Présidentielle américaine : New York, une ville pour deux candidats

[ 10/10 ] A l'occasion de la campagne de l'élection présidentielle aux États-Unis, "La Tribune", le journal des métropoles, propose de vous embarquer pour un "road movie" à travers plusieurs villes pour aller à la rencontre des citoyens d'un pays en plein changement. Aujourd'hui, dernière étape : New York.
Entre la « provinciale » et le fils prodigue, les New-yorkais ont fait leur choix : 63% contre 20%, selon un sondage Ipsos réalisé en juillet dernier.

Depuis l'élection de Barak Obama en 2008, en pleine crise économique, l'Amérique a changé. Si, en huit ans, elle s'est relevée, tous les Américains ne ressentent pas de la même façon les effets de la croissance retrouvée. Perte de repères, anxiété face à la menace - devenue réalité pour certains - d'un déclassement économique et social, violence et racisme renouvelés, irruption du terrorisme "local", paralysie à Washington et polarisation politique, sans oublier les problèmes d'immigration, de santé, d'éducation, de droit à l'avortement et de droits civiques : l'Amérique traverse une crise existentielle. Nous l'avons parcourue, de ville en ville, pour prendre son pouls et battre la campagne avec les deux candidats à la présidentielle. Une femme, Hillary Clinton, attendue au tournant de sa longue carrière politique - y compris par certains électeurs démocrates qui ne lui font pas confiance -, face à un milliardaire, que de nombreux républicains bon teint détestent, mais qui a réussi à battre tous les candidats de l'establishement lors de la primaire. Oui, décidément, l'Amérique change. L'Amérique est "on the move", même si nul ne sait où elle arrivera le 8 novembre prochain, à l'occasion de la première élection "post-American dream".

[ NEW YORK, LA PLUS PEUPLEE DES VILLES AMERICAINES ]

Les deux candidats à la présidentielle américaine ont New York comme point d'ancrage. Leurs chemins s'y sont souvent croisés, pour se séparer à l'occasion d'une campagne particulièrement brutale.

Au début octobre de chaque année, Hillary Clinton avait l'habitude de remonter la Cinquième avenue, de la 44e à la 72e rue, pour le défilé de Columbus Day, lorsqu'elle était sénatrice de l'état de New York (de 2001 à 2009). Les Clinton avaient acheté leur première maison à 50 kilomètres au nord de la ville en 1999, pour lancer la carrière politique d'Hillary, en la parachutant dans l'état. En saluant la foule, Hillary Clinton recevait toujours un accueil mitigé : des hourras d'un côté, des sifflets de l'autre. La situation n'a guère évolué. Si elle est en tête dans les sondages pour la présidentielle 2016, l'enthousiasme pour sa candidature, et surtout, sa personnalité, est loin d'être unanime, même chez ses supporters, sans oublier les républicains qui vont se reporter sur elle en désespoir de cause - parce qu'ils détestent Trump et le considèrent trop dangereux.

Turpitudes des deux côtés

Au-delà de mettre dès maintenant en doute les résultats du scrutin du 8 novembre - s'ils sont en sa défaveur - , Trump n'a cessé d'abaisser le débat avec ses sorties contre les Hispaniques, les noirs, les musulmans, la Chine, ou, au contraire, en faveur de la Russie, qu'il a même encouragée à pirater les emails d'Hillary Clinton... Les coups bas contre sa rivale ont été nombreux. Selon lui, elle devrait être en prison - ses partisans ne se privent pas pour scander « lock her up », « en taule ! » dans ses meetings - pour ses entorses au règlement fédéral concernant la gestion de ses emails, mais aussi pour les nombreuses affaires (investissement immobilier raté en 1978, discours grassement payés à Wall Street, acceptation de dons de provenance douteuse pour la Fondation Clinton, performance calamiteuse en Libye avec l'attentat meurtrier de Benghazi en septembre 2012...) qui ont entaché sa vie politique, depuis les débuts du couple Clinton dans l'Arkansas, à l'aube des années 1970. S'il est vrai que la candidate démocrate a changé d'idées à plusieurs reprises et toujours soutenu son mari, même lorsque ses frasques étaient étalées au grand jour, et s'il est sûr également qu'elle fait souvent le choix de l'opacité et des manœuvres en coulisse, Trump, de son côté, est loin d'être un saint.

