En voulant sauver la dette britannique, la Banque d'Angleterre (BoE) fait plonger la livre mais donne un (court) répit aux Bourses mondiales

Mercredi, afin de calmer le vent de panique qui avait soufflé toute la matinée sur les marchés obligataires britanniques déclenchant une envolée des taux d'emprunt, la Banque d'Angleterre intervenait dans l'urgence sur le marché obligataire. La chute de la livre face au dollar qui a suivi laissait certains analyses perplexes, mais les places financières occidentales et celle de Tokyo saluaient son action. Le répit fut de courte durée : ce jeudi matin, les Bourses repartent à la baisse, comme la livre (qui avait pourtant un peu repris du poil de la bête). Tandis que Liz Truss persiste et signe.
En fin de matinée, face au dollar, la livre sterling plongeait  de 1,41% à 1,0581 dollar, s'approchant dangereusement de son plus bas historique, à 1,0350 dollar, atteint il y a à peine deux jours, lundi 26 septembre.
En fin de matinée, face au dollar, la livre sterling plongeait de 1,41% à 1,0581 dollar, s'approchant dangereusement de son plus bas historique, à 1,0350 dollar, atteint il y a à peine deux jours, lundi 26 septembre. (Crédits : Reuters)

[Article publié le mercredi 28.09.2022 à 16:04, mis à jour le 29.09 à 12:15 avec Bourses mondiales]

Les répliques sismiques qui ont suivi le "Mini-Budget" ultra coûteux dévoilé vendredi dernier par Liz Truss et Kwasi Kwarteng, se succèdent sans discontinuer au Royaume-Uni. Ce mercredi, pour rassurer les investisseurs très inquiets du risque que représente l'envolée du prix de la dette pour l'économie britannique, avec un taux à dix ans qui oscille désormais autour de 4,5%, la Banque d'Angleterre est intervenue sur les marchés, ce qui a fait immédiatement plonger la livre sterling face au dollar et dans une moindre mesure face à l'euro.

Vers 11H35 GMT (13H35 à Paris), la livre plongeait ainsi de 1,41% à 1,0581 dollar, s'approchant dangereusement de son plus bas historique, à 1,0350 dollar, atteint il y a à peine deux jours, lundi 26 septembre.

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Une intervention spectaculaire de la BoE... mais qui dévalue la monnaie

Alors que le Trésor maintenait ce plan budgétaire dispendieux, pourtant vertement critiqué par le FMI, la Banque d'Angleterre est intervenue dans l'urgence ce matin en procédant à des achats sur le marché obligataire afin de calmer l'envolée de la dette souveraine. La BOE a justifié sa décision spectaculaire en déclarant qu'elle ne pouvait pas permettre que le dysfonctionnement se poursuive, au risque de voir la stabilité financière du Royaume-Uni menacée.

"La Banque va effectuer des achats d'obligations gouvernementales à échéance éloignée" dès mercredi afin de "rétablir des conditions de marché normales", affirme la BoE dans un communiqué, mercredi.

Certes cette action a fait reculer le taux d'emprunt à long terme, mais cela a dévalorisé dans le même temps la monnaie britannique, parce que, explique Fawad Razaqzada, analyste chez City Index, "acheter des obligations augmente la quantité de livres sur le marché".

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Entre critiques et doutes, les analystes circonspects

Nordim Naam, analyste obligataire chez Natixis, explique à l'AFP que le mouvement de la BoE est "assez curieux", puisque la Banque maintient qu'elle va réduire son portefeuille d'actifs accumulés pendant la pandémie sur les douze prochains mois.

"Tout cela sent le manque de crédibilité à plein nez", assène Neil Wilson, analyste chez Markets.com.

La livre perd 6,2% depuis vendredi et l'annonce par le nouveau gouvernement de Liz Truss des mesures de soutien à l'économie et des baisses d'impôts très coûteuses, évaluées par les économistes à un montant de 100 à 200 milliards de livres, mais dont le financement et l'impact restent flous et non chiffrés par le gouvernement. Depuis le début de l'année, la chute de la livre est vertigineuse: -21% face au dollar.

