Drôle d'anniversaire pour une Union européenne qui fête ses 60 ans

Confrontée à un risque de dislocation, l'Union européenne doit plus que jamais réinventer sa méthode dans les deux années à venir.
A Rome, les chefs d'Etat et de gouvernement n'auront d'autre message que leur propre volonté d'unité. La courte déclaration en deux pages que leurs aides ont laborieusement négocié, arrondissant tous les angles jusqu'au dernier moment, se conclut comme celle de Berlin par : « L'Europe est notre avenir commun ».

Cérémonie au Capitole et dîner au Palais du Quirinal : pour le 60ème anniversaire de leur Union, les Européens ont soigné les symboles. Le retour dans la capitale italienne, où fut signé le traité fondateur, est une manière de montrer que quelque chose, sur ce continent, continue de se construire.  Mais comme il y a 10 ans à Berlin, cette célébration se lit aussi comme la tentative de surmonter, non pas un échec, sinon elle n'aurait pas lieu, mais un revers.

En 2007, il fallait oublier le rejet, par référendum, d'un traité constitutionnel patiemment élaboré pendant 18 mois par les 105 membres de la Convention. A présent, il faut tourner la page du Brexit, la sortie, elle aussi décidée suite à un vote populaire, du Royaume-Uni auquel il avait fallu 12 années d'hésitations et d'efforts diplomatiques pour rejoindre le « club » en 1973. Les manifestants venus participer à la célébration auront beau être nombreux à marcher sur le Capitole, il sera difficile d'oublier à quel point cette tentative de faire exister une communauté d'Etats pacifique et prospère, sans cesse en train d'inventer sa méthode, entretient un rapport compliqué à ses propres peuples.

Une courte déclaration laborieusement négociée

A Rome, les chefs d'Etat et de gouvernement n'auront d'autre message que leur propre volonté d'unité. La courte déclaration en deux pages que leurs aides ont laborieusement négocié, arrondissant tous les angles jusqu'au dernier moment, se conclut comme celle de Berlin par : « L'Europe est notre avenir commun ». A la question : comment peut-elle le rester ?, elle n'apporte pas de réponse. « La déclaration de Rome ne va pas changer le fonctionnement de l'Union européenne. Rome est utile pour rassembler après le traumatisme du Brexit », explique le député social-démocrate allemand Jo Leinen. La fête passée, il faudra revenir au labeur quotidien.

A commencer par la gestion d'un divorce dont la demande sera envoyée le 29 mars par la première ministre britannique Theresa May, absente à Rome. Un mois plus tard, les Vingt-Sept se reverront pour donner un mandat de négociation à leur négociateur en chef, Michel Barnier. Ce mandat sera crucial. Le référendum du 23 juin puis le Brexit crée un précédent. Les conditions faites au Royaume-Uni sont aussi importante pour ses relations futures avec le Continent, que pour l'unité du Continent lui-même. Des « Exit » en chaîne signifieraient la fin de l'Union européenne. Pour l'instant, il  n'y a pas d'autre candidat. Et il n'y en aura sans doute à court terme.

La menace de sortie formulée par le prédécesseur de Theresa May a d'ores et déjà rendu plus légitimes celles des dirigeants qui aimeraient jouir d'une plus grande liberté au sein de la communauté. Il avait été répondu à David Cameron en février 2016 par une offre de nouveau « deal » destiné à l'aider à convaincre ses concitoyens de voter pour « rester ». D'autres pourraient en demander le bénéfice, sous la menace d'un référendum chez eux ou même d'un veto à l'accord final avec le Royaume-Uni, lequel devra être ratifié par chacun des Vingt-Sept. La négociation va donc se dérouler sous une pression sans précédent des gouvernements, des parlements et des opinions nationales, voire régionales (puisque les traités commerciaux doivent désormais être ratifiés par les régions), leur donnant un formidable levier.

Comme l'a bien compris le président de la Commission européenne en mettant sur la table ses « cinq options » pour l'avenir de l'Union début mars, l'enjeu de la négociation qui va commencer va bien au-delà du Brexit. C'est une révision en grand des relations entre tous les autres membres de l'Union  qui se prépare.

