Belgique : les nationalistes flamands détruisent l'union nationale

Alors que Bruxelles est encore une ville en état d'alerte, la N-VA, le parti nationaliste flamand membre de la coalition fédérale, attaque le PS francophone de front. Une attaque qui s'appuie aussi sur les critiques venues de l'étranger.
La trêve politique est terminée en Belgique.

L'union nationale belge est-elle morte ? Au cours des derniers jours, le pays avait affiché une unité nationale face à la menace et à l'état d'alerte maximale qui a été installé sur Bruxelles depuis vendredi 20 novembre, même si certains libéraux francophones avaient critiqué la gestion socialiste de Molenbeek. Mais depuis mardi 24 novembre, cette unité commence à être sérieusement remise en cause. Ce matin, dans le quotidien francophone Le Soir, le sénateur du parti autonomiste flamand N-VA, Karl Vanlouwe, a brisé cette belle union.

L'attaque de la N-VA

La thèse du parlementaire flamand est de considérer que « Bruxelles » est devenue « une base arrière de la barbarie islamique » en raison de « vingt ans de laxisme du PS [parti socialiste francophone, NDLR] et d'islamo-socialisme. » Et de poursuivre : « le PS-Bruxelles a créé par le biais d'une extrême tolérance un terreau fertile pour l'intolérance à l'égard de notre société occidentale. » Karl Vanlouwe en finit en estimant que la Région bruxelloise « ne peut et ne veut pas s'attaquer aux vrais problèmes. » La région Bruxelles-Capitale est gouvernée depuis 2004 par un gouvernement dirigé par le PS.

Reprise d'un discours classique de la N-VA

Cette charge ne met pas seulement fin à une union nationale de façade face aux événements de Paris, puis, face à la menace visant depuis vendredi soir la Belgique, c'est aussi la reprise d'un thème cher à la N-VA. Car derrière la critique du « laxisme » du PS, il y a aussi la critique des Francophones de Belgique puisque le PS est le premier parti de cette communauté et qu'il dirige les deux régions francophones de Belgique, la Wallonie et Bruxelles-Capitale. Par ailleurs, en Wallonie, la baisse du PS s'accompagne d'une montée du PTB, un parti de gauche radicale. Comme toujours dans ces cas, l'opposition entre la N-VA et le PS est, pour le premier parti, un moyen de mettre en avant une opposition entre Néerlandophones et Francophones. L'opposition gauche-droite n'est pas seulement une opposition politique dans la bouche des responsables N-VA, c'est aussi une opposition « culturelle ». « La région bruxelloise a besoin (...) d'une culture politique et des structures pour combattre le radicalisme », a souligné Karl Vanlouwe.

Rhétorique communautaire

La critique de la région bruxelloise n'est pas un hasard non plus : le statut de Bruxelles est contesté par les nationalistes flamands qui considèrent que la ville a été « francisée » artificiellement par l'Etat belge. Bruxelles est d'ailleurs la capitale de la région flamande, alors qu'elle ne se situe pas sur le territoire flamand. Pour la N-VA, ceci est un moyen de « flatter » son électorat en jouant sur l'idée que, grâce à la gestion de la N-VA et à la « culture flamande », la Flandre serait « à l'abri » de l'extrémisme religieux identifié par la formule « islamo-socialisme » au PS, donc à la francophonie.

Se dédouaner des fautes du gouvernement fédéral

Pour la N-VA, c'est aussi et surtout, une façon d'éviter de se retrouver pris dans le piège dans lequel le gouvernement fédéral belge semble s'être pris lui-même en « gelant » Bruxelles pendant quatre jours. Métros, écoles et commerces devraient rouvrir demain, sans que les conditions de la menace n'aient réellement été levées puisqu'aucune cache d'arme n'a été découverte. Le gouvernement fédéral est donc dans une impasse : il ne peut guère laisser la capitale bloquée indéfiniment, mais il ne peut baisser sans raison le niveau d'alerte. Or, la N-VA fait partie du gouvernement. Elle ouvre donc un contre-feu aux relents communautaires, meilleur moyen de se dédouaner. C'est, du reste, une stratégie habituelle de la N-VA qui, l'an passé, avait accepté de donner au libéral francophone Charles Michel les rênes du gouvernement fédéral le moins francophone depuis trente ans. Histoire évidemment de réduire son exposition aux conséquences de la gestion de la Belgique.

Courir après l'extrême-droite flamande

Enfin, les autonomistes flamands tentent ainsi de répondre à la remontée dans les sondages du parti nationaliste xénophobe flamand Vlaams Belang (VB, ex-Vlaams Block). Depuis quelques années, la montée de la N-VA avait conduit à une baisse notable de l'audience de ce parti d'extrême-droite. Mais la participation de la N-VA au gouvernement fédéral semble avoir inversé la tendance. Le dernier sondage réalisé pour la Libre Belgique et la RTBF en septembre donnait une chute de cinq points de la N-VA en Flandre par rapport au scrutin de 2014, alors que le Vlaams Belang gagnait quatre points et frôlait les 10 % (contre 5,8 % aux élections fédérales de 2014). Cette chute était expliquée par un rejet d'une « modération » du discours de la N-VA sur l'immigration. Avec la menace terroriste, la N-VA tente de contenir le VB en reprenant un discours musclé qui identifie les deux « ennemis » : les socialistes francophones et les islamistes.