Jeudi, d'autres experts s'étonnaient également, tels ces experts d'Aurel BGC, dans une note:

« Cette décision de la BoE s'oppose à ses objectifs de politique monétaire sur l'inflation. De plus, elle ne permet pas de résoudre le problème de crédibilité du gouvernement anglais sur sa politique budgétaire. »

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Le dollar ne cesse de se renforcer, et le sabotage du Nord Stream n'arrange rien

"D'un côté, le dollar est soutenu par la politique déterminée de la Réserve fédérale américaine (Fed) et l'aspect valeur refuge", note Ricardo Evangelista, analyste chez ActivTrades, et de l'autre "la situation en Europe n'aide pas l'euro".

Pâtissant du conflit en Ukraine, l'économie des régions couvertes par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd), à savoir l'Europe de l'est, le maghreb et certains pays d'Asie centrale notamment, devrait croître de 3% seulement en 2023, alors que l'institution financière tablait jusqu'alors sur 4,7%.

"La montée en puissance" des tensions entre Moscou et l'Union européenne "après le sabotage des gazoducs Nord Stream promettent un hiver douloureux en Europe", ajoute M. Evangelista.

L'Union européenne a promis la "réponse la plus ferme possible" à un "sabotage" des gazoducs Nord Stream.

La dernière fois que le dollar était aussi fort face aux autres grandes devises, en 1985, le billet vert n'avait courbé l'échine qu'après une intervention coordonnée des Etats-Unis avec plusieurs autres pays dans le cadre des accords du Plaza.

Une intervention saluée pour la détente sur le marché obligataire

En fin de journée, mercredi, les bourses occidentales avaient salué l'initiative de la Banque d'Angleterre qui avait permis de limiter l'envolée du prix de la dette britannique, faisant nettement reculer les taux longs britanniques, et, en plus, baisser le dollar.

La Bourse de Tokyo a, à son tour, salué la décision de la BoE de racheter de la dette souveraine britannique attribuant à cette action sa progression jeudi dans la foulée de Wall Street la veille.

L'indice vedette Nikkei, qui fait du yo-yo depuis le début de la semaine, a pris 0,95% à 26.422,05 points et l'indice élargi Topix a gagné 0,74% à 1.868,80 points.

"Même s'il y a toujours une forte incertitude sur les marchés américain et britannique concernant la montée des taux d'intérêt obligataires, pour l'instant il y a un répit" grâce à l'intervention de la Banque d'Angleterre, ce qui a soutenu jeudi les valeurs japonaises, a estimé Tomo Kinoshita, stratégiste chez Invesco Asset Management cité par l'agence Bloomberg.

La Bourse de Hong Kong en revanche reculait (indice Hang Seng: -0,62% vers 07H00 GMT), après avoir évolué dans le vert jusqu'en début d'après-midi.

Les Bourse repartent à la baisse jeudi, la livre rechute, mais Liz Truss confirme son cap

Ce jeudi 29 septembre, au lendemain de l'intervention directe de la Banque d'Angleterre (BoE), les indices européens repartaient à la baisse face à la remontée des rendements obligataires et la rechute du cours de la livre sterling.

Les indices européens effaçaient leur rebond de la veille, s'enfonçant de plus de 1,73% à Paris, de 1,89% à Francfort, de 1,41% à Milan et de 2,28% à Londres vers 07H45 GMT.

Vers 07H25 GMT, la livre perdait 0,91% à 1,0787 dollar, après être tombée un peu plus tôt à 1,0763 dollars face à une monnaie américaine qui s'appréciait globalement, et prenait notamment 0,70% face à l'euro.

Sur le marché secondaire de la dette souveraine, où le rendement augmente quand la demande pour les obligations recule, le taux britannique à dix ans remontait à 4,20% vers 07H35 GMT, contre 4,02% la veille au soir. Tous les autres rendements suivaient le mouvement.

Mais, malgré les turbulences financières, la Première ministre britannique Liz Truss a défendu jeudi les baisses d'impôts massives "controversées et difficiles" prises par son gouvernement pour soutenir l'économie.

(avec AFP)

Commentaires 2
à écrit le 29/09/2022 à 14:05
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L'argent gratuit, le "C'est l'état qui paye", le "Quoi qu'il en coûte", tout le monde en a raz le bol, de ce déni de réalité. Les gens veulent que leur travail soit rémunéré, et qu'on arrête de subventionner des fainéants (Au premier sens du terme)

à écrit le 28/09/2022 à 18:24
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La Grande Bretagne paye au prix fort la guerre en Ukraine et l'isolement de la Russie. Le Royaume Uni était le pays qui bénéficiait le plus des relations économiques avec la Russie : importation de matières premières, argent des oligarques, place fin...

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