120.000 produits chimiques mis à nu sur Internet

Un nouvel outil en ligne permet d’obtenir des informations sur 120 000 substances chimiques présentes dans les produits du quotidien. Un article de notre partenaire Euractiv.
À l'heure où des scientifiques assurent que certains produits chimiques pourraient être liés à l'augmentation des cas de cancers et d'infertilité, l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) entend favoriser la transparence.

Ce n'est pas encore l'appli parfaite dont on rêvait pour faire ses courses en toute tranquillité. Mais c'est un début. L'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) avait promis de rendre les informations sur les produits potentiellement dangereux plus accessibles au commun des mortels. L'agence a donc élaboré un outil en ligne qui permet aux citoyens de responsabiliser entreprises et législateurs ; enfin, a priori. Encore faut-il entrer le nom barbare du produit chimique en anglais, et dans la bonne case du site Internet

Mis en ligne le 20 janvier, le site propose des informations sur 120.000 produits, depuis les cosmétiques jusqu'aux casseroles. Par exemple, en entrant « benzophenone », une molécule présente dans le dissolvant, un avertissement, « warning », apparaît. La substance s'avère très toxique pour la vie aquatique, et peut endommager les organes en case d'exposition prolongée, selon le site.

À l'heure où des scientifiques assurent que certains produits chimiques pourraient être liés à l'augmentation des cas de cancers et d'infertilité, l'ECHA entend donc favoriser la transparence.

>> Lire : Le Parlement veut ajouter les perturbateurs endocriniens à la liste REACH

L'agence s'adresse à tout le monde et présente l'information sur trois niveaux, selon les connaissances de chacun, du profane au toxicologue.

« [Ces informations] sont à présent écrite dans un anglais usuel, alors qu'elles prenaient auparavant la forme d'une série de codes », se félicite Christel Musset, directrice des enregistrements de l'ECHA. Jusqu'ici, les personnes cherchant à s'informer devaient en effet se tourner vers les dossiers complexes préparés par les entreprises, conformément au règlement REACH sur les produits chimiques.

Adopté en 2006, REACH oblige les industriels à faire enregistrer des milliers de substances qu'ils utilisent et à remplacer celles qui constituent un danger inacceptable pour la santé humaine ou l'environnement. Dix ans après l'adoption de ces règles, l'ECHA estime disposer d'une des plus grandes bases de données réglementaires sur les produits chimiques au monde.

« Jusqu'ici, toutes les informations provenaient des entreprises. Nous présentons à présent ces données d'une manière beaucoup plus compréhensible. C'est tout nouveau », assure Christel Musset à EurActiv.

Le premier niveau, appelé « infocard » donne des informations de base sur les dangers liés au produit. Les utilisateurs peuvent donc savoir à quelles substances ils sont exposés, dans quels produits celles-ci se trouvent, si elles sont dangereuses et quelles précautions ils devraient prendre.

Ceux qui souhaiteraient en savoir plus peuvent consulter une fiche plus complète, le « brief profile », ou BP, qui liste les propriétés de chaque substance. Ce niveau s'adresse par exemple aux employeurs, travailleurs, universitaires et législateurs, selon l'ECHA.

« Notre public cible est la population en général, mais la plupart des utilisateurs sont en effet des personnes informées. Cela peut être le personnel des ONG, bien sûr, mais aussi les médecins et les travailleurs », précise Christel Musset, qui ajoute que les syndicats ont montré beaucoup d'intérêt pour ce nouvel outil.

Les syndicats dénoncent en effet une « augmentation dramatique » des cancers, notamment du sein et de la prostate, qu'ils estiment liés aux perturbateurs endocriniens.

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Le groupe européen des employeurs de l'industrie chimique (ECEG), qui représente l'industrie à Bruxelles, a félicité l'ECHA pour son impressionnant travail de collecte d'informations.

« L'un des plus gros avantages est l'accès facilité des utilisateurs à des données sur environ 120 000 produits chimiques.  Cela montre qu'ECHA reste fidèle aux principes de traçabilité et de transparence », a assuré l'ECEG à EurActiv.

Tiago Pedrosa, scientifique à l'ECHA, explique que les fiches contiendront également des informations sur le type de produits utilisant la substance en question, la manière dont les humains entrent en contact avec elle et comment elle est libérée dans l'environnement.

Les consommateurs pourraient ainsi en apprendre davantage sur les substances qu'ils voient mentionnés sur les étiquettes de produits comme les cosmétiques. « Les cosmétiques sont un bon exemple, parce qu'il est obligatoire de lister les composants sur l'étiquette », souligne Christel Musset.

