Les sept défis pour les 100 jours de Joe Biden

Situation inédite, Joe Biden a prêté serment devant une esplanade du Capitole déserte, précédé par Kamala Harris, sa vice-présidente, première femme noire à ce poste. Absent de la cérémonie, Donald Trump laisse à Joe Biden une Amérique divisée, en proie aux doutes en pleine pandémie de Covid-19. Le 46e président des États-Unis va devoir s'atteler à la relance économique de la première puissance mondiale et convaincre cette classe moyenne qui avait été séduite par le pragmatisme et le « America first » de Donald Trump.
(Crédits : POOL)

> VOIR le dossier : « Une nouvelle Amérique avec Biden ?»

Pour la première fois en 150 ans, un président a été investi en l'absence de son prédécesseur. Joe Biden, 78 ans, ce qui en fait le président le plus âgé de l'histoire des États-Unis, a prêté serment ce mercredi 20 janvier face à une esplanade du "National Mall" déserte, vidée par les restrictions anti-Covid.

Impression étrange, renforcée par ces 190.000 petits drapeaux étoilés que le vent agitait sur les pelouses du Capitole, symbolisant l'absence du public et des victimes de la pandémie, le 46e président hérite d'un pays plombé par la division entre les partisans de Donald Trump et ceux d'une Amérique moins fantasque et plus démocrate. « Pour la première fois, l'Amérique avait élu un outsider, qui n'était pas un politicien », a rappelé mercredi Donald Trump, qui ne s'avoue jamais vaincu, dans son dernier discours à la Maison Blanche avant de souhaiter toutefois « bonne chance » à son successeur.

La première puissance économique mondiale, qui a subi une contraction de son économie de -2,4% en 2020, a aussi élu, pour la première fois, une femme vice-présidente, afro-indienne, Kamala Harris.

« La démocratie est précieuse, la démocratie est fragile, et aujourd'hui mes amis, la démocratie l'a emporté », a rappelé le président Biden à l'entame de son discours d'un vingtaine de minutes. « Je sais que les forces qui nous divisent sont profondes et réelles », a ajouté le démocrate en multipliant les appels à « l'unité ».

« Montrons du respect les uns pour les autres »

« Il faut reconstruire la classe moyenne », a-t-il poursuivi.

Joe Biden hérite d'une nation qui connait ses priorités, que Donald Trump a su stimuler : d'abord les emplois - le taux de chômage est resté stable en décembre à 6,7%. Sans surprise, Joe Biden a repris à son compte le "Made in America" cher à Donald Trump. Trump, qui a favorisé d'importantes « tax cuts » (réductions d'impôts) pour les entreprises, a donné à Wall Street - aidé aussi par le Covid notamment pour les valeurs tech du Nasdaq - une santé insolente. En 2020, la Bourse américaine a ainsi réalisé 456 introductions en Bourse pour la somme colossale de 167 milliards de dollars levés, selon le cabinet Dealogic.

La relance : en quête d'une sortie de crise rapide

Car l'Amérique de Biden reste fidèle à son esprit d'entrepreneur : trouver rapidement le scénario de sortie de crise pour faire redémarrer l'économie. Il y a urgence. La situation rendue difficile par la propagation d'un virus du Covid qui cause 3.000 décès par jour s'est dégradée avec un million de travailleurs supplémentaires inscrits au chômage. La veille de la cérémonie à Washington, le dollar reculait à nouveau de 0,37% face à l'euro à 1,2122 dollar pour un euro. Début janvier, il s'était déjà fortement déprécié face à la monnaie européenne.

Dans la région de New York, l'activité manufacturière tourne au ralenti, selon l'indicateur mensuel Empire State de la Fed. Pour éviter le coup de frein, le nouveau président démocrate a promis de mettre 1.900 milliards de dollars sur la table pour relancer l'économie. Les détails de ce plan de relance doivent être précisés dans les prochains jours. « Nous n'avons pas une seconde à perdre pour faire face aux crises auxquelles nous sommes confrontés en tant que nation », a tweeté mardi soir l'ancien sénateur du Delaware.

