La Premier League, reine de l'industrie télévisuelle

Les transferts de joueurs ont atteint 1.38 milliard d’euros sur la seule période estivale, en Angleterre. Une première, pour un championnat hyper rentable, qui s’exporte à merveille dans le monde entier.
Le milieu de terrain de Liverpool Steven Gerrard célébrant un but en 2014.

[Article publié le 30/08/2016, mis à jour le 01/09/2016]

La Premier League ne connait pas l'austérité. Pour la première fois de l'histoire, les échanges sur le marché des transferts estival ont atteint plus d'un milliard d'euros, outre-Manche (1.38 selon les chiffres publiés ce jeudi). Un record établi l'année même du transfert le plus cher de l'histoire, celui du français Paul Pogba pour 105 millions d'euros, de la Juventus Turin à Manchester United. Folie dépensière, les deux clubs de Manchester ont déjà flambé à eux seuls près de 400 millions d'euros cet été, dans un championnat d'Angleterre où les transferts de plus de 30 millions d'euros sont devenus monnaie courante, avec plus d'une dizaine cette année dont Xhaka, Batshuayi, Kanté, Benteke, Stones, Pogba donc et Mikhtaryan. L'année dernière, la Premier League avait dépensé 1.3 milliards d'euros sur toute l'année et en avait encaissé « seulement » 494 millions. Un déficit de la balance des transferts qui s'explique par la richesse extrême des clubs anglais, bénéficiant de revenus très importants liés aux droits de diffusions, comme le détaille le cabinet Deloitte.

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Le prix des contrats de diffusions s'envolent

En 2015, un contrat record pour les droits de diffusion a en effet été signé entre BT et Sky, deux diffuseurs anglais, et la Premier League pour 5.14 milliards de livres (soit 6.19 milliards d'euros ou 7 milliards il y a un an, avant la chute de la livre liée au Brexit) pour les trois années à venir. Un montant faramineux, comparé aux 1.7 milliards touchés pour la période 2007-2010. Cette saison, chaque match représentera une valeur de 10.2 millions de livres en droit de diffusion. En seulement un match et demi, le montant total payé par les diffuseurs en 1991 pour l'ensemble des matchs de toutes les divisions anglaises est atteint (15 millions de livres). A titre de comparaison, Canal Plus et BeinSport ont dépensé à eux deux 748 millions d'euros par saison sur quatre ans (2.9 milliards au total) pour pouvoir retransmettre la Ligue 1.

Chaque club anglais devrait ainsi percevoir 94 à 150 millions de livres après redistribution des droits TV pour la saison 2016/2017. C'est la première fois de l'histoire que les clubs de Premier League sont rentables deux saisons consécutives (2014-2016) selon Deloitte. Mieux encore, six clubs ont généré chacun plus de revenus en 2014/2015 que l'ensemble des clubs en 1991/1992, s'il fallait encore une preuve de ce boom économique.

Le sport comme moteur de l'audience

La télévision, à la recherche de toujours plus d'audience, s'est totalement emparée du football. Et l'arène qu'est le stade reste au centre de ce spectacle, offrant une scénographie de plus en plus télégénique à mesure que son taux remplissage est élevé. C'est une enceinte de communion sportive incontournable en Angleterre, avec 30 millions de personnes ayant assisté à un match de division anglaise en 2015/2016. Avec un taux de remplissage de 97%, l'Angleterre possède la meilleure moyenne en Europe selon Deloitte. Mais là où en 1991 les revenus récoltés pendant les jours de match (billetterie, buvette, etc..) représentaient la source la plus importante des rentrées d'argent des clubs, aujourd'hui, elle est la moins conséquente.

Et l'augmentation des droits de diffusions est un phénomène global puisque l'on constate une augmentation de 8% des revenus liés à la diffusion sur les cinq grands championnats en 2014/2015. Les chaines de télévisions qui investissent dans ces droits de diffusions ne sont pas uniquement des chaines thématiques sportives, à l'image de Canal Plus et du groupe SFR. Le football permet de forger une audience solide qui profitera aux autres programmes proposés par les chaines (films, créations originales, etc). D'où l'importance pour Canal Plus de conserver du football sur son antenne. La question de la diffusion d'événements sportifs sur des canaux en ligne comme Youtube et Twitter commence à se poser, comme l'observe le cabinet Deloitte. Plusieurs modèles existent et les chaines TV commence à diffuser du contenu qui n'est pas « en direct » sur ces plateformes. Un moyen de toucher un public plus large quand certaines vidéos liées à des faits de match sont vues des millions de fois à travers le monde sur internet.

Un succès international

Un sport aux retombées universelles donc, mais pourquoi la Premier League, plutôt que la Liga espagnole ou la Ligue 1 française s'exporte-t-elle aussi bien ? Avec 1.1 milliard de livres de revenus sur trois ans, perçus pour les droits de diffusion hors Royaume-Uni, c'est le championnat qui, tous sports confondus, rapporte le plus hors de son pays d'origine. 32% de son audience était domiciliée en Asie/Océanie en 2012 contre seulement 16% au Royaume Uni. Cela s'explique en partie par la présence croissante de joueurs, d'entraîneurs et de capitaux étrangers au sein du championnat anglais, pouvant ainsi attirer un public de différentes nationalités.

Les clubs du « Big Five » (Arsenal, Liverpool, Chelsea, les deux Manchester) sont, cette année, coachés par cinq entraîneurs de cinq nationalités différentes dont aucun anglais. Cette internationalisation est également effective au sein des équipes dirigeantes des clubs. Aujourd'hui, plus de la moitié des franchises de Premier League sont possédées par des étrangers (hors Royaume-Uni). 2003/2004 fut la première saison où un club (Chelsea) dirigé pas un étranger, le russe Roman Abramovitch, gagnait le championnat d'Angleterre. Ce n'est pas un hasard si les investisseurs étrangers se font de plus en plus nombreux et les investissements de plus en plus conséquents, notamment en provenance de la Chine depuis deux ans.

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L'exception anglaise

Ce qui fait la particularité et la valeur du championnat anglais, en plus de son histoire, c'est l'incertitude qui règne autour du nom du vainqueur de la compétition. Leicester, 12ème club matière de revenus l'année dernière, a fini à la première place. Parfait exemple de story-telling du « petit » qui parvint à vaincre les ogres du championnat. Sur les quatre dernières années, quatre clubs différents ont gagné la Premier League. Contre-exemple total par rapport autres grands championnats européens où un petit nombre de clubs se partagent les trophées (Juventus en Italie, Bayern Munich en Allemagne, PSG en France, Barcelone et Madrid en Espagne). Car si les équipes anglaises ne brillent pas forcément sur la scène européenne, seulement deux clubs anglais (Chelsea et Manchester United) figurent parmi les vainqueurs de la Ligue des Champions ces quinze dernières années, elles restent parmi les plus compétitives et les plus attractives au monde pour les joueurs.

C'est un cercle vertueux qui s'est donc mis en place selon le cabinet Deloitte, et qui semble guider ce championnat : augmentation des revenus - plus de compétitivité sur le marché des transferts - internationalisation des joueurs, des coaches et des investisseurs - augmentation de l'audience. Reste à savoir si les autres championnats connaîtront à leur tour une telle explosions des droits de diffusion, notamment, notre « petite » Ligue 1 qui penne à séduire à l'étranger et qui est financièrement portée par une seule équipe, le PSG.

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