Catalogne : Madrid utilise l'arme financière pour faire céder les indépendantistes

Madrid a annoncé poser de "nouvelles conditions" à la Catalogne pour son accès à des fonds régionaux. Il s'agit d'une première tentative d'asphyxier le gouvernement local pour faire tomber la majorité indépendantiste.
Le président du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, veut faire céder la majorité indépendantiste catalane.

L'Espagne sort l'arme financière contre la majorité parlementaire indépendantiste catalane. Ce week-end, le ministre espagnol du budget, Cristobal Montoro, a annoncé que la Catalogne devrait se soumettre à de « nouvelles conditions » pour avoir accès au Fonds de Liquidité des Autonomies (FLA). Pour la Catalogne, ce programme représente encore 3,03 milliards d'euros. Le FLA a été créé en 2012. Il s'agit de prêts consentis aux Communautés autonomes (régions) par l'Etat central pour éviter à ces dernières de lever des fonds sur les marchés.

Nouvelles conditions

Quelles seront ces nouvelles conditions ? Elles seront ouvertement politiques. Cristobal Montoro l'a clairement assumé. « Ces conditions prévoient des garanties pour que pas un euro n'aille vers des buts sécessionnistes », a indiqué le ministre. Le gouvernement catalan devra donc, pour toucher ces fonds, donner l'assurance qu'ils seront utilisés pour le fonctionnement des services publics et « nullement pour violer la constitution. » Cette décision « s'explique clairement par les circonstances politiques que connaît la Catalogne », a indiqué le ministre du Budget.

Mise sous tutelle de la Catalogne

Concrètement, ceci signifiera que le Trésor espagnol versera les fonds du FLA chaque mois après avoir obtenu le feu vers d'un contrôleur du gouvernement qui se sera assuré auprès du gouvernement catalan, la Generalitat, de la « validité » des dépenses engagées. Autrement dit, l'autonomie financière de la Catalogne est en partie réduite. Et cette décision pose un grave problème au gouvernement de Barcelone si ce dernier décide d'appliquer la résolution du parlement votée le 9 novembre dernier et ouvrant la voie à un processus de séparation avec l'Espagne. Cette résolution - qui a été suspendue le 11 novembre par le Tribunal constitutionnel espagnol - prévoit en effet la création de « structures d'Etat. » Si ces structures sont effectivement créées, Madrid pourrait en prendre prétexte pour suspendre les versements du FLA, ce qui placerait le gouvernement catalan en grande difficulté financière.

Asphyxie financière

Déjà, le secrétaire général du département catalan de l'Economie, Albert Carreras, a indiqué que ces nouvelles règles étaient « extrêmement confuses. » « Nous ne savons pas ce que nous pourrons payer et quand nous pourrons payer », a-t-il ajouté. C'est sans doute ce que cherche Madrid. Le gouvernement espagnol tente de saper les bases du soutien aux indépendantistes catalans en provoquant des retards de paiements et des dysfonctionnements dans les services publics. Cette mesure est aussi clairement un premier pas avant l'utilisation de l'article 155 de la Constitution qui permet de suspendre l'autonomie régionale. Mais le gouvernement espagnol hésite à utiliser cet article qui obligerait à prendre des mesures d'ordre public difficile à mettre en œuvre. Il préfère donc contourner la difficulté en asphyxiant financièrement le gouvernement catalan. En réalité, cette mesure est une forme d'article 155 financier. Il est bien plus efficace : nul besoin d'envoyer la garde civile au risque de provoquer une résistance des Catalans, il suffit de tenir les cordons de la Bourse.

La zizanie au sein du camp indépendantiste se poursuit

Face à une telle stratégie, le gouvernement catalan semble désarmé pour l'instant. Et la première raison en est qu'il n'est qu'un gouvernement de transition qui ne dispose pas du soutien du parlement. L'actuel président de la Generalitat, Artur Mas, a, par deux fois, échoué à être élu en raison de l'opposition du parti de gauche radicale indépendantiste, la CUP. Les discussions se poursuivent, mais aucune issue ne se profile. S'il n'y a pas de président élu le 10 janvier, il faudra procéder à de nouvelles élections en mars. En attendant, il est impossible pour un gouvernement en sursis d'appliquer la résolution indépendantiste. Cette division et les menaces de Madrid font peser un risque notable sur le score des sécessionnistes en cas de nouvelles élections.

