Faut-il s'inquiéter de l'inflation faible en zone euro ?

La hausse des prix reste désespérément faible en zone euro. Doit-on y voir un vrai risque déflationniste ou une menace de croissance anémique ?
La hausse des prix annuelle est inférieure à 1 % depuis octobre 2013


C'est une information qui n'est guère rassurante. L'indice de la zone euro des prix à la consommation en zone euro pour le mois d'août a été révisé à la baisse mercredi 16 septembre de 0,2 % à 0,1 % sur un an. L'inflation faible persiste donc dans l'union monétaire. La hausse des prix n'a plus dépassé les 0,3 % annuel depuis novembre 2014 et est inférieure à 1% depuis octobre 2013. Une situation qui risque donc de persister encore pendant plusieurs mois. Faut-il s'en inquiéter ?

Faible inflation

Premier élément : l'indice de la hausse des prix globale est très fortement influencé par l'évolution des prix de l'énergie. La nouvelle baisse, que bien peu avaient anticipée, du prix du pétrole a conduit à un recul des prix de l'énergie de 7,2 % en août sur un an (contre 5,6 % en juillet). Du coup, l'indice a été tiré mécaniquement vers le bas. Globalement, cette baisse est plutôt positive, elle « libère » du pouvoir d'achat pour les consommateurs en réduisant la part des revenus consacrés à la consommation.

Une grande partie de la reprise européenne depuis 2013 s'explique, du reste, par cet effet. « La consommation des ménages est le premier contributeur de la reprise européenne et cela s'explique en grande partie par l'inflation faible qui permet une hausse des salaires réels malgré un chômage élevé », explique ainsi Maxime Sbaihi, économiste zone euro à l'agence Bloomberg. Et de conclure : « finalement, dans le contexte macroéconomique actuel, cette inflation faible est plutôt une bonne nouvelle. » Pas d'inquiétude à avoir donc sur une nouvelle descente attendue en territoire négatif dans les mois qui viennent de l'indice des prix.

Pas de spirale déflationniste

Deuxième remarque : l'inflation sous-jacente, qui exclut l'énergie, le tabac et l'alimentation, autrement dit les éléments les plus « exogènes » de la hausse des prix, se porte mieux, à 0,9 % sur un an. Un niveau cependant encore historiquement faible et qui s'est encore dégradé en août, passant de 1 % à 0,9 %. Depuis septembre 2013, l'inflation sous-jacente n'a jamais dépassé le niveau d'1 % par an et n'a, du reste, atteint ce niveau qu'au cours de quatre mois. « L'inflation sous-jacente n'est pas totalement coupée des effets de la baisse de l'énergie et je préfère observer l'indice des services pour mesurer l'inflation domestique. Or, en août, cet indice est stable », souligne Maxime Sbaihi. Le niveau de cet indice demeure, là encore, à un niveau modeste, à 1,2 %. Il est cependant au-dessus de son niveau de mars et avril (1 %).

Cette tenue des prix sous-jacent doit cependant rassurer quant au risque déflationniste. La zone euro ne semble pas être entrée dans une logique de spirale d'ajustement à la baisse des prix où les consommateurs attendraient une baisse des prix pour acheter. « Les enquêtes d'activité montrent que les industriels stabilisent leurs prix de vente et peuvent ainsi profiter de la baisse des prix des matières premières pour rétablir leurs marges », explique Maxime Sbaihi.

Faible demande

Reste une question : cette inflation faible, largement en deçà de l'objectif de la BCE (sous, mais proche des 2 %) qui est défini comme un niveau de « stabilité », n'est-elle pas, malgré tout, un frein à la croissance européenne ? Comment cette croissance qui reste anémique malgré une légère amélioration peut-elle s'accélérer avec des prix qui restent compris entre 0 % et 1 %, même en excluant les effets volatils ? « Ce niveau d'inflation est le symptôme d'une demande trop faible », souligne Maxime Sbaihi. Comment les entreprises, alors, n'hésiteraient pas à se lancer dans des investissements importants ?

Certes, d'un côté, les taux sont bas et, dans de nombreux cas, les taux réels sont encore négatifs, poussés par l'action de la BCE, mais de l'autre, la faible demande n'encourage guère les entreprises à agir. C'est là tout le dilemme de la banque centrale : encourager les entreprises à investir en l'absence de perspectives fortes de demande pour créer de la demande future. C'est là aussi les limites de son action.

