Angela Merkel autorise des poursuites contre un humoriste

La chancelière a accepté la plainte de la Turquie contre un humoriste qui avait récité un poème violemment hostile au président turc. La décision fait polémique outre-Rhin.
L'humoriste Jan Böhmermann sera poursuivi pour son poème hostile au président turc.

Angela Merkel ne veut pas se fâcher avec le président turc Recep Tayyip Erdoğan. Ce vendredi 15 avril, la chancelière a annoncé qu'elle autorisait les poursuites contre un comique de télévision, Jan Böhmermann, qui avait lu à l'antenne début avril un poème satirique contre le chef de l'Etat turc qui le dépeignait en zoophile et en pédophile pour réagir aux protestations du pouvoir turc contre une autre chanson qui l'attaquait, diffusée précédemment. Ce poème était un exemple de "ce qu'il ne fallait pas faire", non une critique directe. Ankara avait alors réclamé des poursuites contre le présentateur au titre de l'article 103 du code pénal allemand qui punit d'une peine pouvant aller jusqu'à trois ans de prison toute insulte contre un représentant d'un gouvernement étranger. Parallèlement, Recep Tayyip Erdoğan a déposé plainte à titre personnel pour diffamation.

Sauvegarder l'Etat de droit ?

La question était donc de savoir si le gouvernement fédéral transmettait à la justice la plainte officielle de la Turquie au titre de l'article 103. Angela Merkel s'y est résolu, jugeant que cette démarche était conforme à un Etat de droit : « la justice et le procureur auront le dernier mot », a-t-elle indiqué. La chancelière a pris soin de préciser que cette décision ne signifiait pas qu'elle considérait Jan Böhmermann - qui a annulé ses prochaines émissions - comme « coupable ».

Division dans la grande coalition

Visiblement gênée, Angela Merkel a cependant indiqué qu'elle jugeait « que l'on peut se passer de l'article 103 » et a annoncé sa suppression d'ici à 2018. Mais c'est une position étrange qui reporte le problème à plus tard et au prochain gouvernement issu des élections de 2017. Il est vrai que l'affaire a provoqué des remous dans la « grande coalition » avec les Sociaux-démocrates. Ces derniers étaient pour une opposer à Ankara une fin de non-recevoir. Le chef du groupe SPD au Bundestag, Thomas Oppermann a pris soin de préciser que la décision de la chancelière a été prise « contre l'avis des ministres sociaux-démocrates. »

Les enjeux d'une polémique

L'affaire occupe toute l'Allemagne depuis une semaine. Il y va, en réalité, bien plus que du seul cas Böhmermann. On sait qu'Angela Merkel cherche depuis novembre la coopération de la Turquie pour contenir le flux de réfugiés vers l'Allemagne. La chancelière a déjà fait beaucoup de concessions à Ankara : un chèque de 6 milliards d'euros et une relance du processus d'adhésion à l'UE, notamment. Elle sait que la Turquie tient la clé de la crise migratoire. Elle doit donc la ménager. La question est de savoir jusqu'où elle peut aller. En Allemagne, la crainte est que le régime turc devienne intouchable pour des raisons de Realpolitik, même au prix d'entorses à la liberté d'expression. A l'inverse, le président turc pourrait utiliser le cas Böhmermann pour prouver sa capacité à faire plier l'Allemagne et obtenir gain de cause devant les tribunaux.

Malgré ses précautions oratoires et son appel à l'Etat de droit, Angela Merkel risque de donner l'impression de vouloir contenir la colère de Recep Tayyip Erdoğan en lui donnant des gages. En tout cas, un tribunal a interdit la lecture d'extraits de ce texte lors d'une manifestation devant l'ambassade de Turquie à Berlin.

Risques politiques pour la chancelière

Pour la chancelière, cette affaire tombe très mal. La SPD est en effet au plus bas dans les sondages et cherche à se différencier de la CDU, le parti d'Angela Merkel. Parallèlement, alors que le flux de réfugiés commence à se tarir, l'opposition de droite extrême Alternative für Deutschland (AfD) cherche à maintenir le mécontentement contre la chancelière. Au sein même de la CDU, les critiques contre la BCE sont désormais très vives. Cette affaire pourrait être une occasion pour toutes les forces d'opposition de pointer les défaillances de la stratégie de la chancelière et sa dépendance vis-à-vis d'Ankara. L'affaire pourrait donc prendre un tour politique désagréable pour Angela Merkel.

Commentaires 9
à écrit le 17/04/2016 à 0:17
Signaler
Merkel est prête à toutes les compromissions vis à vis de le dictature turque pourvu qu'ils gèrent ou fassent semblant de gérer la problématique des réfugiés... L'Europe est définitivement ridicule (aucune vision, aucune idée et l'illusion du pragma...

à écrit le 16/04/2016 à 12:07
Signaler
Traiter un type que l'on ne connait pas même pas de pédophile ou déverser une dhyarée verbale à l'encontre de quiconque , c'est peut être un peu trop

le 17/04/2016 à 11:58
Signaler
Et emprisonner des journalistes qui ne pensent pas comme vous ?

à écrit le 16/04/2016 à 10:10
Signaler
Merkel est plus que pathétique : coincée entre sa politique de bienvenue des migrants qui lui avait été soufflée par le patronat qui n'assume d'ailleurs pas, puis obligée de négocier avec la Turquie et son dictateur l'entrée des Turcs en UE, la voilà...

à écrit le 16/04/2016 à 8:28
Signaler
Encore une erreur... erdogan n'est pas fiable, cela ne va en rien améliorer dans le fond sa coopération.

à écrit le 16/04/2016 à 8:11
Signaler
L'Allemagne n'a donc pas beaucoup évolué depuis la guerre. Aucune Justice indépendante... La chancelière décide de tout y compris des poursuites !! Pas étonnant qu'elle se sente la grande patronne des français et du reste de l'europe !!! C'e...

à écrit le 15/04/2016 à 17:19
Signaler
Avec les reculs, les observateurs éclairés comprendront peut être le "fonctionnement" de Mme Merkel, c' est pourtant pas compliqué, et surement trop simple pour nos brillants énarques et intellectuels. Ses objectifs: 1) Soutenir à fond l' indust...

à écrit le 15/04/2016 à 17:09
Signaler
Un journaliste à le droit de dire une information sensible, mais il doit y avoir des limites au insulte, et à la désinformation..... Dans un pays démocratie la liberté de la presse est important, mais tous le monde doit assumé et rendre compte de ses...

le 16/04/2016 à 22:46
Signaler
Et pi quoi Gaston ????? Tu aime Erdogan un fasciste ??

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.