Les inégalités de revenus à des niveaux records dans les pays développés

Malgré la reprise économique, les inégalités peuvent s'accroître dans les pays développés. Dans une récente étude, l'OCDE indique que la reprise a surtout profité aux plus hauts revenus, surtout dans les pays où la redistribution a joué un moindre rôle.
Grégoire Normand
La précarisation du marché du travail par un recours plus important au temps partiel a contribué à l'accroissement des inégalités.

L'augmentation des inégalités fait régulièrement débat dans l'Union européenne et aux Etats-Unis. Les cures d'austérité subies par les populations dans plusieurs pays n'ont fait qu'accroître le sentiment que les fruits de la reprise n'ont pas été partagés équitablement. A cette occasion, l'OCDE a publié une étude qui rend compte d'un niveau élevé des inégalités au sein des pays développés malgré une reprise certes modeste mais qui est loin d'avoir profité à tout le monde.

Sur la période 2007 à 2014, "les inégalités de revenus sont restées à des niveaux historiques." Pour mesurer le niveau d'inégalités, les experts de l'OCDE utilisent le coefficient de Gini qui est égal à 0 dans une situation d'égalité parfaite et à 1 dans une situation d'inégalité extrême. La moyenne dans les pays de l'OCDE s'élevait à 0,318 en 2014 contre 0,317 en 2007, soit une très faible hausse. Mais cette moyenne masque évidemment des disparités importantes selon les pays.

Une reprise inégalitaire

L'un des points les plus inquiétants de l'étude est que si la reprise peut dans certains cas diminuer les inégalités grâce à la baisse du chômage, elle peut également entraîner dans d'autres cas une hausse des inégalités lorsque la reprise profite surtout aux revenus du capital.

L'institution internationale note ainsi que "la crise a impacté non seulement le nombre d'emplois mais aussi leur qualité."  Sur ce dernier point, le recours aux contrats de courte durée et aux temps partiels en Allemagne a contribué à accroître les inégalités. Outre-Rhin, l'indice de Gini est passé de 0,285 à 0,292 entre 2007 et 2014, ce qui constitue une hausse non-négligeable pour ce type d'indicateur. Le taux de pauvreté global a même légèrement augmenté en Allemagne passant de 9% à 9,1% entre 2007 et 2014 après avoir baissé en 2012 à 8,4%. Il reste à un niveau élevé (13,2%) pour les jeunes de 18 à 25 ans en 2014.

Au Royaume-Uni, les auteurs de la note de l'OCDE indiquent que "dans certains cas, la faible croissance des salaires a parfois empêché les revenus de pleinement rebondir. C'est par exemple le cas au Royaume-Uni où, en dépit d'une forte création d'emplois (y compris parmi les ménages les plus modestes), la baisse des salaires réels a bridé la croissance des revenus du travail."  Le recours au "contrat zéro heure", qui ne garantit pas de salaire minimal a appauvrit une partie de la population active.

>> Lire aussi : Chômage : l'Allemagne et la Grande-Bretagne font-elles vraiment mieux ?

L'accroissement des inégalités est également particulièrement marqué aux Etats-Unis malgré une baisse du taux de chômage. Le coefficient de Gini est passé de 0,374 à 0,394 en sept ans. Près de 5,9 millions d'actifs occupent des postes à temps partiels outre-Atlantique. Et la réduction des inégalités ne devrait pas constituer une priorité pour Donald Trump récemment élu.

Les mesures d'austérité appliquées dans quelques pays de la zone euro ont également renforcé l'écart des inégalités. Si le marché du travail a connu quelques signes d'embellie en Espagne ces derniers trimestres (le taux de chômage, à 19,3% de la population active reste malgré tout le plus élevé d'Europe selon Eurostat), l'indice de Gini a considérablement augmenté passant de 0.324 à 0.346 entre 2007 et 2014. La précarisation du marché du travail pourrait être un facteur important d'explication pour comprendre la hausse des inégalités. En juillet dernier, le ministère du Travail espagnol a annoncé que 1,7 million de contrats ont été signés sur le mois mais seulement 7% d'entre eux étaient à durée indéterminée.

