La Turquie, championne du monde de l'emprisonnement de journalistes

Depuis le coup d'État manqué du 15-16 juillet contre le président Recep Tayyip Erdogan, les arrestations de journalistes se sont accélérées en Turquie. Plus d'une centaine sont actuellement enfermés dans les prisons turques.
Laszlo Perelstein
Depuis 2011, la censure sur Internet dans le pays est montée en flèche, selon le rapport annuel de Freedom House.

Plus de quatre mois après la tentative manquée de putsch en Turquie attribuée par les autorités à Fethullan Gülen, prédicateur exilé aux États-Unis depuis 1999 et ancien allié du président Recep Tayyip Erdogan, les répercussions se font encore largement ressentir. La purge lancée par le chef d'État depuis la nuit du 15 au 16 juillet a frappé plus d'une centaine de journalistes, ce qui fait de la Turquie le plus ayant arrêté le plus de journalistes en 2016, tandis que la fermeture d'organes de presse se poursuit, avec neuf médias supplémentaires clos ce mardi par un décret des autorités, portant le total à plus de 170.

Selon le dernier décompte - réalisé le 18 novembre par l'association d'écrivains International PEN, qui se bat notamment pour la liberté d'expression -, 114 journalistes ont été enfermés dans des prisons turques après le coup d'État (et 31 avant, soit 145 au total) et 4 détenus sans inculpation. Depuis le putsch manqué de juillet, 76 autres journalistes ont par ailleurs été brièvement arrêtés/détenus, note l'association sur son site. Très récemment, le journaliste français Olivier Bertrand (Les Jours) a été emprisonné pendant trois jours avant d'être libéré le 14 novembre. Arrêté le même jour à sa descente de l'avion alors qu'il revenait d'un voyage en Allemagne, Akin Atalaye, patron du journal d'opposition Cumhuriyet, dont neuf journalistes ont été mis en détention préventive une semaine auparavant, est, lui, toujours derrière les barreaux.

D'après les précédents rapports annuels du Comité de protection des journalistes (CPJ), la Chine détenait en 2014 (44 sur 221) et 2015 (49 sur 199) le triste titre de pays ayant emprisonné le plus de journalistes. En 2012 et 2013, la Turquie pouvait néanmoins revendiquer ce titre, avec 49 journalistes (sur 232 dans le monde) derrière les barreaux en 2012 et 40 (sur 211 dans le monde) en 2013. Il faudra attendre début décembre et la publication du rapport annuel 2016 du CPJ pour connaître le nombre exact de journalistes détenus dans les prisons chinoises, mais au vu des données passées, il paraît impossible que la Turquie soit devancée.

Un pays de plus en plus censuré sur Internet

"Le gouvernement a la responsabilité de protéger les droits de ses citoyens. Cela ne veut pas dire que le gouvernement a un chèque en blanc pour faire ce qu'il veut pour réduire la liberté d'expression", a déclaré le 18 novembre le rapporteur spécial de l'ONU sur la liberté d'opinion et d'expression, David Kaye, lors d'un entretien avec des journalistes, selon des propos rapportés par Associated Press. Selon lui, 155 journalistes était alors détenus dans les prisons turques. Dans les conclusions préliminaires rédigées suites à son voyage en Turquie du 14 au 18 novembre, David Kaye écrit que "suite aux fermetures de médias, plus de 3.000 journalistes sont actuellement sans emplois et des centaines de cartes de presse ont été annulées".

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Depuis 2011, la censure sur Internet dans le pays est montée en flèche, selon le rapport annuel de Freedom House. Son score total il y a cinq ans s'établissait à 45, soit 16 points de moins que cette année. La Turquie se classe désormais 19e sur 65 au classement 2016 - il couvre la période allant de juin 2015 à mai 2016 - la Chine est première avec 88 points. Dans son rapport détaillé sur le pays, Freedom House souligne entre autres l'arrestation de journalistes pour "insultes" à l'encontre d'officiels ou encore pour "propagande terroriste".

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D'après le rapport de transparence de Twitter couvrant la première moitié de 2016, sur les 20.571 demandes de suppression de compte, la Turquie représente 72,6% d'entre elles (14.953). Le pourcentage est bien plus important si l'on considère les comptes suspendus puisque sur les 240 qui l'ont été, 222 étaient turques, soit 92,5%.

Outre la fermeture des organes de presse, c'est le pays tout entier qui subit une purge. Le décret de mardi annonce ainsi le renvoi de près de 15.000 fonctionnaires, militaires et policiers, ainsi que la fermeture de 375 institutions et 18 associations caritatives. Depuis la nuit du 15 au 16 juillet, ce sont plus de 110.000 personnes qui ont été renvoyées ou suspendues de leur fonction.

Laszlo Perelstein
Commentaires 6
à écrit le 23/11/2016 à 10:06
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Pas dupe. On voit bien votre meconnaissance de la force de frappe des US. 1er point, la Turquie pour l'Amerique, c'est au diable, ils s'en contrefichent, 2, La Turquie a certes une armee consistante, mais a l'ere numerique ca ne vaut plus rien. Ce q...

à écrit le 23/11/2016 à 9:58
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Emprisonnement de journalistes opposants, parce que ceux qui diffusent sa propagande eux sont régulièrement récompensés.

à écrit le 22/11/2016 à 17:51
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L'exemple d'une bonne dictature, moins de médias, prise en main de la police et de l'arme, mise au pas de la justice , mise en place d'une fonction publique de régime, apres vous nous parler d'état de droit.... Je dirais dictature islamique.... L'Eu...

à écrit le 22/11/2016 à 16:45
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http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=COMPARL&reference=PE-582.060&format=PDF&language=FR&secondRef=02 « Projet de rapport sur la communication stratégique de l’Union visant à contrer la propagande dirigée contre elle par des tiers...

à écrit le 22/11/2016 à 16:43
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On sent qu'il se prépare un livre sur "les journalistes" pour les fêtes de Noël et l'on commence a nous émouvoir! Mais quand on doute sur la sincérité des médias, c'est plutôt difficile a digéré!

à écrit le 22/11/2016 à 16:32
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ET alors ? Erdogan joue sur du velours et il le sait. Après qu'il ait monté de toutes pièces un faux coup d'état dont personne d'un tant soit peu intelligent ou honnête n'est dupe, il peut se permettre tout ce qu'il veut. Les européens ? Ils lorgnent...

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