Rare pays en croissance en 2020, la Chine sera-t-elle la nouvelle locomotive économique ?

Les bonnes performances économiques affichées récemment par la Chine en pleine pandémie de Covid-19 lui permettront-elles d'endosser le rôle de "locomotive" du monde d'après ? Le pays mise en tout cas sur de nouveaux relais de croissance pour continuer de peser sur la scène internationale.
Relance de la consommation intérieure, autonomie technologique et accélération de la transition écologique figurent parmi les priorités fixés par le plan quinquennal dévoilé dernièrement par les autorités chinoises.
Relance de la consommation intérieure, autonomie technologique et accélération de la transition écologique figurent parmi les priorités fixés par le plan quinquennal dévoilé dernièrement par les autorités chinoises. (Crédits : Reuters)

Premier pays touché l'an dernier par le nouveau coronavirus, la Chine sera aussi la première grande économie à renouer avec la croissance sur l'année 2020, avec un PIB attendu à +1,9%, selon le FMI (tandis qu'il doit chuter à -8,7% en France, prévoit la Banque de France).

Mieux, malgré la pandémie, la Chine est parvenue à accroître sa part de marché dans le commerce mondial, et ce, à une vitesse inédite, selon une note de l'assureur-crédit Euler Hermes publiée le 19 octobre dernier. Toujours d'après l'étude, près 25% des exportations totales dans le monde proviennent désormais de l'Empire du Milieu, contre environ 20% avant la pandémie. Ces résultats sont-ils en train de positionner le géant asiatique en locomotive économique du monde d'après ?

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La Chine, précise Euler, a en réalité profité de l'augmentation de la demande globale en matière de biens médicaux et d'équipements liés au télétravail, en pleine crise sanitaire.

Un rebond moins fort que pendant les années fastes

Rien que sur le troisième trimestre de cette année, le PIB chinois a bondi de 4,9%, au moment où la plupart des grandes économies demeuraient plombées par la pandémie.

« Les chiffres de la croissance du PIB en Chine au troisième trimestre sont légèrement inférieurs aux attentes, mais, de manière générale, ils montrent l'importance de la maîtrise de la propagation du virus comme moteur de la reprise », note Salman Ahmed, responsable mondial de la Macroéconomie chez Fidelity International dans un communiqué.

Selon Rajiv Biswas, du cabinet IHS Markit cité par l'AFP, l'économie chinoise va par ailleurs "continuer à prendre de la vigueur" ces prochains mois, portée notamment par la consommation intérieure et les fêtes de fin d'année, généralement propices aux exportations.

D'après le FMI enfin, la Chine retrouverait une croissance de plus de 8% en 2021, sans même connaître de récession sur l'ensemble de l'année 2020.

"La Chine étant l'un des rares pays au monde à avoir une croissance positive en 2020, elle a, de fait, un rôle de locomotive, même si cette croissance n'est pas extraordinaire, au regard du passé", estime Michel Fouquin, conseiller scientifique au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii).

Lire aussi : L'Allemagne réévalue la chute sans précédent de son PIB au 2e trimestre

Il nuance toutefois à La Tribune :

"À plus long terme, d'ici 2-3 ans, je pense qu'elle jouera de moins en moins ce rôle de locomotive. Principalement car elle va moins s'appuyer sur les exportations. Ensuite, d'autres pays émergents vont prendre sa place sur certains produits (le Bangladesh sur le textile, par exemple) mais aussi parce que les entreprises occidentales se méfient de la Chine."

Selon Michel Fouquin, le temps où les entreprises "ayant des ambitions internationales" mettaient tous "leurs œufs dans le même panier chinois" en termes d'investissements est en passe d'être révolu.

Quels nouveaux relais de croissance ?

Pour continuer de peser, et compenser un taux de croissance qui a tendance à se tasser ces dernières années, la Chine doit donc trouver de nouveaux relais de croissance. Le plan quinquennal, dévoilé fin octobre par Pékin et qui vise à dessiner les grandes orientations économiques du pays pour les cinq prochaines années, semble aller dans ce sens.

D'abord, la Chine souhaite mettre l'accent sur la relance de la consommation intérieure. Un mouvement entamé il y a plusieurs années, mais qui cherche à se renouveler aujourd'hui, comme l'explique Françoise Huang, économiste en charge de l'Asie chez Euler Hermes :

"Le recentrage sur le marché domestique a été entamé dès la crise de 2008-2009, moment à partir duquel la part des exportations dans le PIB a commencé à baisser, après des années de tendance haussière. L'enjeu aujourd'hui pour les autorités est d'alimenter cette croissance du marché domestique par de la production domestique, plutôt que par les importations. Il s'agit donc, pour être précis, d'un ajustement du modèle économique chinois, plutôt que d'une redéfinition profonde de ce dernier."

Par ailleurs, ajoute Michel Fouquin, le "contexte international est doublement fragilisé à l'heure actuelle", ce qui pousse la Chine à se recentrer un peu plus sur son marché domestique. "D'une part, poursuit le professeur d'économie, parce qu'il y a une deuxième vague épidémique qui contraint un certain nombre d'États à refermer leurs frontières. D'autre part, à cause du conflit entre la Chine et les États-Unis qui vient ajouter une couche supplémentaire dans le recul du commerce international."

Deuxième objectif prioritaire affiché par le plan quinquennal : l'"autonomie technologique".

"Il est nécessaire pour la Chine d'atteindre cette autonomie, d'une part pour casser sa dépendance vis-à-vis du monde occidental - dont la méfiance à l'égard de Pékin dans ce domaine s'est durcie ces dernières années - mais aussi pour contrer la batterie de sanctions commerciales décidées par Washington, par exemple contre des géants chinois comme Huawei ou ZTE", analyse Michel Fouquin.

