Allemagne : les Verts se rapprochent un peu plus d'Angela Merkel

Les deux candidats écologistes pour les élections fédérales de septembre ont été désignés par les militants. Un choix qui renforce l'idée que les écologistes pourraient s'allier avec la droite. Une donnée clé pour tous les candidats français à la présidentielle.
Winfried Kretschmann, personnalité centrale des Verts est favorable à l'alliance avec la CDU et est le gagnant informel de la primaire.

La mode est aux primaires. Et pas seulement en France. En Allemagne, où le procédé est beaucoup moins répandu que de ce côté-ci du Rhin (Angela Merkel a ainsi encore été désignée « à l'ancienne » comme candidate de la CDU et de la CSU à la chancellerie), les Verts organisaient un scrutin fermé, réservé à leurs militants, pour désigner leurs candidats à la chancellerie pour les élections fédérales du 24 septembre prochain. « Leurs », au pluriel, car s'il est un point sur lequel les Verts allemands restent fidèles à leurs origines c'est le refus de « personnaliser » la campagne. Aussi désignent-ils deux chefs de file et non un seul.

Deux chefs de file représentants de la droite du parti

Pour autant, on est désormais bien loin des Verts turbulents aux cheveux longs et aux pullovers bariolés qui déboulaient pour la première fois en 1983 au Bundestag sous le regard éberlué des députés des partis traditionnels. Mais les « Grünen » sont désormais membre d'un parti bien sage, intégré dans la vie politique allemande, capable de s'allier avec (presque) tout le monde et qui ne cachent pas leur envie de gouverner. Le résultat de la primaire, connu mercredi 18 janvier, a confirmé ce positionnement pivot des Verts allemands avec la victoire de Katrin Göring-Eckhardt et de Cem Özdemir.

En choisissant ces deux chefs de file, les militants écologistes ont choisi la sécurité. Cem Özdemir, 51 ans, premier député d'origine turque élu en 1994 au Bundestag, est co-président du parti depuis 2008. Certes, l'homme est un politique habile, capable de tenir les différents courants du parti ensemble. Mais, issu du Bade-Wurtemberg, c'est un proche de Winfried Kretschmann, le ministre-président de ce Land, dirigeant très populaire de l'aile droite du parti et partisan affiché d'une alliance avec la CDU qu'il pratique lui-même à Stuttgart depuis l'an passé.

L'autre candidate des Verts, Katrin Göring-Eckhardt, 51 ans également, est aussi une figure connue des Verts allemands. Dirigeante du groupe parlementaire, elle était déjà candidate officielle du parti en 2013, où elle n'avait guère brillé. Seule femme candidate à cette primaire, elle est une figure de proue de l'aile droite du parti, celle dite des « Realos ». Originaire de Thuringe, en ex-RDA, elle est connue pour son investissement dans l'église protestante. Elle est d'ailleurs membre du Synode de l'église protestante allemande (EKD), l'exécutif de cette église. Katrin Göring-Eckhardt est connue pour son opposition à toute alliance avec Die Linke, le parti de gauche, et, une fois son élection connue, elle a, elle aussi, salué le soutien de Winfried Kretschmann.

La gauche du parti marginalisée

Les militants écologistes ont donc confirmé la marginalisation de la gauche du parti, les « Fundis », dont le seul candidat n'a obtenu que 26% des voix et a terminé bon dernier. Ils ont choisi des « bureaucrates » du parti, clairement favorables à une alliance avec les conservateurs et ont ainsi clairement pris le contre-pied du congrès de Münster qui, en novembre dernier, avait adopté, contre l'avis de la direction, un programme ancré à gauche, avec notamment la demande d'un impôt sur la fortune, dernier élément de fragmentation droite-gauche dans une Allemagne où les grands partis politiques gravitent de plus en plus autour du centre. Avec cette primaire, les militants Verts tournent clairement le dos à cette tentation de l'ancrage à gauche : ils valident la stratégie d'un parti proposant encore quelques réformes sociétales et environnementales, mais confirmant surtout sa volonté de s'ancrer dans la classe moyenne.

Vers une coalition CDU-Verts

Les deux candidats ont assuré que leur élection ne signifiait pas que les Verts chercheraient après le 24 septembre une alliance avec Angela Merkel. Mais le duo a également affirmé qu'il n'y avait plus « d'alliance naturelle » des Verts, ce qui ressemble à une déclaration de divorce - déjà largement réalisé dans les faits avec la SPD sociale-démocrate. Officiellement, donc, les deux candidats veulent faire du parti écologiste l'acteur clé des prochaines négociations de coalition. Les Verts souhaitent devenir un pivot autour duquel se réalisera la prochaine alliance de gouvernement, comme pouvait l'être la FDP libérale des années 1970-1980, lorsqu'elle pouvait s'allier avec la SPD, puis avec la CDU. Mais pour occuper cette place, il n'y a pas de recette miracle : il faut tenir une position centriste afin de pouvoir s'allier avec les grands partis. Pour être au centre du jeu politique, il faut aussi être au centre du spectre politique. Dès lors, il y a fort à parier que la campagne du tandem oubliera rapidement le programme dessiné à Münster par les « Fundis » et s'efforcera, au contraire, de ménager la CDU.

