L'économie collaborative, qu'inspire-t-elle aux candidats ?

Que proposent les principaux candidats en matière d’économie collaborative ? Quelles mesures comptent-ils mettre en œuvre pour favoriser le développement d’un secteur évalué à quelques dizaines de milliards ? Le potentiel d’un tel marché est titanesque puisqu’il pourrait plus que décupler d’ici une petite dizaine d’années selon certaines analyses. La Tribune fait le point avec Emile Meunier, avocat spécialisé dans l’économie collaborative.
Mounia Van de Casteele
Le marché potentiel de l'économie collaborative est estimé à plus de 500 milliards d'euros à l'horizon 2025, d'après la commission des finances du Sénat.

Dans l'ensemble, "il n'y a pas grand-chose", soupire Émile Meunier, avocat spécialisé dans le secteur de l'économie collaborative. "Le sujet est très peu abordé par les candidats", déplore-t-il. Selon lui, les prétendants à l'Elysée ne font guère de cas des plateformes, alors que nous sommes en train d'assister à une véritable "plateformisation" de l'économie, pour ne pas dire de la société. C'est un fait. Des mesures spécifiques s'imposent donc: que ce soit en matière de fiscalité, de protection sociale des travailleurs indépendants, mais également de responsabilité de la part desdites plateformes. C'est à ses yeux par là que le ou la candidat(e) élu(e) devra commencer, pour sortir du bourbier administratif dans lequel sont empêtrés tous les acteurs de cet écosystème. Seul moyen, estime-t-il, d'encourager et tirer cette économie vers le haut alors que son potentiel a récemment été évalué à plus de 500 milliards d'euros à l'horizon 2025, d'après la commission des finances du Sénat.

Les plateformes

"Même chez un candidat comme Emmanuel Macron, qui se veut pro-numérique et entrepreneur, les plateformes sont quasi-inexistantes", répète Émile Meunier.

L'avocat salue toutefois une proposition du candidat d'En Marche ! afin de "développer le droit à l'expérimentation dans le respect des impératifs de sécurité, de protection du consommateur et de loyauté de la concurrence. Pour un temps limité et dans un cadre fixé par la loi, il sera possible de déroger aux dispositions en vigueur afin de tester de nouvelles solutions". Concrètement, cela signifie que des plateformes qui souhaitent tester de nouveaux modèles dans des zones réglementaires grises le pourront. Par exemple, la jeune pousse de mobilité nocturne Heetch, que la justice a suspendue, aurait pu un temps bénéficier d'une telle "dérogation" provisoire.

Lire : "Toutes les entreprises ont vocation à devenir des plateformes" (Gilles Babinet)

Le statut d'indépendant et d'auto-entrepreneur

Dans son programme, Emmanuel Macron propose également de supprimer "les charges des auto-entrepreneurs la première année et de doubler les plafonds pour permettre à plus de personnes de bénéficier de cette mesure et du régime fiscal de la microentreprise".

"Indirectement ces mesures profiteront aux plateformes dont le modèle repose sur le recours aux auto-entrepreneurs", analyse Emile Meunier.

De son côté, le candidat Les Républicains François Fillon souhaite également relever les plafonds des auto-entrepreneurs. Il passerait ainsi à 50.000 euros pour les services et à 120.000 euros pour l'achat-revente. Et abaisserait en outre l'âge légal pour s'inscrire à ce régime à 16 ans. Il propose aussi de renforcer la présomption d'indépendance des auto-entrepreneurs. Ce qui passerait par la création d'un nouveau statut juridique de prestataire indépendant.

"Cette mesure va clairement dans le sens des plateformes numériques qui seront rassurées et protégées du risque de requalification en contrat de travail de certains de leurs travailleurs", analyse Emile Meunier.

De quoi rassurer Uber et consorts, dans le secteur des voitures de transport avec chauffeur (VTC), alors que le risque de requalification des "partenaires" en salariés plane au-dessus de ces entreprises comme une épée de Damoclès.

Lire : Un chauffeur VTC requalifié en salarié : quel impact pour le modèle Uber ?

De plus, François Fillon souhaite simplifier l'accès à l'auto-entrepreneuriat et prévoit de revoir les exigences liées "aux niveaux des qualifications nécessaires pour exercer certaines activités et certains métiers, sans que cela ne mette en danger le prestataire ou le consommateur." "Je veux créer 1 million d'activités indépendantes supplémentaires", dit-il. Émile Meunier de commenter :

"Ces derniers points ouvriront probablement des opportunités pour les plateformes qui pourront faire appel à davantage d'indépendants sur des activités qui étaient jusque là (trop) réglementées. Reste à savoir ce que vont penser les fédérations des métiers et des artisans concernées".