« Plus de 110.000 restaurants ont définitivement fermé leurs portes depuis le début de la pandémie, selon un représentant du secteur », décrit Yelena Maleyev, économiste pour Grant Thornton.

> LIRE : Ce qui peut changer pour les entreprises avec Joe Biden

Le « quoi qu'il en coûte » des démocrates

Tout comme Trump, qui n'aura pas fait de la frugalité budgétaire lors de son mandat, Joe Biden va donc ouvrir les vannes de la dépense, et creuser le déficit public. Outre-Atlantique, il a atteint en 2020 (d'octobre 2019 à septembre 2020) 3.132 milliards de dollars. Un niveau historique, c'est plus de deux fois plus élevé que le précédent record.

Dans la nouvelle équipe démocrate, la prochaine secrétaire au Trésor Janet Yellen a appelé à « voir grand » dans la réponse à la crise et à remettre donc à plus tard les préoccupations sur le déficit public.

A la fin septembre, la dette publique, qui s'affiche en grand sur un compteur près de Wall Street, était de 26.900 milliards de dollars.

> LIRE : Les "Bidenomics", un remède bon pour la croissance économique ?

Face au Covid : la règle des 100 de Biden

Face à la pandémie, Joe Biden doit prendre des mesures à la hauteur de la gravité de la situation. Outre-Atlantique, le coronavirus a déjà fait plus de 400.000 morts. Pour limiter la propagation, le président va prendre plusieurs mesures dont la signature d'un décret pour rendre obligatoire le port du masque dans les bâtiments fédéraux, ou pour les agents fédéraux.

Si plus de 10 millions d'Américains ont déjà été vaccinés, cela reste insuffisant pour relancer la machine économique. Biden a promis que 100 millions de personnes seront vaccinées durant ses 100 premiers jours de mandat. Il entend notamment favoriser la création de nouveaux centres de vaccination de proximité dans des gymnases, des stades ou des écoles, et mobiliser quelque 100.000 soignants supplémentaires.

Pour rappel, fin novembre, Joe Biden indiquait qu'il n'imposerait pas de "confinement national" malgré la recrudescence de la pandémie.

La fermeté face à la Chine...

Les différences entre les deux anciens adversaires ont tendance à s'estomper lorsqu'il s'agit de la Chine. La secrétaire d'État Janet Yellen a annoncé que les Etats-Unis allaient s'inscrire dans le sillage de l'administration Trump à l'égard de Pékin.

« Nous devons nous attaquer aux pratiques abusives, injustes et illégales de la Chine », a résumé la future secrétaire au Trésor, reprenant des accusations portées maintes fois par le président sortant Donald Trump.

Citant "le vol de la propriété intellectuelle", "les transferts forcés de technologies américaines" ou "les subventions illégales", Janet Yellen estime comme son prédécesseur, Steven Mnuchin, que ces pratiques causent du tort aux entreprises américaines.

Pékin a des méthodes qui lui donnent un avantage "injuste", a-t-elle encore déploré.

> LIRE : Biden au pouvoir, la Chine pourrait bien regretter Trump

De quoi mettre du baume au cœur du président vaincu. Antony Blinken, le futur chef de la diplomatie américaine, a même déclaré que le républicain avait "eu raison" d'avoir adopté une position "plus ferme face à la Chine".

Mais il a aussi promis de rompre avec quatre années d'unilatéralisme en "revigorant" les alliances mises à mal sous Donald Trump.

> LIRE l'interview : « Biden ne va pas baisser les barrières douanières du jour au lendemain »

...et face aux GAFA ?