Pourquoi Angela Merkel veut s'allier avec les Verts

Déjà, les déclarations très mesurées des deux candidats sur la question de la sécurité et de la migration semblent indiquer une très forte proximité avec Angela Merkel. Les signes ne trompent d'ailleurs pas : la personnalité des candidats, l'allégeance faite à Winfried Kretschmann, les louanges des deux candidats par le quotidien conservateur Die Welt plaident en faveur d'un rapprochement avec la CDU. Ce rapprochement est souhaité depuis longtemps par Angela Merkel qui a favorisé les alliances régionales entre son parti et les écologistes en Hesse et en Bade-Wurtemberg. Il est le fruit du double mouvement des deux partis : la CDU a clairement « gauchisé » son discours sur le plan sociétal, notamment sur la question migratoire, tandis que les Verts « droitisaient » leur vision économique. A un moment, les deux partis devaient donc se rencontrer.

Mais Angela Merkel a aussi une autre excellente raison de se rapprocher des Verts : il s'agit de dissoudre la seule alternative à sa personne : la fameuse coalition « R2G » (« rouge-rouge-verte ») entre les Verts, la SPD et Die Linke. Longtemps impensable (elle était majoritaire au Bundestag en septembre 2013), cette alliance est désormais au pouvoir dans deux Länder - Berlin et la Thuringe -, et c'est bien la seule capable aujourd'hui d'exclure Angela Merkel de la chancellerie, même si elle n'a plus de majorité selon les sondages. Attirer les Verts vers la CDU, c'est rendre impossible une telle alliance et, donc, toute alternative politique à l'actuelle chancelière. La primaire écologiste de ce 18 janvier est, avant tout, une immense victoire pour Angela Merkel qui va bénéficier de candidats écologistes prêts à discuter - et à gouverner - avec elle.

Dépasser 10%

Il reste cependant deux obstacles à une telle alliance. D'abord, le score des Verts eux-mêmes. Souvent surestimés dans les sondages et dans l'opinion internationale, les écologistes allemands ne sont pas une force formidable. Ils n'ont franchi la barre des 10% des exprimés qu'une seule fois dans leur histoire en 2009, et de peu (10,7%). Leur base électorale est proche de 8% des voix (8,6% en 2013) et est relativement stable depuis 2002. Etrangement, les Verts n'ont pas réellement profité de l'effondrement de la SPD entre 2002 et 2013. Alors que, sur cette période, les sociaux-démocrates ont perdu 7,3 millions de voix, les Verts en ont aussi perdu 200.000.

L'ambition du duo de candidats est de parvenir à franchir la barre des 10% afin d'arriver en position de force dans les discussions. Pour cela, ils devront gagner entre 500.000 et 800.000 voix. Ce n'est pas infaisable, mais leur positionnement risque de poser problème. Désormais sur une position proche de la SPD et de la CDU, ils devront à la fois montrer qu'ils sont un parti « centriste » et qu'ils sont « utiles » à la classe moyenne qui vote SPD ou CDU. Délicat, mais la CDU, qui devra "droitiser" son discours pour éviter une trop grande fuite des électeurs vers les Eurosceptiques xénophobes de l'AfD, peut l'aider. Pour le moment, cependant, les sondages promettent entre 8,5% et 10% des voix aux Verts : autrement dit, un score proche de 2013. Suffisant pour servir d'allié à la CDU, pas assez cependant pour peser fortement sur la nature de la coalition.

L'obstacle FDP

L'autre problème qui se présente aux Verts allemands est la remontée de la FDP libérale. Désormais, ce parti est donné au-dessus des 5% nécessaires à son retour au Bundestag. Il est même donné entre 6% et 7,5% des intentions de vote, ce qui ouvre la possibilité d'une alliance CDU-FDP, comme en 2009. Angela Merkel pourrait ainsi noyer les demandes des Verts dans une mise en concurrence des deux partis, voire dans une alliance à trois (appelée en Allemagne « coalition Jamaïque » en référence aux couleurs jaune-noir-vert du drapeau de ce pays). Dans ce cas, les Verts pourraient être les dindons de la farce d'une alliance très à droite.

