Paradise papers : les millions russes investis dans Facebook et Twitter

Le puissant oligarque russe Youri Milner a investi 800 millions de dollars dans les grands réseaux sociaux américains via de grandes firmes contrôlées en partie par le gouvernement russe. Ces nouvelles révélations issues des Paradise Papers pourraient encore venir alimenter les soupçons d'influence du Kremlin sur la politique américaine.
Grégoire Normand
Une branche de Gazprom, le géant énergétique russe, a financé par l'intermédiaire d'une compagnie offshore un instrument de placement qui possédait des parts de Facebook.

Les luttes d'influence entre les Etats-Unis et la Russie ne s'affaiblissent pas. D'après les données du cabinet juridique Appleby consultées par le journal allemand Süddeutsche Zeitung et rassemblées par le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), deux sociétés proches du gouvernement russe ont investi des centaines de millions de dollars dans Twitter, Facebook, Spotify et Airbnb. Ces révélations interviennent alors que les représentants de Google, Twitter et Facebook ont été interrogés il y a quelques jours par le Congrès américain dans le cadre de l'enquête sur l'ingérence russe dans la présidentielle américaine de 2016.

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Quels sont les firmes concernées ?

Les documents révélés ce dimanche 5 novembre soulignent que l'une des plus grandes sociétés détenue par le Kremlin, la VTB Bank a investi directement 191 millions de dollars dans un fond d'investissement appelé DST Global. Ce fond a ensuite permis de prendre des participations importantes dans Twitter. La fuite de données indique également qu'une filiale du géant de l'énergie russe Gazprom -Gazprom Investholding-,  a investi dans une société offshore, qui en partenariat avec DST Global, a pris des parts relativement importantes dans Facebook.

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Qui est le milliardaire au centre de l'affaire ?

Le personnage au centre de l'affaire est Youri Milner. Ce milliardaire russe, qui a fondé DST Global, a fait une grande partie de sa fortune en revendant les parts qu'il avait chez Facebook et Twitter après leur introduction en bourse dans les années 2012-2013. En 2009, il a réussi à convaincre Mark Zuckerberg de le laisser investir dans le plus grand réseau social jamais inventé. Le fondateur de DST parvient également à convaincre d'autres investisseurs de le suivre en rappelant ses réussites passées. Ceux qui ont participé à son premier fond (lancé en 2005) ont vu leurs mises presque quintupler grâce à des participations dans Facebook, Groupon et Zynga. Cet ancien étudiant en physique des particules va se faire un nom et une réputation au sein de la Silicon Valley en seulement quelques années. Selon des chiffres cités par le New York Times, les deux firmes de M.Milner lui auraient permis de détenir 8% des parts de Facebook et 5% des parts de Twitter, l'aidant ainsi à se placer sur la liste des personnes incontournables sur la scène des géants de l'Internet.

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Le milliardaire Youri Milner lors d'une conférence à San Francisco en septembre 2015. (Crédits: Techcrunch/Flickr.)

L'argent investi de Youri Milner s'est également étendu à une société co-fondée par le gendre de Donald Trump Jared Kushner. Il s'agit de la société Cadre. L'oligarque russe aurait investi 850.000 dollars dans cette firme. L'autre fait d'arme de cet entrepreneur russe est d'avoir su convaincre le multimilliardaire Alicher Ousmanov de démarrer DST avec lui. Alicher Ousmanov, dont la fortune reposait sur l'exploitation des matières premières, est depuis devenu l'un des hommes le plus riches de Russie. Sa fortune est estimée, selon le magazine Forbes, à 15,5 milliards de dollars.

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Des investissements sensibles

Si pour l'instant, rien n'indique que le gouvernement russe a exercé une influence sur Twitter ou Facebook ou ait obtenu des informations internes sur ces deux firmes, tous ses investissements soulèvent de nombreuses questions. Les groupes VTB et Gazprom affichent des liens très étroits et tumultueux avec le gouvernement russe. D'ailleurs Vladimir Poutine n'a pas hésité, à la fin du mois de septembre dernier, à inviter le directeur général de la banque VTB, Andreï Kostine et le Pdg du groupe Gazprom, Alexeï Miller à une réunion exceptionnelle des plus grandes fortunes de Russie en vue des élections pour 2018, comme le relate Le Monde. En 2014, la Maison-Blanche avait sanctionné la banque VTB pour son rôle joué dans la crise ukrainienne. 
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Vladimir Poutine et Andrei Kostin lors d'une rencontre à Moscou en septembre 2016. (Crédits : Sputnik.)

Les Russes tentent de minimiser

Plusieurs hommes politiques ont minimisé les fuites liées aux "Paradise papers" assurant que tout était légal et dénué de motivations politiques. Ces fuites cherchent à "provoquer l'émotion avec des formulations confuses", selon le chef de la commission pour les affaires étrangères au Conseil de Fédération (chambre haute), Konstantin Kosatchev cité par l'agence RIA Novosti. Ces révélations constituent un "texte fantastique, relevant de la fantasmagorie. Quand les choses se seront décantées, ce qui est décrit ici relève de l'activité commerciale habituelle et légale", a assuré M. Kosatchev. Ces opérations "sont présentées comme pratiquement un complot contre les fondations de la démocratie occidentale", a-t-il ironisé. "Il s'agit d'affaires, de commerce. Cela n'a rien à voir avec la politique", a déclaré pour sa part le responsable adjoint de la commission pour les affaires internationales de la Douma, Alexeï Tchepa, cité par RIA Novosti, interrogé sur ces deux affaires.

Par ailleurs, dans une lettre ouverte adressée au site Recode, M.Milner a expliqué que "lorsque nous négocions des accords avec Facebook et Twitter, nous ne leur demandons pas de sièges au conseil d'administration et attribuons tous nos droits de votes aux fondateurs, sachant qu'ils sont les mieux placés pour diriger leur compagnie". Toutes ces relations seraient donc exclusivement économiques et commerciales, selon les principaux protagonistes russes. Toutes ces révélations risquent néanmoins d'intéresser les enquêteurs américains qui regardent déjà de très près les affaires de l'actuel secrétaire au Commerce Wilbur Ross avec la Russie.

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Grégoire Normand
Commentaires 4
à écrit le 07/11/2017 à 11:35
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Cet article est plein d'insinuations qui tentent de créer un doute là où il n'y a rien à redire. "VTB et Gazprom affichent des liens très étroits et tumultueux avec le gouvernement russe": oui, bien sûr, c'est comme dire "La Caisse des Dépôts et EDF...

à écrit le 07/11/2017 à 9:26
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Le problème c'est qu'un capitaliste il s'en fout de savoir d'où vient l'argent tant que l'argent vient, à l'inverse de la russie qui a su élever des oligarques nationalistes qui eux ne pensent qu'à la grande russie de poutine, ce dernier a parfaiteme...

à écrit le 06/11/2017 à 18:14
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Premièrement, en Russie pour être milliardaire il faut avoir la bénédiction du Kremlin et il est préférable de ne pas se facher avec le pouvoir. Donc c'est simple, si des russes se permettent d'influencer la campagne américaine, c'est qu'ils savent ...

le 07/11/2017 à 9:21
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Il manque l'hymne nationale russe à votre ode là en toile de fond. Formidables les forumeurs professionnels, des gens sains.

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