De nouvelles lignes de forces inattendues pourraient même voir le jour. Janet Yellen a estimé qu'une taxe internationale sur les géants du numérique "permettrait de percevoir une juste part des entreprises, tout en maintenant la compétitivité de nos entreprises et en diminuant les incitations (...) aux activités offshore que nous ne voulons certainement pas récompenser".

De son côté, l'Union européenne appelle à une relance de la collaboration. L'Europe "a de nouveau un ami à la Maison Blanche" a lancé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, quelques heures avant l'investiture.

Lire aussi : L'administration Biden rouvre la voie à une taxe sur les GAFA, Paris s'en réjouit

 > LIRE : À quoi pourrait ressembler la politique internationale de Joe Biden ?

Réconcilier l'Amérique

Ce mercredi, Washington était aux couleurs de l'Amérique mais aussi de la "zone rouge", symbole du climat de tensions exacerbées qui s'est installé après l'incursion des partisans de Trump dans le Capitole. Quelque 25.000 soldats de la Garde nationale et des milliers de policiers venus de tout le pays avaient été déployés pour sécuriser la capitale.

Preuve de la suspicion qui règne : douze d'entre eux ont été écartés du dispositif de sécurité dans le cadre d'une procédure de recherche d'éventuels liens avec des groupes extrémistes, a indiqué mardi le Pentagone.

« Je m'engage à être un président qui rassemble et non pas qui divise », avait lancé Joe Biden lors d'un discours au lendemain de son élection en novembre.

Plus que jamais, le fanatisme alimenté par Donald Trump se téléscope avec une Amérique plus progressiste qui s'exprime en particulier dans les grandes métropoles des côtes Est et Ouest du pays.

Des investissements dans l'économie verte

Cette Amérique tournée vers les océans est attachée à la défense de l'environnement. Joe Biden a promis à cet électorat urbain et centriste un plan d'investissements dans l'économie verte, dont les contours seront précisés dans les prochaines semaines.

Le 46e président des États-Unis s'est enfin engagé à signer le jour même le décret permettant le retour des Etats-Unis dans l'accord de Paris sur le climat et au sein de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Une promesse à laquelle Emmanuel Macron n'a pas manqué de réagir. « Les engagements de Joe Biden de réintégrer l'accord de Paris pour le climat sont extrêmement importants », a considéré le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal. « Et donc c'est tout à fait enthousiasmant pour le travail que nous aurons à mener avec les États-Unis dans les prochains mois », a-t-il assuré.

( Avec AFP)

Commentaires 6
à écrit le 21/01/2021 à 10:42
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Tout juste investi, Joe Biden a reçu la main tendue d'Amazon pour lutter contre l'épidémie ,de Covid-19. "Amazon se tient prêt à vous aider à atteindre votre objectif de vacciner 100 millions d'Américains dans les 100 premiers jours de votre administ...

à écrit le 21/01/2021 à 8:19
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J'espère que vous parlez de la "poétesse" de Biden ! Comme c'est émouvant, comme c'est beau, quelle belle histoire quand même que notre super gentil Biden qui terrasse le super vilain Trump grâce à la démocratie" hein... snif snif. Les médias amé...

à écrit le 21/01/2021 à 7:37
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Il a donc commencé son mandat par ces images hallucinantes d'une capitale vidée de ses habitants par l'armée : l'incarnation de l'Establishment contre le peuple. Et maintenant il fait du Hollande, se concentrant sur les décisions de son prédécesseur ...

à écrit le 20/01/2021 à 20:53
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Hallucinant !! L'hypocrisie et le cynisme des élites asservies au nouvel ordre mondial n'a aucune limite. Et Biden est leur séide pour le territoire des États-unis. Sachant que le plan consiste, entre mille choses, à détruire les classes moyennes (cf...

le 21/01/2021 à 11:10
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Pas mieux @Pano, pas mieux..

à écrit le 20/01/2021 à 20:00
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BuyZen a 100 jours pour tuer médiatiquement le CoViD-19 (et autres mutants) grâce à ses copains de CNN...

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