L'Europe "à plusieurs vitesses" écartée

L'expression d' « Europe à plusieurs vitesses » a été écartée du texte de la déclaration de Rome, de même qu'elle ne figure pas dans le Livre blanc de la Commission : les pays d'Europe centrale, à commencer par la Pologne y verraient le signe d'une volonté de relégation en seconde zone. Le ministre-président wallon Paul Magnette, se qualifiant lui-même de « fédéraliste meurtri », n'avait-il pas appelé à « un Polxit, un Hongrexit, un Roumaxit, un Bulgxit » pendant sa bataille contre le CETA, au seul motif que les dirigeants de ces pays n'étaient pas alignés sur ses propres choix politiques ?

La Commission européenne elle-même ne veut pas en entendre parler. Il y a une bonne raison à cela. De tous les « cercles » différents que la construction européenne a tracés, la zone euro est sans conteste celui dont le trait s'est le plus épaissi au cours des dernières années. Or le fonds de 500 milliards basé à Luxembourg qui a finalement permis le sauvetage de la monnaie unique a bien été créé en conformité avec les traités mais à l'écart des institutions communes. Sans que cela ne soit jamais dit, une nouvelle union européenne existe déjà, placée uniquement sous le contrôle des gouvernements nationaux (dont les ministres des Finances siègent au conseil d'administration du fonds) et, à travers eux, des parlements nationaux.

Un autre système institutionnel

Berlin ne veut pas pour l'instant entendre parler pour l'instant de son retour dans le giron « communautaire », c'est-à-dire sous un contrôle quelconque de la Commission et du Parlement européen. Et rien ne dit que l'arrivée du social-démocrate Martin Schulz à la chancellerie y change quoique ce soit. C'est donc un autre système institutionnel, associé mais différent de l' « Europe de Bruxelles », qui est déjà en train de se construire. Un système dont la réforme et le renforcement, rendus nécessaires par la faiblesse des économies du Sud et de l'Italie en particulier, passera forcément par  un autre « deal », entre Paris et Berlin cette fois-ci, une fois les élections allemandes de septembre passées.

La déclaration de Berlin annonçait le Traité de Lisbonne. Celle de Rome n'a pour l'instant pas d'issue évidente.

Commentaires 25
à écrit le 27/03/2017 à 17:43
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Il s'agit moins de risque d'implosion de l'Europe que de défiance profonde des peuples européens, car l'Europe repose sur des malentendus dévastateurs. La France a rêvé d'une Europe française (aux normes sociales française); l'Allemagne, pays du fédé...

à écrit le 27/03/2017 à 10:12
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L'EU "est une arnaque" dixit De Gaulle donc, sortie de l'EU avec l'article 50, sortie de l'€, et sortie de l'OTAN. Que va-t-on faire avec nos trois cents soldats en Estonie ou dans ce coin si ce n'est que suivre l'OTAN donc les US pour "faire peur" à...

le 27/03/2017 à 16:09
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La réintégration de la France dans le commandement intégré de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord a été annoncée par le président de la République Nicolas Sarkozy au Congrès à Washington le 7 novembre 2007.

à écrit le 27/03/2017 à 10:10
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Mémoires d'Outre Tombe Quelques quotidiens nationaux persistent à refuser systématiquement de parler d'un disparu nommé Charles De Gaulle qui a sans doute été le Président le plus démocrate de tous les Présidents qui lui on succédé au grand dam de...

à écrit le 27/03/2017 à 8:20
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Merci à La Tribune de refuser de publier les articles qui remettent en cause le fédéralisme de l'UE supranationale ! Il y a beaucoup de partialité à ne pas vouloir parler de la vision des fondateurs qui n'est pas fédérale mais confédérale. Chapeau ba...

à écrit le 26/03/2017 à 21:31
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Il est plus que temps que cette caricature de démocratie disparaisse aux oubliettes de l'histoire. À l'heure de la mondialisation, vouloir inventer de toute pièce un nationalisme Européen pour assouvir la soif de pouvoir des puissants est en train de...

le 27/03/2017 à 8:16
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Dans l'Europe des Nations, le pouvoir réel est détenu par les dirigeants... nationaux. Tous les échecs sont donc de leur responsabilité. Par ailleurs, personne ne peut imaginer sérieusement que l'Europe va rester éternellement cette constellation ...

à écrit le 26/03/2017 à 18:40
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Dans les deux années à venir ?! Mais c'est le temps qu'il va leur falloir pour décider de la couleur des nappes sur lesquels ils vont manger lors du festin de leur première réunion ! Une europe du sud et une europe du nord seraient en effet une b...

le 28/03/2017 à 11:45
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Vous avez raison sur toute la ligne.

