Une économie industrielle a toutes les chances de profiter d'une dévalorisation de sa monnaie : les produits deviennent plus compétitifs sur les marchés extérieurs, les volumes vendus augmentent. De leur côté, les prix des importations grimpent, d'où un report de la consommation «domestique » vers les produits nationaux.
Ce scénario positif ne joue pas pour le Royaume Uni. La chute de la livre (-13,3% vis à vis de l'euro, depuis le plus haut de novembre 2015, et cela pourrait continuer) ne va pas profiter à l'économie britannique. Tout simplement parce que sa base industrielle est de plus en plus faible. La valeur ajoutée dans le secteur manufacturier ne représente plus qu'un peu plus de 8% du PIB. Rien à avoir avec l'Allemagne, où l'industrie pèse pour près d'un quart de l'économie. Que va-t-il alors se passer ? Les prix des importations vont donc augmenter, risquant d'accroître encore le déficit de la balance commerciale, proche de 7% du PIB. Toute la question, posée de longue date, est celle du financement de ce déficit des échanges de biens : il a toujours été rendu possible, pour partie, par la vente de services à travers le monde, mais aussi et surtout par un afflux de capitaux. Problème: avec l'affaiblissement de la livre, ce financement par des capitaux extérieurs ne va-t-il pas être remis en cause ?
Hausse des prix des importations
Côté exportations, il ne faut donc pas s'attendre à ce que les ventes à l'étranger soient dopées par une livre plus faible. « L'industrie britannique, pour ce qu'il en reste, ne peut guère réagir à une telle dévaluation », relève le directeur des études économiques de Natixis, Patrick Artus. « Quant aux services financiers sophistiqués que vendent les Anglais, leur demande n'est guère sensible à une baisse de prix. »
D'un point de vue "domestique", entreprises comme ménages vont souffrir d'une hausse des prix des importations. Mécaniquement, le pouvoir d'achat des britanniques vis-à-vis de l'extérieur va donc diminuer. Et donc leur pouvoir d'achat tout court. Sa chute va entraîner celle de la consommation.
Un recul du PIB de 3,6% ?
Un mois avant le vote, le ministère des Finances britannique avait tenté d'évaluer l'impact économique d'un Brexit. Compte tenu de ces enchaînements - baisse de la livre, hausse des prix des importations, baisse du pouvoir d'achat externe et interne -, le ministère estimait, dans son scénario le plus modéré, qu'à l'horizon de deux ans, la livre baisserait de 12%, entraînant une hausse des prix à la consommation de 2,3% - en plus de la tendance actuelle -. Ainsi, le pouvoir d'achat des salaires chuterait de 2,8% et le PIB reculerait de 3,6%. Il en résulterait une hausse de 520.000 du nombre de chômeurs.
Les pauvres souffriront le plus
Un scénario extrême ? D'autres calculs font état d'une baisse limitée du PIB, autour de -1%. En tous cas, rares sont les économistes à contester cette logique. Et, soulignent-ils, ce sont les plus pauvres des britanniques qui souffriront le plus. Car les produits de base -alimentation, habillement- verront leurs prix déraper nettement. Sans compter que les services publics, dont bénéficient les populations à bas revenus, comme la santé, seront mis à mal par une baisse des recettes publiques. Leurs ressources risquent d'être amputées.
Les économies mises en avant par l'arrêt de la contribution du budget britannique à l'Union européenne sont illusoires, car pour continuer de commercer avec l'Europe, un financement sera toujours exigé de la part de Bruxelles.