Pressions financières

Les indépendantistes sont, de plus, désormais, sous plusieurs pressions économiques. Certaines associations d'entreprises ont signalé des départs de sociétés de la région par crainte de la sécession. Des chiffres qui sont cependant à prendre avec précaution, pour le moment. Vendredi 20 novembre, un think tank anti-indépendantiste, le Cercle d'Economia, a demandé aux politiques catalans de ne pas appliquer la résolution du 9 novembre. Plus grave sans doute, l'agence de notation Fitch a dégradé la note de la Catalogne au statut d'obligation « pourrie » (« junk bond ») en raison du risque indépendantiste. En réalité, Fitch semble surtout effrayé par l'influence de la CUP. Mais cette décision peut gêner l'accès de la Catalogne aux marchés.

Quelle réponse de la Catalogne ?

Ces menaces et pressions visent à interrompre rapidement le processus indépendantistes. Mais si les indépendantistes parviennent à s'entendre et décident d'appliquer leur résolution, alors ils s'estimeront en droit de placer « leurs » lois, celles votées par le parlement régional, avant les décisions de Madrid (ce sont les points 6 et 8 de la résolution). Dans le cas où la Catalogne est asphyxiée financièrement, elle pourrait être tentée de « réquisitionner » et de « nationaliser » l'administration fiscale pour faire cesser tout transfert vers Madrid.

Selon les indépendantistes, la Catalogne est une des régions d'Europe qui accuse un « déficit fiscal » (différence entre les impôts versés et les sommes reversées par l'Etat central) le plus élevé. Une telle réponse serait un acte fort de séparatisme et placerait l'Etat espagnol dans une situation difficile. Mais ce serait aussi l'entrée dans un territoire inconnu, car il n'est pas sûr que les fonctionnaires acceptent ce changement et que la police catalane fasse respecter les décisions du parlement catalan plutôt que ceux de Madrid. Dans ce cas, par ailleurs, l'usage de l'article 155 apparaîtrait comme inévitable. Plus que jamais donc, le fossé se creuse lentement, mais toujours un peu plus entre Barcelone et Madrid.

Commentaires 26
à écrit le 05/12/2015 à 21:16
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Derniére chose pour les nationalistes qui crient que l'Espagne n'est pas un pays décentralisé. De fait elle l'est plus que la Suisse et l'Allemagne. Ce ne sont pas ces maudits madrilénes qui le disent mais l'OCDE. http://www.oecd.org/ctp/tax-polic...

à écrit le 25/11/2015 à 18:57
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Madrid et Ankara même combat:tuer les minorités.

à écrit le 25/11/2015 à 18:25
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Et par pitié, ce serait bien si les nationalistes catalans voulaient bien arrêter un peu avec leurs argumentaires victimistes. Artur Mas compare la situation des Catalans tantôt à l'Inde à l'époque de Gandhi, tantôt aux noirs d'Afrique du Sud sous l'...

à écrit le 25/11/2015 à 18:17
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Nous lisons régulièrement des informations sur l'argent public dépensé pour promouvoir l'idéologie nationaliste en Catalogne et à l'extérieur : subventions à des associations telles que l'ANC, promotion du "pan-catalanisme" (idée d'une "Grande Catalo...

le 27/11/2015 à 23:29
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Votre pseudonyme doublement cinématographique, fantastique même, fait bien honneur au rapport de vos observations avec la réalité... C'est peut-être le résultat de ne lire que la presse espagnole à propos de la Catalogne. Un petit peu de presse ca...

à écrit le 25/11/2015 à 17:58
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J'ai lu des comparaisons avec les USA. Aux USA, la question est très claire : il n'y a aucun droit à la sécession, référendum ou pas. Que se passerait-il si le gouvernement d'un état des USA décidait d'utiliser le budget public pour mettre en place u...

le 27/11/2015 à 23:45
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Je me demande quelles comparaisons vous avez pu lire... Les USA, l'Allemagne, la "Confédératon" Helvétique, etc. ce sont des états fédéraux, et ils correspondent tous à des peuples qui se considèrent une seule et même nation. Le Royaume d'Espag...

à écrit le 25/11/2015 à 17:58
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J'ai lu des comparaisons avec les USA. Aux USA, la question est très claire : il n'y a aucun droit à la sécession, référendum ou pas. Que se passerait-il si le gouvernement d'un état des USA décidait d'utiliser le budget public pour mettre en place u...

à écrit le 25/11/2015 à 17:58
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J'ai lu des comparaisons avec les USA. Aux USA, la question est très claire : il n'y a aucun droit à la sécession, référendum ou pas. Que se passerait-il si le gouvernement d'un état des USA décidait d'utiliser le budget public pour mettre en place u...