à écrit le 26/03/2017 à 18:00
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Cela fait 60 ans que vous nous prenez pour des "pigeons" !!!! alors Stop...

à écrit le 26/03/2017 à 10:03
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L'article est de Florence Autret... Cela me rappelle de bien fâcheux articles dans le Monde, au plus fort de la crise des dettes publiques.... Donc, aucune considération pour cette personne, un peu trop "double jeu"...

à écrit le 26/03/2017 à 8:16
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Il faut harmoniser la fiscalité des entreprises avec l'Allemagne, ce qui implique pour la France de réduire les prélèvements sociaux sur les entreprises en les reportant sur la consommation d'énergie des ménages.

à écrit le 25/03/2017 à 21:08
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Comme si les leçons de l'histoire avaient été oubliées, ou perverties. Le plus grave, c'est la montée des populismes débridés et des extrêmes, eux mêmes engendrés par un libéralisme débridé. La Grande Bretagne n'est elle pas une simple victime unil...

le 25/03/2017 à 21:52
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L'esprit critique est la seule liberté qui nous reste et le terrorisme la seule arme qui leur reste pour nous maintenir dans l'asservissement! L'UE, n'est pas l'Europe, mais simplement une zone administrative qui s'y cache; des fonctionnaires qui sui...

le 26/03/2017 à 3:59
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@ Bah : historiquement et même maintenant ce sont au contraire les Nations européennes qui ne sont rien sans l'Europe ! Pourquoi croyez vous que tous les dirigeants ont voulu constituer l'Europe, des mérovingiens à Charles Quint en passant par Charle...

le 28/03/2017 à 11:52
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Permettez-moi d'observer : vous nous dîtes : "c'est à l'Europe de rétablir le dialogue avec la Russie". Chiche, mais alors il faut sortir de l'Otan dont la politique agressive vis-à-vis de la Russie est la cause des tensions actuelles. Qui ne voit qu...

à écrit le 25/03/2017 à 12:22
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Fêtons joyeusement les 10 ans de l'UPR et ses 20 000 adhérents qui sont nos libérateurs de cette zone administrative qu'est l'UE de Bruxelles!

à écrit le 25/03/2017 à 10:01
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Espérons qu'il ne vont pas souffler la bougie, c'est la seule petite flamme d'espoir qui reste avant la mort de L'Europe !

à écrit le 25/03/2017 à 9:27
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L'Europe qui vit aujourd'hui n'est pas celle de la vision des fondateurs. Souvenons nous : une Europe des peuples de l'Atlantique à l'Oural ! Relisons les déclarations de son plus éminent fondateur Charles De Gaulle qui parlait non pas d'une UE fédé...

le 25/03/2017 à 12:41
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L'Europe des Nations, c'est ce que nous sommes en train de vivre. Chaque gouvernement s'efforce de piquer le maximum aux autres et s'en vante pour flatter ses électeurs. L'Europe ne deviendra démocratique et donc viable à long terme que si elle défin...

à écrit le 25/03/2017 à 8:23
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Faut il aller jusqu'au pire, pour que les peuples soient écoutés par des irresponsables qui font les sourds?

le 26/03/2017 à 10:00
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Ils ne sont pas irresponsables ni sourds, mais simplement ils ont été dépassés !!! A 28, sans nouveaux moyens institutionnels, refusés par les Français et les Néerlandais en 2005 ( souvenez-vous, le référendum), l'UE est très difficile à gérer, surto...

à écrit le 25/03/2017 à 7:08
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L'Europe été porteur de paix, de prospérité économique et de Democratie... Parlons de ses 3 sujet: la democratie, les parlementaires Europeen sont sans contrôle, il n'y a toujours pas de gouvernance de l'union, la commission est totalement déconne...

le 25/03/2017 à 15:20
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Je suis profondément européen car rationnellement il n'y a pas d'autre alternative viable, i.e. le nationalisme, la xénophobie, la confrontation, voire la guerre, je rejette tout cela !!! Maintenant, on a fait des erreurs qu'il faut "gérer" i.e. 1/ o...

à écrit le 24/03/2017 à 20:16
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60 ans, c'est l'âge de la retraite, non ?

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