Echec pour la BCE ?

Dans ce contexte, la politique de la BCE a-t-elle échoué ? Non, affirme Maxime Sbaihi, qui estime qu'il trop tôt pour agir et pour qui la BCE ne « peut pas faire grand-chose contre un choc pétrolier externe » à part, précisément s'assurer qu'il ne débouche pas sur une spirale déflationniste. De ce point de vue, pour le moment, le pari semble gagner. Mais la vigilance est de plus en plus de mise, d'où les déclarations de Mario Draghi en septembre sur sa détermination à mener le QE, la politique de rachats d'actifs publics, aussi longtemps qu'il le faudra.

Mais on voit bien les limites de la politique monétaire : sans travail sur la demande, ses effets resteront forcément plus lents. C'est pourquoi, dans son programme de Jackson Hole d'août 2014, Mario Draghi avait estimé que le QE devait s'accompagner d'une politique de relance au niveau européen. Faute de cette politique, qui semble peu probable aujourd'hui (à l'exception d'un plan Juncker qui est assez fantomatique pour le moment), le QE risque de n'avoir qu'un effet affaibli sur l'inflation. Et la BCE toutes les peines du monde à retrouver son objectif.

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Commentaires 30
à écrit le 24/09/2015 à 15:16
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On entend dire qu’il faudrait faire de l’inflation, sommes-nous dans un asile de fous ou bien de fliottes ? On ferait une politique d’offre à 70 milliards d’impôts et plus de fonctionnaires ?

à écrit le 20/09/2015 à 19:12
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On n'a plus qu'a attendre le retour au franc, son inflation et sa dévaluation pour faire repartir notre économie!

le 20/09/2015 à 20:13
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Certes. Mais vu la volonté des us, le Zimbabwe a été obligé de quitter son dollar perso pour le dollar us. Et, si vous avez déjà oublié l'attaque de la sterling par soros, c'est dommage pour vous.

à écrit le 20/09/2015 à 11:27
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@Spip 19/9 14:35 Je ne crois pas qu'un smicard, sauf exception, ait un prêt immobilier et les prêts à la consommation sont malheureusement revolving et le taux augmente avec l'inflation. Il faut bien voir qu'l'inflation est un impôt sur les pauvres...

le 20/09/2015 à 19:55
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"Aux Etats Unis, il sont extrêmement élevés même entre..." Dans ces cas-là, on sort des chiffres. Sinon, "car l'argent est mieux dépensé que par l'Etat..." que les cowboys individualistes détestent leur état les regarde. Notes, certes, il y a de quoi...

à écrit le 20/09/2015 à 8:46
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On a surtout l'inflation des taxes !

à écrit le 20/09/2015 à 8:42
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vaches très maigres en perspective pour 2016 !

le 21/09/2015 à 20:17
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On sera peut-être amenés à manger la vache -bien que maigre- en 2015.Alors, pas de vache du tout pour 2016...

à écrit le 19/09/2015 à 21:53
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Clair que cela est épouvantable. Que la populace puisse acheter moins cher, et les plus riches, gagner moins d'argent par la déflation, il FAUT s'inquiéter. Je propose que la dime soit réinstaurée sur l'air respiré et la tva multipliée par 4.

à écrit le 19/09/2015 à 17:07
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Si les salaires suivent, pas de probleme, sinon c'est un peu plus de misere et la misere, nous en avons assez.... Pourquoi donc les prix devraient-ils toujours augmenter? C'est absurde, aussi absurde que de croire que la consommation peut croitre a l...

à écrit le 19/09/2015 à 16:22
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Il s'agit d'une question très difficile. Le terme même d'inflation évolue d'ailleurs d'une période à l'autre. Si l'on se place du côté des entreprises et de la macro économie disons qu'il existe une inflation mécanique naturelle, elle existe sans con...

à écrit le 19/09/2015 à 16:01
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kle titre de l'article est un exemple d' un oxymore dans toute sa splendeur!!! La réponse se trouve dans la question n'est ce pas?

