Bruxelles décidée à mettre fin au flou juridique de l’ubérisation

Airbnb, Uber et consorts vont bientôt être soumis aux règles de l’UE sur l’économie de partage. Un éclaircissement qui permettra à la Commission de trancher les nombreux contentieux entre ces sociétés et les Etats membres. Un article de notre partenaire Euractiv.
La Commission examine en ce moment les dispositions des directives sur les services et sur le commerce électronique, afin de voir comment elles pourraient s'appliquer aux entreprises comme Uber ou Airbnb.

Le 1er juin, le collège des commissaires discutera d'une série d'orientations pour aider les États membres à appliquer les règles européennes existantes à l'économie de partage, dans des domaines comme la taxation, l'emploi et la protection des consommateurs.

Une décision devrait être formellement adoptée via une procédure écrite le lendemain, selon les informations obtenues par EurActiv.

>> Lire aussi : L'autorité espagnole de concurrence défend l'économie collaborative

La Commission examine en ce moment les dispositions des directives sur les services et sur le commerce électronique, afin de voir comment elles pourraient s'appliquer aux entreprises comme Uber ou Airbnb. Si les vides juridiques sont trop importants, l'exécutif proposera de nouvelles mesures.

Une fois sa position établie, la Commission pourra prendre des décisions sur certaines affaires en cours dans les États membres. Uber a en effet porté plainte contre la France, l'Allemagne et l'Espagne, arguant que les restrictions imposées à ses opérations dans ces pays contrevenaient aux principes du marché intérieur.

La Commission européenne évalue également les plaintes enregistrées par Airbnb contre les règles encadrant le tourisme en Catalogne et en Allemagne.

Uber rencontre les commissaires

Le 23 mai, Travis Kalanick, Pdg d'Uber, était à Bruxelles. Il y a rencontré plusieurs personnes clés sur le dossier de l'économie collaborative, comme les commissaires au marché intérieur, au transport et à l'innovation, Elżbieta Bieńkowska, Violeta Bulc et Carlos Moedas.

Le Pdg d'Uber a abordé les difficultés que rencontre son entreprise en France, en Espagne, en Allemagne et en Hongrie, et encensé les cadres juridiques estonien, lituanien, finlandais et britannique, ont commenté des fonctionnaires européens.

Travis Kalanick a également parlé de ses prochains objectifs. « Nous pouvons faire de toutes les voitures une voiture partagée », a-t-il déclaré plus tard, à un événement organisé par le Conseil de Lisbonne, un groupe de réflexion. Le covoiturage pourrait par exemple faire partie de la solution contre les embouteillages, les problèmes de parking et la pollution dans les villes européennes, a-t-il ajouté.

« Nous défendons notre modèle, mais nous apprenons aussi ce qu'il faudra faire pour amener ce type d'innovation à nombre de villes ici, en Europe », a-t-il indiqué. « J'ai reçu mon premier cours d'européen ce matin à la Commission », a-t-il admis.

Ce n'était pourtant pas la première visite de l'entrepreneur américain dans la capitale européenne. L'an dernier, Travis Kalanick avait déjà dû se rendre à Bruxelles suite aux nombreuses difficultés juridiques auxquelles était confronté son service UberPop dans des pays comme la France, l'Espagne, l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas. L'entreprise, basée à San Francisco, a à présent réinvesti dans un nouveau service, UberX, avec des chauffeurs autorisés.

Ces derniers mois, les commissaires et leurs équipes ont rencontré des représentants de l'économie de partage et des secteurs touchés par ces nouveaux concurrents.

>> Lire : Les chauffeurs de taxi cherchent des alliés contre Uber à la Commission

Une équipe élargie, qui compte notamment 16 commissaires, s'est mise au travail le 5 avril afin d'évaluer les cadres légaux existants, identifier les failles potentiels et de déterminer l'approche politique qu'adoptera l'UE, selon des documents obtenus par EurActiv.

