La renégociation de l'Aléna au point mort

A l'issue de leur seconde rencontre pour renégocier l'accord de libre-échange nord-américain (Aléna), le Mexique, les Etats-Unis et le Canada ont promis des avancées avant la fin du troisième tour des discussions, prévu du 23 au 27 septembre à Ottawa. Mais la vision protectionniste de Donald Trump et les points d'achoppement entre les trois pays pourraient faire échouer cette renégociation.
Grégoire Normand
Malgré l'entente apparente entre les ministres canadien, mexicain et américain, la poursuite des discussions lors du troisième tour de renégociation de l'Alena promet d'être tendue.

Le nouvel accord de libre-échange nord-américain (Aléna*) n'est pas prêt de voir le jour. Après plusieurs rencontres qui se sont déroulées à Mexico au cours de ces derniers jours, les Etats-Unis, le Canada et le Mexique n'ont pas réussi à faire avancer les négociations comme prévu. Bien que le contenu des discussions n'a pas été divulgué, plusieurs représentants ont fait part à la presse étrangère de points de blocage sur quelques sujets déterminants.

Le climat au centre des débats

Parmi les points de friction abordés, le climat a suscité de vifs échanges entre les différentes délégations. Si les Etats-Unis et le Canada veulent introduire un nouveau chapitre dans l'accord de libre-échange sur ce sujet, les deux dirigeants ont des visions opposées sur le changement climatique. Pendant longtemps, Donald Trump a qualifié le changement climatique de "canular" et sa volonté de retirer les Etats-Unis de l'accord de Paris n'a fait qu'accroître les désaccords avec le Canada.

> Lire aussi : Climat : Trump retire les Etats-Unis de l'accord de Paris

Du côté d'Ottawa, la ministre des Affaires étrangères canadienne Chrystia Freeland avait rappelé lors du premier tour des négociations au mois d'août dernier "qu'aucun pays membre de l'Aléna ne puisse réduire la protection de l'environnement en vue d'attirer les investissements" et que tous "appuient pleinement les efforts pour s'attaquer au changement climatique". Sur sa page Facebook, la ministre a ajouté que "le changement climatique est réel, et protéger l'environnement est essentiel. Il est temps que les conservateurs comprennent le message." Un message clair était donc adressé à leur voisin du sud. Selon la chaîne publique Radio Canada, le gouvernement de Justin Trudeau voudrait que le nouvel Aléna "favorise des mesures pour combattre le changement climatique, alors que les États-Unis ne veulent se limiter qu'à des clauses pour empêcher les pays signataires d'en faire moins pour protéger l'environnement afin d'attirer les investisseurs."

Chrystia Freeland

La ministre canadienne des Affaires étrangères à Mexico lors de la conférence de presse organisée à la fin du second tour de renégociation pour l'Aléna le 5 septembre dernier. Crédits : Reuters/Edgard Garrido.

 > Lire aussi : Aléna : ce que les Etats-Unis veulent renégocier avec le Mexique et le Canada

Un déficit de 64 milliards de dollars avec le Mexique

Le principal point d'achoppement entre le Mexique et les Etats-Unis concerne la balance commerciale. Depuis la signature de l'accord de libre-échange en 1994, la balance avec le Mexique est passée d'un excédent pour les Etats-Unis de 1,6 milliard de dollar à un déficit de 64 milliards de dollars. Cet argument est souvent mis en avant par le président américain comme le rappelle Vincent Vicard, économiste au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) pour France 24. "Donald Trump reproche deux choses à l'Aléna. Son rôle supposé dans l'explosion du déficit commercial des États-Unis, premièrement. [...] Sa deuxième critique concerne la destruction d'emplois manufacturiers". Au mois de janvier dernier, Donald Trump avait dénoncé l'ampleur de ce déficit commercial sur Twitter :

"Le Mexique a suffisamment profité des Etats-Unis. Le déficit commercial massif et le manque d'aide sur une frontière poreuse doivent changer, MAINTENANT".

Par ailleurs, le projet d'édification d'un mur sur la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis pourrait compliquer la poursuite des négociations, surtout que le ministre mexicain des Affaires étrangères Luis Videgaray a appelé les entreprises de son pays à boycotter les appels d'offres pour participer à la construction du mur.

> Lire aussi : Les États-Unis vont construire quatre prototypes de mur frontalier avec le Mexique

Une entente de façade

Malgré tous ces points d'achoppement, les représentants du Mexique, du Canada et des Etats-Unis ont tenté d'afficher une entente cordiale. Ils ont notamment promis de fournir les premiers résultats de l'avancée de la renégociation du traité de libre-échange nord américain lors leur prochaine rencontre au Canada prévue du 23 au 27 septembre prochain. Peu de détails ont fuité mais le ministre mexicain de l'Economie Ildefonso Guajardo a déclaré lors d'une conférence de presse que "nous avons donné des instructions à nos chefs négociateurs (...) pour pouvoir voir les premiers résultats lors du troisième tour des discussions".

De son côté, le représentant pour le commerce américain Robert Lighthizer a indiqué que les parties avaient trouvé "un accord mutuel sur de nombreux sujets importants".

"Nous devons répondre aux besoins de ceux qui sont touchés par l'accord actuel, en particulier nos ouvriers du secteur manufacturier. Nous devons obtenir un accord commercial qui bénéficie à tous les Américains, et pas juste à certains au détriment des autres" a-t-il déclaré. "J'espère que nous parviendrons à un accord qui aide les ouvriers américains, les agriculteurs, les éleveurs tout en améliorant également le niveau de vie des ouvriers au Mexique et au Canada", a poursuivi M. Lighthizer.

Enfin, la ministre canadienne des Affaires étrangères a de son côté souligné que les trois pays travaillaient dans une optique "gagnant-gagnant-gagnant".

Selon le cabinet de consultants Eurasia Group interrogé par l'AFP, "le manque de détails sur les négociations montre que l'ampleur des changements risque d'être limitée [...] Les trois parties vont travailler sur un accord sans altérer fondamentalement l'Aléna".

(*) ou Nafta en anglais pour North American Free Trade Agreement, ou TLCAN en espagnol pour Tratado de Libre Comercio de América del Norte.

Grégoire Normand
Commentaires 3
à écrit le 07/09/2017 à 10:59
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La mafia que l'on arrive plus à distinguer des milieux financiers a bien trop besoin de dumping social pour sa gigantesque marge bénéficiaire, encore une fois trump a aboyé et encore une fois l'"état profond" en a décidé autrement.

le 07/09/2017 à 14:22
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Merci beaucoup de venir m'encourager de la sorte, savoir que mes propos vous touchent autant est un réel plaisir de fin gourmet. Bien entendu j'ai signalé malgré tout votre commentaire qui est totalement hors sujet, seulement là pour troller.

à écrit le 07/09/2017 à 9:53
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Se méfier de Trudeau et des socialistes (libéraux au Canada) ! Un autre "libéral", Jean Chrétien, avait signé les accords de Kyoto...mais ne les a jamais respecté. Les socialos sont des girouettes qui tournent selon le sens du vent ...pour des raison...

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