrices de biens et les marchés émergents", expliquent les économistes dans leur synthèse.

"La réduction des dépenses dans le secteur de l'immobilier et le coup de frein plus prononcé que prévu de la consommation privée ont également limité les perspectives de croissance", ajoutent-ils. L'assouplissement monétaire avec une baisse des taux et des facilités de crédit pour les PME devraient permettre à l'activité chinoise de rebondir au cours du premier trimestre.

L'Europe ralentit plus qu'anticipé

Sur le Vieux continent, la propagation du variant Omicron et la flambée des contaminations ont assombri l'horizon économique. Les dernières tensions géopolitiques en Ukraine aux portes de l'Europe pourraient également porter un coup à l'activité dans les économies dépendantes du gaz russe.

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La croissance sur le Vieux continent pourrait passer de 5,2% en 2021 à 3,9% en 2022 et 2,5% en 2023. Le FMI a révisé à la baisse ses prévisions de croissance du PIB pour cette année de 0,4 point par rapport à l'automne dernier. Toutes les grandes économies de la zone euro ont enregistré une dégradation des projections par le FMI. Parmi les baisses les plus marquées figure l'Allemagne (-0,8 point).

La première économie de la zone euro devrait néanmoins voir son PIB augmenter entre 2021 et 2022 de 2,7% à 3,8%. Si le rebond l'année dernière est moins spectaculaire que celui de la France (6,7%), il faut néanmoins rappeler que le plongeon de l'activité en Allemagne a été nettement moins violent. En revanche, l'industrie outre-Rhin est toujours empêtrée dans de fortes difficultés d'approvisionnement. Compte tenu du poids de l'industrie dans le PIB germanique, les moteurs de l'appareil productif risquent encore de tousser pour la nouvelle coalition au pouvoir arrivée aux commandes de l'Etat fédéral en fin d'année dernière succédant à Angela Merkel.

En France aussi, la croissance du PIB pourrait être moins robuste qu'attendu. Après une chute abyssale (-8% en 2020) et un rebond en partie mécanique de 6,7% en 2021, la croissance devrait ralentir plus que prévu selon le FMI. Les économistes basés à Washington tablent sur une croissance de 3,5% cette année contre 3,9% en octobre 2021.

Là encore, la flambée des contaminations et la fièvre des prix de l'énergie ont assombri les chiffres de la croissance en fin d'année. La situation sanitaire demeure particulièrement alarmante malgré un taux de vaccination de la population relativement élevé. Dans le sud de l'Europe, l'activité devrait également être moins robuste qu'anticipé. L'Italie (3,8% en 2022) et l'Espagne (5,8% en 2022) ont également vu leurs chiffres de croissance revus à la baisse (respectivement de -0,4 point et -0,6 point).

Une inflation persistante

Le rattrapage économique suite à la profonde récession de 2020 et la remonté des prix du pétrole et ceux des matières premières ont fait ressurgir le spectre de l'inflation aux Etats-Unis et dans les autres pays riches. Au total, le FMI table sur une hausse de l'indice des prix de 3,9% en 2022 contre 3,1% en 2021 et 0,7% en 2020 dans les économies avancées. L'inflation devrait marquer le pas à partir de 2023 à 2,1%.

Du côté des économies émergentes, les pressions inflationnistes devraient encore accélérer cette année à 5,9% (5,7% en 2021) avant de ralentir à partir de 2023 (4,7%). Le Fonds monétaire international considère que "cette inflation élevée devrait persister plus longtemps que prévu par rapport aux prévisions d'octobre en raison de la désorganisation dans les chaînes d'approvisionnement et la poursuite de prix élevés dans l'énergie en 2022."

Grégoire Normand
Commentaires 3
à écrit le 26/01/2022 à 9:13
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la chine ferme volontairement ses ports et ses usines, donc a moins d'activite? euh oui, c'est un peu logique...la ou ca va coincer c'est que quand ils vont reouvrir ils vont voir que leurs clients ont commmence a prendre des mesures pour limiter la ...

à écrit le 25/01/2022 à 22:25
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"L'horizon au bout du tunnel est encore loin de se dégager." : Nous ne sommes pas dans un tunnel : Un tunnel, c'est transitoire

à écrit le 25/01/2022 à 19:20
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En Chine c'est le parti qui fixe l'objectif (et donc aussi le résultat) de la croissance annuelle du PIB. Méthode confortable et certes discutable , mais la méthode du FMI n'est pas forcément plus fiable.

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