Du côté de la Grèce, la crise et les plans d'austérité qui ont suivi ont largement amplifié l'écart des revenus entre les plus riches et les plus pauvres. Les effets de la crise ont également eu un fort impact sur le taux de pauvreté qui est passé de 13,3% à 15,1%.

En France, le coefficient de Gini est passé de 0.295 à 0.308 entre 2007 et 2012, pour redescendre à 0,294, soit un niveau légèrement plus faible qu'avant crise. En revanche, si le taux de pauvreté a diminué entre 2012 et 2014 passant de 8,5% à 8%, il n'a pas retrouvé son niveau de 2007 qui se situait à 7,6%

Une reprise qui bénéficie surtout aux plus hauts revenus

Si la crise a touché l'ensemble des ménages, les plus modestes sont ceux qui ont perdu le plus pendant la crise. Et la reprise a surtout profité aux plus hauts revenus comme le note l'OCDE,

" Mais pendant la reprise, ce sont les ménages aisés qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu du fait d'une croissance inégale des revenus du travail et de variations dans la redistribution."

 Les foyers les plus aisés ont ainsi bénéficié des fruits de la croissance amorcée en 2010. "Les revenus des 10 % les plus riches ont quasiment retrouvé leur niveau d'avant-crise, alors que ceux des 10 % les plus pauvres sont encore en dessous."

L'enjeu de la redistribution

Les politiques de rigueur menées sur le Vieux continent ont en partie contribué à accroître les inégalités dans quelques pays. L'OCDE se montre prudente à cet égard :

"Il est possible que le repli de la redistribution résulte de la mise en place des mesures d'assainissement des finances publiques face au creusement des déficits budgétaires."

Le rôle de la redistribution par la fiscalité et les transferts sociaux s'est moins fait ressentir dans la réduction des inégalités malgré la reprise ces dernières années. "La redistribution par les impôts et les transferts publics, comme les indemnités de chômage et les prestations familiales, qui ont aidé à amortir le creusement des inégalités au début de la crise, a également marqué un repli depuis 2010 dans deux tiers des pays de l'OCDE. " L'organisation prend l'exemple de la Hongrie où les critères pour les prestations de chômage ont été durcis et de l'Irlande, où des baisses de prestations sociales et des réformes fiscales ont été mises en place. Dans ces deux derniers cas, les inégalités ont augmenté. L'OCDE conclut que "la redistribution constitue un enjeu pour les pouvoirs publics. L'écart qui se creuse entre les riches et les pauvres et le chômage élevé soulignent la nécessité de restaurer la croissance et de faire en sorte que ses fruits soient répartis plus équitablement dans la société."

Grégoire Normand

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Commentaires 6
à écrit le 01/12/2016 à 19:22
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"Il y a bien une lutte des classes mais c'est ma classe, celle des riches qui la fait et nous gagnons." W. Buffet

à écrit le 29/11/2016 à 15:53
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Il y a une guerre des classes, c'est un fait. Mais c'est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre et qui est en train de la gagner

à écrit le 29/11/2016 à 13:16
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Heureusement que les Français vont élire Fillon en 2017 ! Son programme va mettre fin aux inégalités en France non ?

à écrit le 27/11/2016 à 21:33
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Les politiques de rigueur c'est l'Europe qui les impose

à écrit le 27/11/2016 à 11:48
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" comme ( les indemnités de chômage) et les prestations familiales......" Si le chômage est subi, le fait d'avoir plus de trois enfants ( renouvellement des générations, plus un, pour combler le manque de ceux qui n'en ont pas...) est un CHOIX......

à écrit le 26/11/2016 à 11:29
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Et ils sont tout surpris de découvrir le but du capitalisme. Chapeau.

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