Profiter du « Belgium Bashing » international

Mais la N-VA profite en réalité d'une vague de « Belgium Bashing » à l'étranger, et particulièrement, en France. Le pays est décrit comme le maillon faible de la lutte contre le terrorisme et comme un « Etat sans nation » par nature faible. La banlieue bruxelloise de Molenbeek est devenue, dans les médias européens, le symbole de ces quartiers « terreaux fertiles pour l'extrémisme. » Toute cette rhétorique est souvent teintée d'un certain mépris pour un petit pays qui est mal compris. C'est aussi, dans le cas français, l'occasion d'oublier que les terroristes du 13 novembre étaient majoritairement français, que deux d'entre eux au moins venaient de quartiers de la périphérie parisienne et que l'Etat français aussi, malgré sa force supposé au regard de son voisin du nord, a sans doute aussi failli dans cette affaire.

L'ennui, c'est que cette campagne internationale a servi à alimenter les critiques de la N-VA qui reprend ainsi le terme de « base arrière » et de « terreau fertile. » « Le but ultime de la N-VA est de montrer que la Belgique ne fonctionne pas » pour la détruire, avait souligné dans une interview en octobre dernier le chrétien-démocrate flamand Eric van Rompuy. C'est dire si la N-VA n'a rien à redire, bien au contraire, au « Belgium Bashing » international. Elle y trouve même une source d'inspiration. En donnant des leçons aux Belges, ses voisins pourraient encore affaiblir un Etat que la N-VA veut, in fine, voir disparaître.

Commentaires 12
à écrit le 25/11/2015 à 15:43
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@Tony A 25/11/2015 0:22 Si les Catalans, les Flamands et les Écossais font sécession, cela va t-il changer quelque chose au monde actuel ? Il faut relativiser ces pseudo phénomènes. Au 20ème siècle, notre monde a vécu des catastrophes d'une toute ...

à écrit le 25/11/2015 à 8:19
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Mais l'Union Nationale ne peut pas se faire autour des partis qui ont lamentablement échoué et ont refusé de voir le danger en face, enfin ! L'Union Nationale doit se faire autour de ceux qui ont prévenu et ont souvent été insultés pour cela, c'est t...

à écrit le 25/11/2015 à 0:22
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Schengen c'est fini. L'euro est en soins palliatifs. Les écossais, les catalans, les flamands... veulent la jouer perso. Pour l'Europe, tel que nous l'avons connue, c'est le début de la fin.

à écrit le 24/11/2015 à 21:43
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Tiens, quand c'est de l'indépendantisme de "gauche" (la gauche inutile), Godin est pour, cf la catalogne. Quand c'est de droite, c'est très mal, boulala. Godin, le "journaliste".

à écrit le 24/11/2015 à 20:34
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Concitoyens chrétiens, vous vous trompez. C'est la meilleure éducation culturelle et scientifique des gens depuis la fin de la deuxième guerre mondiale qui est à l'origine de la forte régression de votre religion " monothéiste " (en réalité trinitéis...

à écrit le 24/11/2015 à 20:28
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Cela fleure bon les commentaires racistes par certains avec des chiffres fantaisistes donnés sans aucune référence qu'à celle de leur petit doigt par certains commentateurs.

à écrit le 24/11/2015 à 18:22
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Je suis francophone mais honte de l'être, car l'article le dit bien : à Bruxelles et en Wallonie nous sommes en pleine panade socialo-islamiste. Puisque nous avons je ne sais combien de gouvernements, le Fédéral a parmi ses ministres, les meilleurs q...

le 24/11/2015 à 20:48
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Pourquoi avoir honte, nous avons enfin réussi à mettre les socialistes dehors. Malheureusement trop tard lorsqu'on voit les événements actuels.

à écrit le 24/11/2015 à 16:31
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...

à écrit le 24/11/2015 à 13:50
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L'autonomie de la Flandre , c'est l'article 1 du statut de la NVA. Au moins il fait leur laisser cette correction. Les socialistes wallons ont dévoyés jusqu'à la garde de l'intolérable, le fonctionnement de la Belgique à leur profit, dans toutes les ...

à écrit le 24/11/2015 à 13:30
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Reste que Bruxelles, non seulement capitale de la Belgique et de la Flandre, est aussi capitale de l'Europe et que ceux qui dirigent cette ville depuis plus de 10 ans n'ont pas lieu d'être fiers de l'avoir laissée se transformer en Bruxellistan.

le 24/11/2015 à 18:03
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c'est vrai qu'on est en plein moyen-orient. Que des gueules inquiétantes...

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