Le groupe des commissaires ne se penchera pas uniquement sur les aspects législatifs de la question, mais également sur l'« ubérisation » potentielle de secteurs comme l'énergie et la production alimentaire.

À titre d'exemple, certaines entreprises, comme la plateforme néerlandaise Vandebron, permettent à leurs consommateurs d'acheter de l'électricité directement aux agriculteurs dont les installations solaires ou au biogaz produisent un excédent d'électricité.

>> Lire : Les eurodéputés prônent l'ubérisation de l'économie

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CONTEXTE

L'économie de partage, ou économie collaborative, couvre les services offerts à la demande par des particuliers, d'égal à égal et sans intermédiaire, ou le moins possible.

Ce modèle d'entreprise a causé un tremblement de terre dans certains secteurs, comme les taxis ou les hôtels, qui se plaignent de la concurrence déloyale d'Uber ou Airbnb, qui n'ont pas à respecter les mêmes contraintes. Les principales problématiques de ce nouveau modèle sont liées à l'impôt, à la protection sociale et au statut des travailleurs, mais également aux assurances et règles de protection des consommateurs. Certains appellent donc à une nouvelle législation encadrant ces activités.

Estimée à 36 milliards d'euros, Uber est la start-up financée au capital-risque la plus importante au monde. L'entreprise est cependant confronté à de plus en plus de difficultés légales en Europe, où les conducteurs de taxi manifestent et entament des poursuites judiciaires à son encontre.

Partout dans le monde, elle essuie des critiques sur la manière dont elle rémunère ses conducteurs, facture ses passagers et assure leur sécurité. Les sociétés de taxi traditionnelles estiment la concurrence d'Uber déloyale parce que l'entreprise ne paye pas les mêmes droits de permis qu'elles et ne se conforme pas aux lois locales.

>> Lire : Uber plus que jamais sur la sellette en Europe

À ce jour, des injonctions judiciaires ont été émises en Belgique, en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Espagne. Uber a déjà déposé deux plaintes contre une loi française qui, selon ses membres, favorise les sociétés de taxi traditionnelles, auprès de la Commission européenne. Des plaintes ont également été enregistrées contre l'Espagne et l'Allemagne.

La réglementation des services de taxi relève de la compétence des États membres, a répondu la Commission européenne. L'exécutif examinera toutefois les plaintes sous les angles des principes de proportionnalité, de non-discrimination et de liberté d'établissement.

Malgré les contraintes juridiques, Uber a continué à charmer les investisseurs et récolté pas moins de 1 milliard d'euros pour renforcer ses activités en Chine l'an dernier.

Un rapport rédigé par PwC pour la Commission en 2013 recommandait plusieurs mesures :

  • une approche flexible visant à analyser les restrictions pesant sur ces entreprises et à stimuler l'innovation dans ce secteur ;
  • faciliter la création de normes minimales de sécurité et de qualité pour les marchés collaboratifs ;
  • montrer aux employés qu'il peut être intéressant de recevoir des parts de la société, et de recevoir des dividendes sous forme d'exemptions fiscales par exemple ou de réduction d'impôts sur les salaires.

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PROCHAINES ETAPES

  • Début juin : La Commission devrait publier ses orientations sur l'économie collaborative.
  • Fin 2015 : Jugement de la Cour de justice européenne sur les activités d'Uber en Espagne.

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Jorge Valero, traduit par Manon Flausch d'Euractiv.

(Article publié le 24 mai 2016)

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Commentaires 2
à écrit le 26/05/2016 à 12:30
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Mais enfin ce n'est pas une puissance étrangère bruxelloise aux ordres d'une oligarchie économique anglo-saxonne qui va imposer sa loi aux pays européens ! Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées !

à écrit le 26/05/2016 à 7:33
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A Marseille, la mafia des taxis empêche les Uber de déposer quelqu'un à la gare et bien sûr l'immobilier Gaudin ne fait rien.

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