L'obstacle CSU

Reste enfin le dernier obstacle : la CSU. L'allié bavarois de la CDU a durci son discours et va continuer à le faire. Si ce parti est un moyen de maintenir l'électorat conservateur déçu par la politique migratoire d'Angela Merkel dans le giron de l'Union CDU/CSU, il est aussi un vrai problème pour une alliance « noire-verte ». Tout dépendra donc si la CSU accepte une coalition avec des écologistes, qui seront un soutien à Angela Merkel sur les positions qui divisent les deux formations sœurs, ou si les Bavarois ne montent pas trop les enchères concernant le « contrat de coalition ». Les Verts risquent d'avoir des couleuvres à avaler en tout cas, car la CSU est en position de force et ne se privera pas d'imposer ses vues.

Les conséquences en Europe

Reste un dernier point : quelles conséquences pour l'Europe ? Il faudra d'abord observer la réaction des autres partis écologistes européens à une telle alliance Verts-CDU. Conduira-t-elle à une scission au sein des Verts européens, largement ancrés à gauche, ou, au contraire, à un recentrage généralisé au moment où, globalement, les Verts sont plutôt en petite forme électorale partout en Europe. Il conviendra, dans ce cadre, d'observer l'attitude des Verts face à la nouvelle majorité clairement de droite au parlement européen.

Mais les vraies conséquences seront plus profondes. En se ralliant à Angela Merkel, les Verts allemands accepteront la logique économique de cette dernière pour l'Europe, et notamment celle des ajustements unilatéraux au sein de la zone euro et de la priorité donnée au désendettement et à la consolidation budgétaire. Qu'il s'agisse de gouvernance économique de la zone euro, de socialisation du budget ou de plan d'investissement européen, leurs demandes  risquent donc de disparaître au fur et à mesure que leur participation au gouvernement va se rapprocher. Comme la SPD en 2013, ils sacrifieront certainement ces beaux principes à quelques concessions d'ordre intérieur et « ministériel » d'Angela Merkel. On voit mal comment des Verts à moins de 10%, qui devront faire face à des concurrents pour l'entrée dans la coalition (SPD et FDP) pourront peser davantage sur ce point que la SPD à 25% et unique allié possible de la CDU en 2013...  Du reste, rien dans le profil des deux candidats écologistes ne montre une vraie détermination à inverser la politique économique de l'Allemagne.

Avec les Verts alliés à la CDU, le statu quo est donc assuré en Europe. Wolfgang Schäuble est assuré de conserver son poste et sa liberté de manœuvre. C'est un élément central pour ceux qui rêvent de refondation de l'Europe et qui, en France, avancent des projets ambitieux mais qui risquent de se retrouver face à la froide réalité politique de l'Allemagne.

Commentaires 8
à écrit le 19/01/2017 à 15:33
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Trois faits son occultés dans cet article : - après la polémique par l'ancienne patrone des verts, Simone Peter qui a stigmatisé la protection de la nuit de Saint Sylvestre 016 à Cologne, les verts ont chuté à 8% et il y a fort à parier que vu leur ...

à écrit le 19/01/2017 à 14:14
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L auteur se trompe en pensant que la RFA est le seul obstacle a la position francaise (qui consiste a depenser toujours plus sans se demander pourquoi ca ne marche pas). En admettant que la RFA soit d accord avec Montebourg (on peut toujours rever) l...

le 20/01/2017 à 12:31
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Peut être que le propos de l'auteur est plus relatif aux ambitions de Macron...Et là je dois dire que je serai très déçu par l"Allemagne, parce que ce qu'il propose est raisonnable est de bon sens. Faire le ménage chez nous avant d'avancer sur la sol...

à écrit le 19/01/2017 à 13:29
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Et c'est bien cette incohérence majeur et permanente des partis écologistes du monde qui fait régulièrement leurs échecs. Qui fait que j'ai définitivement arrêté de voter pour eux alors qu'écologiste convaincu. L'écologie en politique ça me fait ...

le 19/01/2017 à 14:43
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la plupart des partis intègre désormais les considérations environnementales, ce qui pousse les verts à donner dans le social/sociétal. En France ils ont choisi de se marginaliser en devenant un groupuscule d'extrême-gauche de plus. Si en Allemagne i...

le 19/01/2017 à 15:53
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"c'est à dire avec une probabilité de 95%" Sources ? Adieu.

le 19/01/2017 à 20:55
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@citoyen_blasé : de toutes façons tant que Die Linke continuera à phagocyter environ 10% des voix il n'y a aucune chance que la SPD puisse surpasser, en voix ou en sièges, la CDU/CSU et donc prétendre former une coalition gouvernementale autour d'ell...

le 23/01/2017 à 9:15
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C'est bien, je vous pose une question vous l'ignorez puis maintenant vous venez me parler d'autre chose... Arrêtez vraiment avec vos obsessions vos commentaires sont calamiteux et ne peuvent intéresser que les gens possédants les mêmes obsessions...

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