La Chine en panne d'investissement ?

Pékin s'apprête à lancer un programme d'investissement de 133,5 milliards d'euros à travers des PPP (partenariat public-privé), pour soutenir sa croissance économique mais aussi relancer l'investissement privé tombé en berne depuis le début de l'année.
Robert Jules
Outre les PPP, Pékin va exiger que les secteurs public et privé soient traités sur un pied d'égalité par le secteur bancaire pour l'accès au crédit

Le gouvernement chinois va lancer un vaste plan d'investissement de 133,5 milliards de dollars dans des projets qui ont la particularité d'être adossés à des PPP (partenariat public-privé). L'annonce n'est pas encore officielle mais plusieurs sources l'évoquent, notamment l'agence Bloomberg. Sur les 1.000 projets proposés en grande partie par les gouvernements locaux, 516 ont été retenus par le ministre des Finances. A ce stade, le montant de la participation publique n'est pas connue.

L'année dernière, le gouvernement chinois avait déjà annoncé des projets de PPP pour un montant de 267 milliards d'euros, notamment consacrés au développement des infrastructures urbaines. Cela s'inscrit dans la politique voulue par le président Xi Jinping de rééquilibrer la croissance du pays en développant des méga-villes à l'intérieur du pays, et non sur la côte.

Une croissance sous les 7%

Cette décision est de nature à soutenir la croissance. La Chine qui a vu son rythme de croissance ralentir sous les 7% - l'OCDE prévoyait cette semaine 6,5% pour cette année et 6,2% pour 2017 - doit retrouver les moyens de relancer son activité. Et le gouvernement fait ce qu'il sait faire : favoriser l'activité par de l'investissement public dans les infrastructures.

Mais le recours au PPP a aussi une autre fonction, faire retrouver au secteur privé le goût de l'investissement. Ce dernier est en berne, et est devenu un sujet de préoccupation des autorités. Les chiffres sont significatifs : sur les 8 premiers mois de l'année, l'investissement privé affiche une hausse d'à peine 2,1% comparée à la même période de 2015. Soit la plus faible hausse depuis 2005, où le taux s'affichait en moyenne autour de 30%. De fait, le réel moteur de l'investissement - le secteur privé en représentait les deux tiers - au cours des dix dernières années est en berne. Et comme l'investissement contribue pour près de la moitié du PIB chinois, c'est l'économie chinoise qui est impactée.

Le secteur public essaie de compenser

Pour compenser le privé, le secteur public a pris en partie le relais, qui voit ses investissements totaux augmenter de 20% depuis le début de l'année. Ainsi, pour les seules infrastructures fluviales et routières, ils ont progressé de 7,5%.

Mais d'où vient le manque d'appétit du privé? Il y a d'abord le taux du crédit, qui s'élève en moyenne à 5,25 %. Comme le taux de rendement du capital se situe autour de 7%, selon les experts, en baisse de plus d'un tiers par rapport à 2011, la prise de risque n'est pas suffisamment payante pour des entreprises privées qui préfèrent se désendetter et attendre de voir.

Politique monétaire restrictive

Et ce n'est pas du côté de la Banque centrale de Chine (PBOC) que viendra à court terme le salut. Elle garde une politique monétaire restrictive notamment pour ne pas alimenter les crédits dans l'immobilier spéculatif et avec l'aide du gouvernement mène le « nettoyage » des créances douteuses générées par le « shadow banking », notamment dans les provinces.

Par ailleurs, leurs marges se sont considérablement réduites avec le ralentissement économique. Un critère qui est moins regardé dans le cas des entreprises publiques, qui bénéficient d'un accès facilité au crédit bancaire, et surtout doivent maintenir l'emploi, gage de cohésion sociale aux yeux du gouvernement.

Traités sur un pied d'égalité

La compensation de l'investissement privé par le public n'est donc pas viable à moyen terme. Outre les PPP, Pékin va exiger que les secteurs public et privé soient traités sur un pied d'égalité par les gouvernements locaux, qui préfèrent travailler avec des entreprises publiques qui se montrent plus souples dans leur gouvernance, et par le secteur bancaire pour l'accès au crédit. La mise en place des PPP, qui réduisent le risque pour le privé, vont également dans ce sens, d'autant que plusieurs projets concernent des secteurs comme la santé et l'éducation, ou encore la finance et le transport, qui restent fermés au privé.

Le gouvernement central a besoin que les entreprises privées investissent, car c'est l'une des clés du succès pour faire basculer le pays d'un modèle économique basé sur les exportations et les infrastructures vers un modèle alimenté davantage par la consommation intérieure. Et c'est ce que préconise le plan quinquennal.

Robert Jules
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