Tenter de réparer la casse ou, à tout le moins, de limiter les dégâts. Au Parti socialiste comme chez Les Républicains (LR), on a décidé d'adopter la même tactique pour les élections législatives afin de se redonner des couleurs, après l'élection présidentielle qui a vu l'élimination des candidats des deux partis « de gouvernement » dès le premier tour. Les deux formations, qui connaissent de graves dissensions internes, ont donc respectivement décidé de mener la bataille des législatives avec des programmes « light » pour tenter de faire revenir au bercail les ouailles partis du côté d'Emmanuel Macron. Les points les plus saillants des programmes de la présidentielle, défendus par Benoît Hamon et François Fillon, ont donc tout simplement disparu...
Au PS, exit le revenu universel cher à Benoît Hamon
C'est surtout flagrant du côté du PS dont le candidat, avec 6,5% des voix, a fait le plus mauvais score pour un socialiste depuis la présidentielle de 1969. Le bureau national du PS s'est mis d'accord - non sans de grosses difficultés - sur un texte qui opère un grand nettoyage dans les propositions emblématiques défendues par Benoît Hamon jusqu'au 27 avril. Ainsi, exit la proposition emblématique d'instaurer un revenu universel d'existence qui en avait effrayé plus d'un par son coût et sa philosophie mais qui avait eu le mérite de poser le débat sur l'avenir du travail. Disparus également la « taxe robot », la sortie du diesel et celle du nucléaire à l'horizon 2050, la contribution assise sur les superprofits des banques, le « 49-3 » citoyen, etc.
En revanche, demeurent des mesures très consensuelles, telles la revalorisation de la prime d'activité et du minimum vieillesse et la bonification des aides à l'investissement dans les territoires ruraux ou urbains en difficulté.
En revanche, le PS a refusé de faire plusieurs pas en direction d'Emmanuel Macron et de son mouvement « La république en marche ». Ainsi, finalement, il n'est pas question de se rallier à l'idée du nouveau président de supprimer la taxe d'habitation pour 80% des Français... Il faut dire que la majorité des maires sont contre cette idée, au nom de l'autonomie fiscale. De même, le PS continue d'exprimer son plus profond désaccord sur le projet d'Emmanuel Macron de recourir aux ordonnances pour réformer le droit du travail...
Mais, globalement, on voit bien que le Parti socialiste soigne son image et ne souhaite pas se mettre dans une opposition systématique au nouveau chef de l'Etat. Une position que réfute Benoît Hamon, furieux de voir ses idées disparaître. Aussi, l'ancien candidat a annoncé ce 10 mai sur France Inter qu'il lancerait le 1er juillet prochain un «mouvement large, qui s'adressera aux hommes et aux femmes de gauche, aux citoyens (...) transpartisans »... On sent que l'époque des « clubs » pourrait bien revenir au sein du PS...
Adieu l'augmentation de TVA souhaitée par Fillon
Mais la droite non plus n'est pas épargnée par le syndrome du « tourner vite la page »... en l'occurrence celle de François Fillon. François Baroin, chef de file LR pour les législatives a ainsi présenté le « contrat d'alternance » avec lequel la droite et le centre espèrent séduire une majorité d'électeurs et imposer une cohabitation à Emmanuel Macron.
Là aussi, plusieurs aspects - et non des moindres - du programme Fillon ont été gommés. Ainsi, la hausse du taux supérieur de TVA de deux points, mesure emblématique de l'ancien candidat, a été purement et simplement supprimée, soit un « manque à gagner » d'environ 12 milliards d'euros. De fait, la mesure avait fait grincer quelques dents aux sein de LR. François Baroin, par exemple, y était opposé. Pour Eric Woerth, il « y a avait peut-être aux yeux des Français une contradiction entre notre volonté de baisser les prélèvements obligatoires et cette hausse de deux points du taux de la TVA ». De même, la mesure d'exonération forfaitaire de cotisation salariale passe également à la trappe. Elle est remplacée par une mesure plus universelle de réduction de 10% de l'impôt sur le revenu. Dans une interview au quotidien Les Echos Eric Woerth a indiqué que « toutes les tranches » seront concernées.
LR se veut le parti de la baisse des impôt... à la différence de Macron
La manœuvre est habile, LR veut absolument se positionner comme le parti qui n'augmentera pas les impôts des ménages. A l'inverse, il compte pilonner Emmanuel Macron sur son idée d'augmenter la CSG des retraités des plus aisés, des fonctionnaires et des professions libérales de 1,7 point afin de financer la suppression de la cotisation salariale d'assurance chômage et l'extension de l'allocation chômage à d'autres publics que les salariés privés d'emploi.
Dans le même ordre d'idée, et toujours au chapitre du pouvoir d'achat, LR a décidé de réintroduire la mesure sarkozyste de défiscalisation des heures supplémentaires. Un rétablissement auquel François Fillon n'était pas favorable car, pour lui, cette mesure était antinomique avec la fin programmée de la référence légale aux 35 heures de travail hebdomadaires. Un objectif d'ailleurs toujours prévu dans le nouveau programme de » "LR". On notera qu'une exonération (fiscale et sociale) totale des heures supplémentaires représente un coût pour l'Etat et la Sécurité sociale qui dépasse les 4 milliards d'euros par an...
Du côté des entreprises, Les Républicains ont décidé de rogner aussi sur les baisses de cotisations patronales et impôts pesant sur les entreprises. In fine, là où le projet Fillon prévoyait un « choc de compétitivité immédiat » à hauteur de 40 milliards d'euros, il ne sera plus « que » de 28 milliards d'euros, quand Emmanuel Macron prévoit lui une baisse d'environ 10 milliards d'euros... Le Medef risque d'être déçu. Cependant, LR garde son objectif de réduire les dépenses publiques de 100 milliards d'euros à l'horizon de cinq ans.
Autre concession, un peu de pure forme, désormais, LR prévoit de réduire le nombre des fonctionnaires de 300.000 durant la durée du quinquennat. Le précédent objectif de 500.000 sera, lui, atteint sur sept ans.
On voit donc bien que Les Républicains ont affiné leur programme économique dans un sens favorable au pouvoir d'achat dans le but de reconquérir un électorat populaire qui leur a fait défaut. Chez Les Républicains, on estime que les débats de fond, sur les programmes, n'ont pas eu lieu lors de la présidentielle qui a été pollué par « les affaires ». François Baroin et ses troupes espèrent donc tenir leur revanche lors des législatives. En accentuant les mesures en faveur des ménages, la coalition de la droite et du centre pour les législatives cherche ainsi à nettement se démarquer du programme d'Emmanuel Macron qui, lui, il est vrai, ne prévoit pas de grandes mesures à destination des classes moyennes. C'est manifestement le message que l'on va beaucoup entendre dans les quatre semaines à venir...