États-Unis : ralentissement économique en vue, mais la prudence reste de mise

Avec une consommation en baisse et des prix de gros qui reculent, l'économie américaine semble montrer les prémices d'un ralentissement tant attendu dans la lutte contre l'inflation. Mais la série de faillites bancaires de ces derniers jours - Silicon Valley Bank, Silvergate, Signature - font vaciller les marchés et compliquent la tâche de la banque centrale. La Fed pourrait ainsi marquer le pas dans sa politique de resserrement monétaire, bien que les analystes anticipent toujours une hausse des taux, mais moindre qu'auparavant.
Jusqu’à présent, les consommateurs ont déjà vu leur pouvoir d'achat réduit avec la forte inflation, mais ont continué à consommer. L’avenir risque d’être différent.
Jusqu’à présent, les consommateurs ont déjà vu leur pouvoir d'achat réduit avec la forte inflation, mais ont continué à consommer. L’avenir risque d’être différent. (Crédits : JIM VONDRUSKA)

La Fed est-elle en train de gagner la partie, le resserrement de la politique monétaire américaine pour réduire l'inflation est-il en train de porter ses fruits ? C'est ce qu'il pourrait ressortir des dernières données publiées outre-Atlantique.

Les ventes au détail ont ainsi reculé en février aux États-Unis, de 0,4% par rapport à janvier, selon les données du département du Commerce sorties ce mercredi 15 mars. C'est certes une mauvaise nouvelle pour les détaillants, mais c'est l'effet souhaité pour lutter contre l'inflation car cela desserre la pression sur les prix dans une économie en surchauffe.

Mais prudence tout de même.

« Les ventes au détail ont reculé en février, mais pas suffisamment pour signaler une détérioration majeure de la propension à dépenser des consommateurs », relève cependant Oren Klachkin, chef économiste pour Oxford Economics.

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Sombres mois à venir pour les consommateurs américains

Sur un an, les ventes sont néanmoins en hausse de 5,4%. Ces chiffres ne sont pas ajustés de l'inflation, qui contribue donc mécaniquement à faire augmenter le montant total des ventes. Or, celle-ci s'est élevée en février à 6% sur un an, selon l'indice CPI qui fait référence. Pour le même montant, les consommateurs repartent ainsi avec un panier bien moins rempli.

L'économiste s'attend « à ce que les dépenses de consommation s'affaiblissent plus tard cette année à mesure que les hausses de salaires fléchiront, que l'épargne s'épuisera, que les coûts d'emprunt augmenteront et que l'inflation restera élevée », ajoute Oren Klachkin, dressant un tableau sombre pour les consommateurs.

Jusqu'à présent, les consommateurs ont déjà vu leur pouvoir d'achat réduit avec la forte inflation, mais ont continué à consommer. Car ils avaient accumulé beaucoup d'épargne depuis le début de la pandémie de Covid-19 et que les salaires ont augmenté en raison d'une pénurie de main-d'œuvre dans le pays. L'avenir risque d'être différent.

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La Fed face à un dilemme

La banque centrale américaine (Fed) est en tout cas bien décidée à ne pas laisser les prix continuer à grimper autant. Elle relève donc ses taux à marche forcée depuis un an, ce qui renchérit le coût du crédit, affaiblissant ainsi la capacité à consommer.

Ses responsables se réuniront les 21 et 22 mars prochains. Ils se trouveront face à un dilemme de taille : relever les taux face à une inflation toujours trop forte, ou marquer une pause, en raison de l'incertitude sur les marchés financiers depuis la faillite de la Silicon Valley Bank (SVB), qui a justement été poussée par ces fortes hausses de taux.

D'autant plus que les prix de gros aux États-Unis, publiés mercredi par le département du Travail et qui mesurent l'inflation côté producteurs, ont reculé de 0,1% en février sur un mois, en raison notamment de la baisse des prix de l'essence. Et sur un an, la hausse des prix connaît sa plus faible évolution depuis mars 2021, à 4,6%, contre 5,7% en janvier.

« Les prix à la production sont loin de leurs sommets, mais l'inflation est toujours élevée », souligne Rubeela Farooqi, cheffe économiste pour HFE, qui s'attend à une hausse des taux de la Fed la semaine prochaine, d'un quart de point de pourcentage. Elle n'exclut cependant pas la possibilité d'une pause dans les hausses de taux, car « les responsables prendront en considération les risques pour la stabilité financière ».

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Revirement majeur en à peine une semaine

« Si les marchés restent aussi désordonnés qu'ils le sont actuellement, la Fed ne relèvera pas ses taux la semaine prochaine », anticipe pour sa part Kieran Clancy, économiste pour Pantheon Macroeconomics.

Reste que la majorité des acteurs du marché table sur une hausse d'un quart de point de pourcentage (25 points de base), selon l'évaluation de CME Group. Une hausse qui serait alors identique à celle annoncée le 1er février à l'issue de la précédente réunion.

Ces anticipations marquent un revirement rapide et spectaculaire par rapport à la semaine dernière, quand ils attendaient un demi-point de hausse (50 points de base). Le président de la Fed, Jerome Powell, venait alors d'avertir que l'inflation restait bien trop forte, et que les taux pourraient grimper plus que prévu. Mais entre-temps, la faillite de la SVB et de deux plus petits établissements, Signature Bank et Silvergate Bank, a fait vaciller la finance mondiale. « Les turbulences du secteur bancaire n'empêcheront pas une hausse des taux de la Fed », estiment pour leur part Ryan Sweet et Oren Klachkin, économistes pour Oxford Economics. L'institution peut « utiliser des outils autres que les taux d'intérêt pour atténuer les pressions sur le système bancaire », ajoutent-ils.

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(avec AFP)

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