Les cartes de crédit enfin autorisées en Iran, un (petit) gage d'ouverture ?

Pour la première fois depuis des décennies, les banques iraniennes ont commencé à émettre des cartes de crédit dans le pays. A quelques mois du scrutin présidentiel, Téhéran cherche à mettre en avant des signes d'ouverture et à doper la croissance iranienne.
Sarah Belhadi
Jusqu'à présent, seules des cartes de débit étaient disponibles.

Cette annonce est une petite révolution qui va modifier les habitudes de consommation des Iraniens, et potentiellement doper la croissance. Il y a quelques jours, la banque centrale iranienne a autorisé l'émission de cartes de crédit. Selon des propos rapportés par l'agence d'information officielle Isna, le directeur de la banque centrale d'Iran, Valiollah Seif, a toutefois prévenu qu'il faudrait un certain temps pour que les banques se familiarisent avec l'usage de la carte de crédit. "Il serait faux de penser que ces cartes seront utilisées rapidement dans le réseau bancaire", a-t-il souligné, selon Isna.

Stimuler la consommation

Depuis la levée des sanctions internationales en janvier 2016, Téhéran veut à tout prix rattraper son retard de développement, que ce soit en termes d'infrastructures, d'équipements devenus extrêmement vétustes, ou par la modernisation de son système bancaire. "En raison des sanctions, il n'y avait aucun réseau de cartes dans le pays", rappelle Thierry Coville, professeur à l'école de commerce Novancia et spécialiste de l'Iran. Par cette mesure, le pays -qui compte environ 80 millions d'habitants- cherche à stimuler la croissance par la consommation en développant le crédit.

Ces cartes de crédit, utilisables pour des achats en magasin ou en ligne dans le pays uniquement, auront un plafond limité par la banque centrale iranienne à 3.000, 10.000 et 15.000 dollars. "Le fait qu'il y ait un encadrement du crédit à la consommation est plutôt une bonne chose, cela doit permettre d'éviter des situations de surendettement dans un contexte où les gens n'ont pas l'habitude de ce type de paiement", estime Thierry Coville.

Scrutin de 2017 en ligne de mire

Si, à quelques mois du scrutin présidentiel, le gouvernement iranien modéré veut absolument montrer que la levée des sanctions a eu un effet bénéfique sur l'économie, il cherche aussi à prouver qu'il est capable de moderniser son système. Sa réélection en mai prochain en dépend. Car, malgré quelques manifestations d'ouverture, et l'annonce de contrats records signés avec des multinationales, les effets positifs de la levée de l'embargo sur l'économie iranienne ne sont pas aussi rapides que prévu. Le taux de chômage demeure élevé, et continue de grimper (11,7% de la population selon la Banque mondiale et les statistiques iraniennes). En 2013, Rohani avait pourtant fait de la question du chômage un des arguments phares de sa campagne. Aujourd'hui, le gouvernement fait face aux critiques de la population, mais aussi des ultra-conservateurs qui déplorent le manque de résultats "tangibles" de l'accord de Vienne.

En effet, après l'euphorie des premiers mois, les établissements financiers restent encore très frileux à l'idée de s'implanter en Iran en raison du manque de clarté sur la levée des sanctions. Les fameuses cartes de crédit sont d'ailleurs un exemple révélateur puisqu'elles n'ont fait l'objet d'aucun partenariat avec une société internationale de cartes de crédit, rappelle Associated Press. Quant à Mastercard, dont on annonce l'arrivée prochaine en Iran, l'information n'a pas été confirmée officiellement.

Frilosité des banques

De plus, il faut rappeler que l'amende record de 8,97 milliards de dollars infligée en juin 2014 par la justice américaine à la BNP Paribas (accusée d'avoir réalisé des transactions en dollar avec des pays soumis à un embargo économique des Etats-Unis, comme l'Iran et le Soudan), est encore dans tous les esprits. Dans une interview accordée à l'AFP mi-septembre, Parviz Aghili, PDG de la banque privée Khavarmianeh (Middle East Bank), expliquait que "pour l'instant, des petites banques européennes ont accepté de travailler avec nous", "mais aucune banque étrangère moyenne ou grande n'a encore accepté de le faire".

Les Etats-Unis interdisent toujours toute transaction en dollar avec l'Iran. Sauf que pour moderniser son outil industriel et relancer l'économie, le président Hassan Rohani estime que son pays a besoin de 30 à 50 milliards de dollars d'investissements étrangers par an.

Sarah Belhadi
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