Les associations de consommateurs pas convaincues

BEUC, le Bureau européen des unions de consommateurs, n'est toutefois pas aussi impressionné par le travail de l'ECHA. « Les consommateurs ont le droit d'être informés sur les substances chimiques présentes dans les produits du quotidien. L'initiative de l'Agence européenne des produits chimiques de présenter ces informations d'une manière plus accessible est donc la bienvenue », estime l'organisation.

Sylvia Maurer, directrice durabilité et sécurité, estime cependant qu'un outil d'information réellement utile ne devrait pas se limiter à offrir des données sur les substances chimiques par groupe de produits. « Cela n'aidera pas les consommateurs à déterminer si certaines substances sont présentes dans un produit particulier qu'ils souhaitent acheter », poursuit-elle.

« Or, ici, les consommateurs ne saurons toujours pas quel produit choisir. Les législateurs doivent prendre leur pleine responsabilité et faire plus d'efforts pour éliminer les substances dangereuses des produits de consommation », conclut-elle.

L'ECHA a semblé accepté cette critique et a convenu que l'Europe devait être « fière sans être suffisante » de son rôle avant-gardiste dans la réglementation des produits chimiques. « En améliorant la transparence de l'information, nous aimerions également encourager les entreprises à mettre leurs dossiers à jour », ajoute Christel Musset.

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> CONTEXTE

Adopté en 2006, le règlement REACH requiert de l'industrie qu'elle enregistre les quelque 30.000 substances actuellement sur le marché et qu'elle les soumette à une évaluation avant qu'elles soient autorisées sur le marché.

Les substances représentant une menace pour la santé ou l'environnement pourront alors être progressivement supprimées puis remplacées. REACH oblige surtout les fabricants à prouver que leurs produits sont sûrs avant que ceux-ci ne puissent entrer sur le marché.

Au total, environ 120.000 substances sont commercialisées, mais REACH ne s'applique qu'à un tiers de celles-ci, celles dont on produit plus d'une tonne par an. D'ici janvier 2016, quelque 14 000 substances auront été enregistrées, le processus sera donc à moitié accompli.

L'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a publié une liste d'une dizaine de produits chimiques considérés comme « extrêmement préoccupants » pour la santé publique et l'environnement. Cette liste est régulièrement actualisée.

>> Lire tous nos articles sur REACH

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> REACTIONS

Le Conseil européen de l'industrie chimique, une autre association représentant le secteur chimique auprès de l'UE a accueilli plus sobrement l'initiative de l'ECHA.

« Cette initiative de l'ECHA représente une étape supplémentaire dans le développement de nos connaissances sur les produits chimique en Europe », a indiqué l'organisation dans un email à EurActiv. « Si l'information en soi n'est pas nouvelle, elle est à présent organisée d'une manière très structurée qui la rend accessible tant aux toxicologues qu'au public général. Cela devrait aider les citoyens à apprécier les nombreux avantages que les produits chimiques apportent à la société et à reconnaître la collaboration continue de l'industrie avec les autorités compétentes afin d'assurer que les produits chimiques sont utilisés de manière sûre. »

« Nous estimons que REACH fonctionne », continue l'organisation, qui attend à présent la prochaine évaluation officielle prévue pour 2017. « Ce sera l'occasion d'évaluer réellement la situation et de tirer des conclusions plus concrètes sur l'utilité du règlement à ce jour. »

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> PROCHAINES ETAPES

  • 2016 : L'ECHA publiera un rapport sur le règlement REACH.
  • 2017 : La Commission européenne lancera une évaluation officielle du règlement REACH.

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> LIENS EXTERNES

Agence européenne des produits chimiques (ECHA)

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Par Frédéric Simon, EurActiv.com (traduit par Manon Flausch)
(article publié le vendredi 22 janvier 2016 à 9:55, mis à jour à 11:42)

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Commentaires 2
à écrit le 26/01/2016 à 10:19
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CELA VAS DANS LE BON SENS ? LA CHIMIE A BEAUCOUP FAIS EVLUEZ NOTRE CIVILSATION ??MAIS TRES PEUT DE GENS NE CONNAISENT PAS LE DANGER DE CERTAIN PRODUITS CHIMIQUES ? DE MEME QUE CERTAIN INDUSTRIEL LES UTILISENT QU A DES FIN DE FAIRE DE L ARGENT ? DONC ...

à écrit le 25/01/2016 à 19:53
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Certes... je cite : "Le groupe européen des employeurs de l'industrie chimique (ECEG), qui représente l'industrie à Bruxelles, a félicité l'ECHA pour son impressionnant travail de collecte d'informations." Sous les lignes : "on pourra les bais. roule...

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