Réfugiés : ce que dit le projet d'accord entre l'UE et la Turquie

La Commission européenne a dévoilé mardi soir son "plan d'action commun" avec la Turquie dont le pays joue un rôle pivot dans la crise des réfugiés. Pour le moment, rien n'est acté. Il devra être discuté à Ankara, puis validé par les chefs d'Etat et de gouvernement à Bruxelles les 15 et 16 octobre.
Sarah Belhadi
Le mardi 5 octobre, à Bruxelles, les dirigeants de l'UE et le président turc Erdoğan sont parvenus à s'entendre sur un projet d'accord afin de faire face à la crise des réfugiés. Sur la photo Erdogan et Juncker, le président de la Commission européenne.

Alors qu'elle déchaîne les passions en Europe, la question des réfugiés -principalement syriens- n'est étonnement pas un sujet de campagne majeur à un mois de nouvelles élections législatives en Turquie.

Il serait pourtant difficile de fermer les yeux sur cette réalité quand on arrive à Istanbul. A l'entrée de la ville, coincés dans les embouteillages bien connus des Stambouliotes, les réfugiés vous implorent. D'autres supplient, visage collé à la fenêtre des voitures. A quelques rues du quartier branché de Cihangir, les trottoirs sont quant à eux parsemés de familles réfugiées qui assistent au spectacle de la vie nocturne des plus nantis.

Certes, il existe bien des camps d'accueil pour les quelque 2,2 millions de réfugiés (dont 1,8 million de Syriens). Mais ces structures -au nombre de 25 dans le pays- ne compteraient que 260.000 personnes, d'après des données du service d'aide humanitaire et de protection civile de la Commission européenne. Et la Turquie assure que le nombre de réfugiés devrait atteindre 2,5 millions fin 2015, en raison du déclenchement de frappes aériennes russes sur la Syrie.

Les attaques d'Erdoğan contre l'Europe

Alors forcément lorsque l'Union Européenne se déchire sur cette vague migratoire sans précèdent, le président turc n'hésite pas à ironiser, et à faire de cette crise un sujet majeur. Lundi soir, à Bruxelles, Recep Tayyip Erdoğan lâche alors cette petite phrase lors d'une rencontre avec les milieux d'affaires, en marge du sommet auquel il doit assister le lendemain : "Alors que nous accueillons 2,2 millions de réfugiés, l'Europe dans son ensemble en accueille au total moins de 250.000." Et Erdoğan ne se prive pas de critiquer l'attitude de l'Europe sur le sujet. Dimanche soir, à Strasbourg, le président est en campagne. Dans un meeting qui réunit la diaspora turque, il n'a pas hésité à forcer le trait : "Dans ce continent qui prétend détenir la plus grande civilisation au monde, les pays ont longtemps fermé leurs cœurs aux réfugiés venant de Syrie", assure alors l'homme fort d'Ankara.

C'est dans ce climat très tendu qu'Ankara et Bruxelles ont finalement trouvé un compromis détaillé dans un texte provisoire mardi soir, qui devra prochainement être avalisé par les chefs d'Etat. Le "plan d'action commun" vise entre autres à "faire face aux besoins d'urgence en fournissant une assistance humanitaire", "alléger le fardeau de la Turquie qui accueille 2,2 millions de réfugiés", puis à "prévenir de nouvelles arrivées de migrants illégaux vers la Turquie et les départs irréguliers de réfugiés et de migrants en provenance de ce pays".

Le texte détaille également dans ses objectifs l'intention de "prévenir les pertes de vies en mer par les opérations de recherche et de sauvetage intensifiées" et à lutter contre les réseaux criminels impliqués dans le trafic de migrants. Un officier de liaison de l'agence européenne FRONTEX devrait ainsi être déployé en Turquie.

Centres de réception en Turquie, un milliard d'euros...

Fin septembre, le Premier ministre, Ahmet Davutoglu, rappelait que son pays n'avait pas vocation à devenir un camp de concentration pour réfugiés. Pourtant, mardi soir, l'UE et Erdogan se sont mis d'accord sur l'ouverture de "six centres de réception" de réfugiés qui seront co-financés par l'UE, dans le cadre du plan d'action.

Bruxelles a de nouveau renouvelé sa promesse de mobiliser un milliard d'euros en 2015 et 2016 pour que la Turquie puisse prendre en charge les réfugiés -des Syriens et Irakiens-sur son territoire. "La priorité devrait être accordée aux actions qui fournissent une assistance humanitaire immédiate; fourniture d'un soutien juridique, administratif et psychologique aux réfugiés", détaille la Commission. La semaine dernière, Ahmet Davutoglu avait toutefois assuré qu'il ne souhaitait pas bénéficier de cette aide financière. Un fonds de 500 millions d'euros pour la santé et la scolarisation des réfugiés syriens va également etre créé, précise la Commission. Depuis 2011, la Turquie a déjà dépensé 6,75 milliards d'euros pour faire face, seule, à l'afflux de réfugiés.

Permis de travail en Turquie pour les réfugiés ?

Le plan devrait aussi comprendre "l'adoption de mesures permettant aux réfugiés d'avoir accès, pour la durée de leur séjour en Turquie, au marché du travail et les services publics, y compris l'éducation pour les élèves et l'accès aux services de santé". L'idée d'un accès au marché du travail avait pourtant été vivement critiquée par l'ex ministre du travail turc, Faruk Çelik, en août dernier. Il expliquait que la mise en place de visas spéciaux serait injuste pour les Turcs qui cherchent du travail dans le pays.

En contrepartie, la Commission européenne assure que la mise en oeuvre de ce plan "va contribuer à accélérer le processus de libéralisation des visas" pour les citoyens turcs qui souhaitent voyager en Europe.

Une dérive autoritaire que l'Europe ne préfère voir

L'UE qui fait face à sa pire crise migratoire depuis 1945, doit donc désormais négocier avec la Turquie pour trouver un compromis. Avec la question de la libéralisation des visas remise sur la table, c'est le processus d'une intégration européenne qui se voit de nouveau discuté. Quitte à faire abstraction du virage autoritaire adopté par Erdogan depuis plusieurs années. Au pouvoir depuis 2002, celui qui incarnait la modernité s'est peu à peu mué en personnage autoritaire, hérault d'un ultra-conservatisme.

Dans un édito, le Hürriyet Daily News, principal journal d'opposition, déplore que l'Europe ferme désormais les yeux. Dans les faits, le message de Bruxelles est le suivant : "Gardez les migrants et nous allons oublier le principe de démocratie", assène le journal.

Sarah Belhadi
Commentaires 3
à écrit le 09/10/2015 à 6:35
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Nos politiques ils mettons les Françaises en danger de puis l arrivée de Hollande ?

à écrit le 08/10/2015 à 2:37
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On croit rêver. Nous allons financer quoi? Qu'on commence par faire une commission d'enquête sur qui a armé qui et attaqué qui et au nom de quoi. Qui gagne de l'argent sur le dos de qui. Les autocrates ne sont pas tous du côté d'Ankara et ne servent...

à écrit le 07/10/2015 à 20:11
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Allons-nous vers un accord du genre "Munich", lâchant les KURDES et fermant les yeux sur l'autoritarisme proche de l'islamisme radical de Monsieur ERDOĞAN, afin qu'il contienne un maximum de migrants dans des centres de "réception" (dans les conditio...

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