"Historiquement, le modèle de croissance chinois était tiré par la production industrielle manufacturière et l'exportation de biens manufacturiers à bas coût. Il y a aujourd'hui un enjeu de montée en gamme au niveau de l'industrie et plus particulièrement des exportations. L'objectif d'autonomie technologique affiché par la Chine participe de cette ambition", complète, de son côté, Christine Peltier, économiste chez BNP Paribas, spécialiste de la Chine.

Enfin, le pays qui, par la voix de son président Xi Jinping, a promis d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2060, mise sur l'accélération de la transition écologique pour faire prospérer son économie.

"Elle en a terriblement besoin car elle est la première victime de sa propre pollution", commente Michel Fouquin.

Le géant asiatique, premier pollueur mondial, est responsable de plus d'un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre. La Chine s'est fortement appuyée sur le charbon pour stimuler sa croissance. Mais l'empire du Milieu est aussi le pays qui investit le plus dans les énergies renouvelables et est un acteur majeur de l'accord de Paris sur le climat. Récemment par exemple, la Chine a encore annoncé qu'en matière de véhicules "verts", elle visait 20% des ventes de neuf en 2025, bien que cet objectif soit inférieur à celui de 25% annoncé l'an passé par le ministère du Commerce.

La Chine contrainte de revoir ses grands projets

Tout n'est pas rose pour l'économie chinoise. Déjà, les autorités n'ont pas associé au plan quinquennal - dont l'approbation définitive doit avoir lieu en mars prochain - d'objectif de croissance, comme c'est le cas usuellement.

D'un point de vue sanitaire ensuite, la Chine "n'est absolument pas à l'abri d'une nouvelle vague", prévient l'analyste Ting Lu, de la banque d'affaires Nomura, interrogé par l'AFP.

La pandémie de Covid-19 a, par ailleurs, partiellement mis en pause le projet pharaonique des «nouvelles routes de la soie», mis en branle par Xi Jinping en 2013, et qui vise à connecter l'Asie au reste du monde au travers d'un gigantesque réseau terrestre et maritime.

"Du couloir économique reliant le Pakistan à la Chine à la zone économique spéciale à Sihanoukville au Cambodge en passant par toute une série de grands travaux en Birmanie, en Algérie ou au Kenya, de nombreux projets lancés sous l'initiative de la BRI (selon l'acronyme officiel désignant en anglais la «Belt and Road Initiative», l'initiative de la ceinture et de la route) ont été gelés", note ainsi Virginie Mangin, au Figaro en août dernier.

"De l'aveu même des officiels chinois, mi-juin, 20 % des projets des «nouvelles routes de la soie» étaient «très affectés» par l'épidémie, 30 à 40 % «un peu», et 40 % «légèrement»", poursuit la journaliste.

Mais cette situation peut aussi être l'occasion, pour les autorités, d'être "encore plus sélectives et disciplinées dans le financement des projets entrepris dans le cadre des nouvelles routes de la soie", comme l'explique Françoise Huang pour Euler Hermes. "Ce qui éviterait, poursuit-elle, d'aggraver le fort niveau d'endettement du pays, qui pèse sur l'objectif de relance de la demande domestique."

L'endettement, un défi à relever

Le niveau d'endettement : c'est précisément l'un des défis auxquels la Chine doit faire face, selon Christine Peltier (BNP Paribas) :

"Le niveau d'endettement très élevé dans le secteur des entreprises - et la dette qui s'est fortement accrue pour les ménages dans la période récente constituent un vrai défi car cela limite ses capacités d'adaptation. Par exemple, elle ne peut plus compter sur le crédit pour tirer sa croissance", explique-t-elle.

Selon des données de l'Institute of International Finance, la dette globale de la Chine atteignait, en 2019, 303% du PIB, ce qui représentait 15% de l'endettement total de la planète.

"Autre défi de taille, poursuit Christine Peltier, la consommation privée, qui doit devenir un moteur important. Or, pour l'instant, on observe que sa croissance reste limitée, notamment par l'insuffisance du système de protection sociale, et encore une fois par le poids croissant de la dette des ménages."

Ces précisions dites, Christine Peltier estime malgré tout que "la Chine devrait rester une locomotive, étant donné son rythme de croissance et la taille de son économie." Même si, ajoute l'économiste, le pays "devrait connaître une phase de normalisation en terme de taux de croissance, passée la période de rebond."

Quoiqu'il arrive, le président chinois Xi Jinping se fixe un horizon - 2050 - au terme duquel son pays devra s'être hissé "au premier rang du monde en matière de puissance globale et de rayonnement international", selon ses propres mots en 2017.

Commentaires 5
à écrit le 08/11/2020 à 11:54
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Un article pour pas grand chose. Suffit de se demander à qui profite le crime.

à écrit le 08/11/2020 à 8:34
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plus de 300% d'endettement du PIB !

à écrit le 07/11/2020 à 12:26
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Elle possède un marché intérieur qui permettra de faire tampon quel que soit le problème!

à écrit le 07/11/2020 à 9:32
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Comme quoi, un régime autoritaire et nationaliste n'est pas si mauvais que ça pour l'économie à long terme. Depuis 1968, la France a fait le choix de l'anti-racisme, on va bientôt mesurer les conséquences de cette si grande vertu.

le 08/11/2020 à 12:56
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Je ne comprends rien à votre propos. Que veux dire "la France a fait le choix de l'anti-racisme ?" Est-ce une politique économique, vu que vous parlez de l'économie chinoise juste avant ?

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