à écrit le 25/11/2015 à 10:25
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Vous ne voulez quand même pas que l'argent de l'ensemble des espagnols servent à financer l'indépentisme, la propagande nationaliste et les "ambassades" catalanes à l'étranger? Si?!?!

le 26/11/2015 à 8:30
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Les Catalans, 16% de la population, contribuent 19% des impôts et ne reçoivent que 9% de cet argent en retour. La différence, de 15 millards €, permettrait à la Catalogne de créer un réseau diplomatique presque à la hauteur des USA, dont le State ...

à écrit le 24/11/2015 à 11:45
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Par Ramon Cotarelo Garcia, paragraphe écrit par un professeur de sciences politiques à Madrid ...21 novembre 2015 20:05 pm Le 20 Novembre, dans le temps libre entre les masses Franco et hommages à sa mémoire, ses disciples d'aujourd'hui dans le go...

à écrit le 24/11/2015 à 9:42
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Deux précisions. 1) Le gouvernement Espagnol asphyxie la Catalogne depuis belle lurette. La mesure annoncée n'est que la dernière en date. Depuis 35 ans (rétablissement de l'autonomie) les gouvernements espagnols successifs ont tout fait pour e...

le 24/11/2015 à 18:48
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n'oubliez pas les resultats des dernières elections ...en nombre de citoyens ! vous avez une notion de la démocratie un peu partisane .

le 26/11/2015 à 12:36
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C'est une réponse pour gegemalaga: Le résultat des dernières elections au Parlement de la Catalogne a été favorable aux independentistes. Majorité clair de oui! 1.948.335 votes pour l'indépendance. 1.593.825 votes contre, i 363.235 votes undefined. ...

à écrit le 24/11/2015 à 8:55
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Madrid utilise l'arme financière pour faire céder les indépendantistes, c'est toujours ce même principe qui était en cours lorsque l'Espagne avez sa monnaie nationale et permettait ainsi l'Unité que, l'UE de Bruxelles cherche hypocritement a faire e...

à écrit le 24/11/2015 à 6:08
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Si Washington faisait à la Californie ou au Texas où même à la Louisiane,ce que Madrid veut faire à la Catalogne,ce serait le début d'une crise sans précédent aux USA.Washington n'a jamais re centraliser les pouvoirs de décision prévue à la Californi...

le 24/11/2015 à 8:23
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Les USA sont, comme leur nom l'indique, des états unis en une construction fédérale; l'Espagne étant un pays unique à l'organisation (très) décentralisée et qui respecte plutôt bien les spécificités régionales, notamment les langues. Rien de comparab...

à écrit le 23/11/2015 à 20:07
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Eh bien c'est clair, les entreprises votent contre l'indépendance catalane avec leurs pieds. Et elles ont bien raison, l'Espagne démocratique n'a rien d'un état jacobin à la française et n'empêche nullement l'autonomie linguistique et culturelle de l...

le 23/11/2015 à 21:43
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Vous ne dites pas la vérité, Mr. Quel respect il-y-a à Madrid pour la langue et la culture catalanes? Aucun. Le dernier ministre de culture (?!), Mr. Wert, a dit, au Congreso, que le gouvernement espagnol avait l´intention "d´espagnoliser les enfan...

le 24/11/2015 à 0:19
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Espagnoliser la catalogne, bien sûr; je ne nie pas que ces propos ont été tenu. Par contre ce que vous ne dîtes pas, c'est que les classes maternelles et de primaires apprennent en premier aux enfants à parler catalans.... on a vu pire pour tenter ...

le 24/11/2015 à 0:27
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Chère Laura, Votre réponse est digne d'être publiée dans les journaux régionaux catalans. Vous vous adressez à des lecteurs du "LaTribune". Premièrement, pourquoi n'expliquez-vous pas à Bruno vos réelles convictions ? Bruno devrait savoir que la Cat...

le 24/11/2015 à 8:14
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@Paula : l'Espagne, contrairement à la jacobine France, a ratifié la charte des langues régionales et l'usage du catalan ne pose aucun problème ; à vrai dire, un peu comme en Flandre où le français a quasiment disparu de l'espace public, le castillan...

le 24/11/2015 à 13:55
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L'indépendance de la Catalogne ne se résume pas à gérer les coutumes, la langue et le folklore. Encore qu'il y aurait bien à dire sur la langue que Madrid essaie d'étouffer, mais bon. Ça c'est la vision totalitaire de l'autonomie. Ça me rappelle les ...

à écrit le 23/11/2015 à 19:01
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Votre article résume l'état d'esprit du PP envers la Catalogne:l'asphyxie économique,culturelle ,politique..Rajoy n'a aucune volonté de négocier .Il veut détruire la Catalogne .Problème:il ne dispose la bas que d 11 députés sur 135. Meme si on rajout...

le 24/11/2015 à 18:56
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et bien ...r.d.vous ...le 20 Decembre alors ...

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