à écrit le 19/09/2015 à 11:53
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L'inflation est un poison qui endette notre économie depuis cinquante ans , elle crée les bulles économiques à répétition c'est vives les montagnes Russes à perpète , bien sur certains y trouvent leur compte , mais pas la société dans son plus grand...

le 19/09/2015 à 14:35
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Faux. Un smicard verra son salaire automatiquement augmenté. Ses échéances d'emprunt (prêt à la Conso essentiellement, habitation OK, il ne peut pas) baisseront mécaniquement aussi, si du moins il aura eu l'intelligence de prendre du taux fixe. Quant...

le 19/09/2015 à 15:27
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En cas d'inflation, les rentiers seront toujours rentiers car ils trouveront des placements avec des pourcentages en consequences plus élevés. Seul 100% d'impot sur l'heritage rétablirait l'égalité des chances. Vous imaginez celui qui instaurerait ce...

le 19/09/2015 à 15:37
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@Spip: Et si la productivité n'augmente pas au même rythme que le salaire du smicard, son employeur aura sa banca rotta, à moins d'enchainer une spirale inflationiste qui dévaluera tout.

le 20/09/2015 à 20:24
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"rétablirait l'égalité des chances. Vous imaginez celui qui instaurerait cela.... " Roosevelt avait instauré cela tout comme l'interdiction de possession de l'or. Et les banques us ont donc aidé le dirigeant fasciste de l'Allemagne à s'armer.

à écrit le 19/09/2015 à 11:42
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En quoi le QE de draghi est sensé relancer l'inflation? Cet argent finit-il dans les salaires? Malheureusement pas du tout. Il termine dans les actions et enrichit le fameux 1% de plus riche.

à écrit le 19/09/2015 à 10:47
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Et bien voilà Mr Godin, du mieux, objectif, factuel, des sources qualifiées citées...et synthétique, j apprécie. Ps. "Le pari semble gagné" plutôt...

le 20/09/2015 à 10:15
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Godin est un adepte de la théorie des jeux de son mentor Grec. Des vrais articles journalistiques puis de la propagande gauchiste. Un vrai Gourou et ça marche si on observe certains commentaires de ses articles de propagande.

le 20/09/2015 à 10:15
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Godin est un adepte de la théorie des jeux de son mentor Grec. Des vrais articles journalistiques puis de la propagande gauchiste. Un vrai Gourou et ça marche si on observe certains commentaires de ses articles de propagande.

à écrit le 19/09/2015 à 10:39
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Tout fout le camp même l'inflation mais comme j'entends dire souvent en ce moment tous ces réfugiés c'est bon pour la croissance. Alors M Godin ne désespérez pas l'Allemagne va remettre de l'ordre dans tout ça. Je me demande qu'elle sera la goutte d'...

le 19/09/2015 à 16:05
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comme dit ma moitié: Plus cà va moins cà va ou plutot son alter ego: Plus cà va plus cà va plus. Bravo Aicha

à écrit le 19/09/2015 à 10:38
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Le seul secteur inflationniste c'est la dette, on ne peut pas tout avoir!

à écrit le 19/09/2015 à 10:17
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En 1900 il y avait pas d'inflation mais que des rentiers: lire les œuvres de Balzac, Victor Hugo ,Fournier .... et ils se portaient très bien après la guerre de 14 on a décimé les rentiers et il y eu de l'inflation et un krach en 29 puis une deuxi...

à écrit le 19/09/2015 à 10:16
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L'économie de l'offre conduit irrémédiablement à une impasse. C'est normal puisque d'inspiration libérale et réservée à une minorité possédante. Heureusement, elle a des limites que nous avons atteintes, la panne de croissance.

à écrit le 19/09/2015 à 10:02
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En France, dans le privé, les salaires stagnent depuis des années (mais pas les dividendes versés aux actionnaires), les taxes et impots divers explosent et les jeunes ne trouvent pas de travail. A votre avis, pourquoi les ménages ne consomment pas ?...

à écrit le 19/09/2015 à 9:54
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Il est trop tard pour s'inquiéter : la déflation, çà ne commence pas en dessous de 0% d'inflation, mais en dessous de 2% d'inflation. La preuve ? : c'est pour çà que l'économie européenne stagne depuis dix ans.

à écrit le 19/09/2015 à 9:33
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on peut discuter du sexe des anges , mais disons qu'une inflation faible a le merite de ne pas mettre les gens dans la rue ( vu que le pb actuel c'est celui de la croissance; ' qui de l'oeuf ou de la poule'...) on peut avoir pas de croissance et une...

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