Concernant le candidat socialiste Benoit Hamon, le développement de l'économie collaborative est indirectement abordé par le volet de l'économie sociale et solidaire. Il souhaite ainsi "un acte II de l'économie sociale et solidaire qui doit permettre le changement d'échelle des entreprises" de ce secteur. "Je porterai à 500.000 le nombre d'emplois dans ce secteur d'avenir", assure-t-il. Bien que l'économie collaborative ne soit pas sociale et solidaire, Emile Meunier précise sur ce point:

"La dimension de lien social, si elle n'est pas première dans l'économie collaborative, est présente. Solidarité, communauté, responsabilité partagée, confiance, aspiration à faire sens : autant de valeurs qui peuvent rapprocher l'économie sociale et solidaire et l'économie collaborative ou, du moins, une certaine économie collaborative. La MAIF a par exemple choisi d'investir simultanément dans ces deux secteurs. De nombreuses plateformes ont le statut d'association, fonctionnent avec des communautés non professionnelles et reposent sur le don, le troc, le partage de frais... Le développement de l'ESS et de son financement leur sera forcément bénéfique".

Couverture sociale des indépendants

Comme Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon, dans son livre programme l'Avenir en commun, propose de faciliter la requalification des collaborateurs des plateformes numériques en salariés afin de leur donner les mêmes droits et protections que ces derniers. Les critères de requalification ne sont cependant pas précisés. En revanche, François Fillon propose l'inverse : un durcissement des conditions de requalification, tandis que les autres candidats ne se prononcent pas sur ce sujet.

Dans le détail, Benoît Hamon propose la mise en place d'un statut social unique de l'actif pour "dépasser" la différence entre salariat et travail indépendant, tant pour le droit du travail que pour la protection sociale. "Il s'agit d'une bonne chose pour les travailleurs, par exemple les chauffeurs VTC ou livreurs, qui verront leur protection sociale améliorée", note l'avocat. Quant à l'instauration d'un revenu de base universel que propose le candidat socialiste, il apporterait un complément de rémunération utile aux travailleurs des plateformes qui ont souvent des petits revenus, estime-t-il. Avant de nuancer :

"Cela ne risque-t-il pas de figer ces personnes dans un précariat dont pourrait profiter certaines plateformes pour baisser les tarifs ?"

Pour sa part, Jean-Luc Mélenchon propose que les travailleurs indépendants puissent s'affilier au régime général de la Sécurité sociale plutôt qu'au Régime social des indépendants (RSI).

Quant à Marine Le Pen, elle propose une mesure assez proche de celle de Jean-Luc Mélenchon :

"Créer un bouclier social pour les indépendants en leur proposant le choix de s'affilier au régime général ou de conserver la spécificité de leur régime après une refonte totale du RSI qui fonctionnera sur la base de l'autodéclaration trimestrielle des revenus".

Sans donner de détails sur l'objectif voulu en terme de protection sociale, François Fillon souhaite quant à lui "réformer radicalement le RSI et créer une Caisse de Protection des Indépendants". Il veut "mettre en place une assurance des entrepreneurs individuels en cas de perte d'activité". "Privée ou publique ?", interroge Émile Meunier, qui évoque un certain flou sur ces propositions.

Avant de conclure :

"Celui qui va le plus loin dans la protection des indépendants est sans conteste Emmanuel Macron. Il souhaite aligner le régime de protection sociale des indépendants sur celui des salariés (sécurité sociale et chômage) et fusionner les deux".

Reste qu'il manque, selon lui, des réponses aux principaux enjeux des plateformes collaboratives:

"Il n'est prévu aucune simplification de la réglementation éparse applicable aux plateformes ni de clarification de la responsabilité de celles-ci dans les transactions entre utilisateurs. En outre, aucun candidat ne répond à la question cruciale de la distinction entre l'utilisateur amateur et professionnel. Enfin, une autre difficulté qui n'est pas abordée est celle de la différence, complexe et injustifiée, de traitement fiscal et social des revenus de l'économie collaborative en fonction de l'activité : achat-vente, de location de biens meubles ou immeubles, de covoiturage et de service. Personne n'y comprend rien et les récentes fiches produites par l'administration ne sont pas de nature à éclairer les non-avertis.

Or ces solutions et d'autres sont défendues tant par les plateformes que par les experts qui ont traités ces sujets. Entre le rapport de Pascal Terrasse, celui de l'Inspection générale des Affaires sociales, et celui tout récent de la Commission des finances du Sénat, les solutions ne manquent pas. Pourtant aucune de ces propositions n'a été reprise. Dommage..."

Mounia Van de Casteele
Commentaires 2
à écrit le 19/04/2017 à 10:49
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Elle ne peut qu'inspirer le travail au noir et la surveillance généralisé en passant par des plateformes numériques!

à écrit le 19/04/2017 à 9:00
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D'autant que trouver une source d'investissement alternative à la finance internationale devient capital étant donné que celle-ci à décidé de tout garder pour elle et rien que pour elle, il va bien falloir avancer un jour et sans eux. Maintenant ...

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