Pétrole : le ministre saoudien de l'Energie met en garde les « spéculateurs » qui parient sur la baisse du prix du baril

Le ministre de l'Energie de l'Arabie saoudite, le prince Abdulaziz bin Salman, ne partage pas le sentiment baissier des « spéculateurs » sur les marchés à terme, qui fixent les références internationales en matière de prix. Début avril, l'Opep+, qui tient une réunion le 4 juin, avait décidé à la surprise générale de réduire de plus de 1 million de barils par jour son offre.
Robert Jules
Le ministre de l'Energie de l'Arabie saoudite, le prince Abdulaziz bin Salman, s'exprimant mardi, lors du Forum économique du Qatar.
Le ministre de l'Energie de l'Arabie saoudite, le prince Abdulaziz bin Salman, s'exprimant mardi, lors du Forum économique du Qatar. (Crédits : Reuters)

Bluff ou coup de semonce ? Le ministre de l'Energie de l'Arabie saoudite, le prince Abdulaziz bin Salman, a de nouveau mis en garde les « spéculateurs » sur les marchés à terme du pétrole qui « shortent » le marché, autrement dit qui vendent aujourd'hui des barils pour une échéance plus lointaine, en pariant que les cours seront plus bas au moment où ils devront livrer les barils (en réalité, ils revendent leurs contrats avant la livraison physique). Selon le prince, leurs positions amplifient une baisse des cours du baril à ses yeux injustifiée.

« Je continue à les avertir que ça va faire mal, comme en avril. Je leur dis : attention ! », a menacé le ministre lors du Forum économique du Qatar auquel il participait, rapporte l'agence Bloomberg.

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Sous la barre des 80 dollars

Depuis juin 2022 (voir graphique ci-dessous), les cours sont tendanciellement orientés à la baisse. Le prix du baril de Brent s'est désormais installé sous la barre des 80 dollars, un seuil considéré comme minimum par l'Opep, dont les pays membres comptent sur les revenus pétroliers pour financer leur budget public. Néanmoins, les déclarations du ministre ont produit leurs effets ce mercredi, les cours de l'or noir s'appréciant de quelque 2%. Si le Brent repassait au-dessus de 78 dollars, il afficherait une baisse de 4% sur un mois et de 29% sur un an. Quant à la référence américaine, le baril de WTI, il franchissait 74 dollars, accusant une baisse de 4,6% sur un mois et de 31,8 % sur un an.

cours du Brent

Les propos du ministre du poids lourd de l'Opep s'inscrivent dans la classique bataille de communication qui se tient avant chaque réunion du cartel. Ils entretiennent le suspense avant l'annonce de la décision finale.

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De fait, ce n'est pas la première fois que le prince met en garde les « spéculateurs ». A la mi-avril, à la surprise générale, l'Opep+ (partenariat entre les pays membres de l'Opep et 10 autres pays exportateurs, dont la Russie) avait réduit de plus de 1 million de barils par jour (mb/j) son offre pour soutenir les cours. Cette décision avait contraint de nombre de traders à liquider leurs positions à découvert dans la précipitation, certains essuyant des pertes.

Un effet de courte durée

Mais, l'effet haussier sur les cours avait été de courte durée (voir graphique), les prix repartant fortement à la baisse dès le 12 avril, le temps que les investisseurs sur les marchés à terme intègrent cette nouvelle information. Depuis, ils continuent à parier sur une baisse des cours dans les prochains mois, au grand dam du ministre.

« Les spéculateurs ont récemment augmenté leurs positions « short » sur le WTI et le Brent à un niveau proche du niveau observé avant la réduction de la production de l'OPEP + du 2 avril », note Ole Hansen, responsable de la stratégie matières premières, chez Saxo.

D'autant que, dans le même temps, ils ont réduit leurs positions acheteuses. « Le sentiment reste majoritairement négatif sur le marché du pétrole, les données montrent que les spéculateurs ont considérablement réduit leurs positions longues nettes (acheteuses) sur l'ICE Brent au cours des dernières semaines », souligne Warren Patterson, analyste sur les marchés des matières premières chez ING.

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Les investisseurs restent en effet influencés par un climat économique lourd d'incertitudes, qui rendent difficiles les orientations. Outre le bras de fer entre élus démocrates et républicains sur le relèvement du plafond de la dette qui plombe les marchés financiers, l'inflation est toujours élevée des deux côtés de l'Atlantique. « A l'évidence, plus la Fed augmente ses taux, plus il est probable que nous assistons à un atterrissage brutal de l'économie, ce qui porterait un coup dur à la demande de pétrole », explique Warren Patterson.

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Une demande mondiale qui va atteindre le record de 102 mb/j

Les pays exportateurs redoutent ainsi une amplification de la baisse des prix qu'ils estiment injustifiée, au regard des fondamentaux du marché. Dans son dernier rapport mensuel, l'Agence internationale de l'énergie (AIE), a révisé à la hausse la demande mondiale de pétrole pour 2023, de 200.000 barils par jour (b/j). Elle table désormais sur une consommation - un niveau jamais atteint - de 102 millions de barils par jour (mb/j), soit 2,2 mb/j de plus qu'en 2022.

Or, précise l'agence, cette prévision repose sur la hausse de la demande chinoise, qui a abandonné en novembre dernier sa politique de « zéro Covid ». En mars, la République populaire a battu un record historique de consommation, à 16 mb/j, sur une base mensuelle.

« Janvier, février et mars ont été (depuis novembre) trois des cinq mois où la consommation chinoise de pétrole a été la plus élevée. Des gains considérables en glissement annuel sont maintenant attendus en l'absence d'une contraction substantielle de la consommation par rapport aux niveaux de mars. Nos prévisions tablent sur une croissance annuelle record de 1,3 mb/j en 2023 (près de 60 % du total mondial), grâce au rebond du transport aérien international, de la croissance structurelle, tirée par les matières premières chimiques, en particulier au deuxième semestre de 2023 », indiquent les experts de l'AIE.

Reconstituer les réserves stratégiques aux Etats-Unis

La demande mondiale d'or noir devrait également bénéficier de l'appel d'offres lancé la semaine dernière par le gouvernement américain portant sur l'achat de volumes pouvant aller jusqu'à trois millions de barils de pétrole brut. En effet, pour réduire l'envolée des cours du baril en 2021 et 2022, l'administration Biden avait décidé de puiser dans ses réserves stratégiques - ponctionnant 40% de leur total - l'exécutif souhaitant les reconstituer. Même si le processus va prendre du temps, c'est un facteur de soutien.

En attendant, la tenue de la réunion de l'Opep+, les investisseurs pourraient se montrer cette fois-ci attentistes. « Les opérateurs ne seront peut-être pas d'humeur à tester la détermination de l'Organisation, le marché ayant enregistré la dernière fois une hausse significative des prix. Mais, s'il ne suit pas le mouvement, les cours pourraient évoluer brusquement dans l'autre sens », commente Craig Erlam, analyste chez Oanda. Fin du suspense le 4 juin.

Robert Jules
Commentaires 2
à écrit le 25/05/2023 à 13:51
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Ce qui les inquiètent, c'est que les investissements sont passés majoritaires dans les energies renouvelables et que ça va s'accélérer.

à écrit le 25/05/2023 à 8:12
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Hé les gars ça fait combien de temps que vous vous gavez de centaine de milliards avec le pétrole ? Vous pouvez pas en lâcher de temps en temps rien qu'un peu non ? Vous ne terminerez jamais à la rue. Bah en France de toutes façons ça ne sert à rien ...

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