Certaines de ses turpitudes ont été confirmées par ceux, très nombreux aux Etats-Unis, qui examinent le passé des candidats et vérifient leurs assertions. Ainsi, devant ses supporters dans la classe moyenne, Trump se présente comme un homme qui s'est fait tout seul. Or il s'est surtout appuyé sur les affaires de son père dans l'immobilier pour débuter sa carrière. Il se dit milliardaire, mais il a déclaré une perte colossale (près d'un milliard de dollars) en 1995, ce qui lui a apparemment permis depuis cette date de ne pas payer d'impôts. Il se positionne contre l'immigration, qu'il considère comme une concurrence déloyale vis-à-vis des travailleurs américains, mais il n'a pas hésité, dans les années 80, à employer des sans papiers pour la démolition d'un immeuble de Manhattan, là où trône aujourd'hui la Trump Tower. Attaqué en justice par les syndicats, Trump a été condamné à payer plus de 325 000 dollars de dédommagement aux ouvriers polonais exploités. Il a finalement opté pour un accord à l'amiable.... Et si Trump a fait des appels du pied aux électeurs noirs pour qu'ils se rallient à sa cause, celle des pauvres, il n'a pas hésité non plus à pratiquer la discrimination lorsqu'il s'occupait, au tout début de sa carrière, des affaires de son père. Le département de la Justice a poursuivi la société en 1973. Dans leurs quelque 14 000 logements de New York, père et fils refusaient d'accueillir des Afro-américains, en leur imposant des conditions de location draconiennes et en occultant le fait que certains appartements étaient vacants. Malgré ses efforts pour faire annuler les poursuites, Donald Trump, alors président de la société immobilière familiale, a finalement négocié un accord avec les autorités, dans lequel il refusait toujours d'admettre sa culpabilité, mais qui impliquait de se plier aux lois anti-discrimination en matière de logement.

Des amis de longue date

Aujourd'hui, Hillary Clinton ne se prive pas pour souligner le comportement répréhensible de son adversaire. Le couple Clinton était-il au courant de ces affaires lorsqu'il fréquentait les Trump ? Y pensait-il lorsqu'il posait pour la photo à l'occasion du mariage de Trump avec sa troisième femme, Melania, en 2005 ? Ce qui est clair en tout cas, c'est que les égarements (notamment les frasques sexuelles de Bill Clinton, que Trump relativisaient à l'époque) et les pratiques sulfureuses des deux couples ne semblaient pas entamer leur belle amitié. Au point que Donald Trump a contribué financièrement aux campagnes sénatoriales de Hillary Clinton, de même qu'à la fondation du couple, tandis que Bill Clinton, qui disait adorer jouer au golf avec son ami Donald, l'a encouragé à davantage prendre part à la vie politique côté républicain...

Mais tout cela, c'était avant la course à la Maison-Blanche. Aujourd'hui, les deux anciens amis s'invectivent plus qu'ils ne se parlent et refusent même de se serrer la main. Et si leurs filles - Ivanka Trump et Chelsea Clinton - étaient, elles aussi, amies, elles en sont aujourd'hui réduites à échanger de loin en loin par texto et n'apparaissent plus ensemble en public, aux premières ou aux dîners de charité new-yorkais.

Les super-riches en faveur de Clinton

Les deux familles font partie de ce qu'on appelle les « 1% », cette minorité de super-riches américains. Pour qui va-t-elle voter ? Le sondage réalisé par Ipsos en juillet dernier est sans appel : parmi ceux qui gagnent au moins 250 000 dollars par an (soit environ 5% des ménages), 53% soutiennent Hillary Clinton et 25% sont en faveur de Trump. Si ces intentions de vote se confirment dans les faits, ce sera, de l'avis des observateurs, la première fois dans l'histoire récente des Etats-Unis que les plus fortunés se rallient massivement au camp démocrate. Entre la « provinciale » et le fils prodigue, les New-yorkais ont eux aussi fait leur choix. Il est encore plus clair : 63% contre 20%.

Par Lysiane J. Baudu

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Commentaires 2
à écrit le 05/11/2016 à 10:11
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Le complexe militaro-industriel étant à la manoeuvre, le gagnant sera celui qui fera entrevoir la perspective de gros bénéfices. A ce jeu, H.Clinton à un tour d'avance, mais Trump n'a pas dit son dernier mot et pourrait bien surenchérir. Quoiqu'il en...

à écrit le 05/11/2016 à 9:01
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Voilà c'est démocratique

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