Grèce : l'ancien directeur des statistiques au centre d'une polémique

L'ancien chef de l'institut national de statistiques Andreas Georgiou, qui avait pour ambition de rendre plus fiables les comptes publics de son pays, fait l'objet d'accusations au pénal et au civil dans son pays.
Grégoire Normand
Les amis de Georgiu rencontrés au FMI ou à la FED ont mobilisé leurs forces dans l'espoir que les Etats-Unis mettent la pression sur la Grèce pour qu'elle arrête ses poursuites et reconnaisse la légitimité de ses statistiques.

La bataille des chiffres se poursuit au tribunal en Grèce. L'homme qui a tenté de redresser les statistiques helléniques risque la prison ferme. Accusé d'avoir falsifié des données fiscales dans son pays, le statisticien a reçu le soutien de collègues et d'autres économistes par le biais d'une campagne de crowdfounding en août dernier afin de l'aider à financer sa défense et celles de deux autres collaborateurs. Il y a deux mois, la Cour suprême grecque a ordonné l'ouverture d'un procès contre Andreas Georgiou comme l'indique Bloomberg.

Du FMI aux statistiques grecques

Pendant 21 ans, Andreas Georgiu a travaillé en tant qu'économiste au Fonds monétaire international (FMI) à Washington. Ce spécialiste des théories monétaires a été de 2004 à 2010 responsable adjoint du département de statistiques au FMI. En 2010, alors que l'Europe et la Grèce sont touchées par la crise, le statisticien postule à une offre d'emploi en ligne pour un poste nouvellement crée. Il s'agit de "nettoyer" les comptes publics du pays. Il obtient le job, rentre en Grèce et devient président pour un mandat de cinq ans de l'institut national de statistiques (Elstat), qui remplace l'ancien organisme ayant les mêmes attributions. Mais les choses vont rapidement se compliquer pour celui qui veut rendre les chiffes de son pays plus fiables.

Plaintes et intimidations

Quelques semaines après son retour à Athènes, Georgiu va rapidement réaliser que de nombreuses forces vont s'aligner contre lui. Seulement quelques mois après son arrivée, Andréas Georgiu avait réévalué le déficit public de 2009 à 15,8% du PIB alors que le gouvernement de Papandréou avait avancé un déficit à 13,4% du PIB comme le rapporte Slate. Par la suite, une ancienne employée d'Elstat, Zoe Goerganta avait porté plainte en 2011 contre son responsable. Une autre plainte avait également été engagée par l'Union des avocats d'Athènes qui estimait qu'un déficit revu à la hausse pourrait "nuire à la souveraineté nationale de la Grèce et violer la constitution". Enfin, le directeur de l'office national des statistiques avait fait installer un coffre-fort dans son bureau après avoir remarqué que des membres de son comité d'administration avaient piraté des emails comme le rappelle vox europ. Il pouvait alors mettre des informations confidentielles à l'abri.

Mais malgré ces menaces et attaques, l'homme ne se laissait pas intimider. "En Grèce, les statistiques sont un sport de combat [...] Je suis poursuivi pour ne pas avoir maquillé les livres de comptes", lâche-t-il.

Les statistiques au centre des controverses

La falsification des chiffres en Grèce est régulièrement évoquée dans les rapports parlementaires et institutionnels. Dans un document du Sénat publié en 2010, les auteurs notaient que la falsification des statistiques était "délibérée."  Ils avaient interrogé l'ancien directeur général de l'Insee Jean-Philippe Cotis qui avait déclaré à ce propos :

"C'est quand même malgré tout un paradoxe qu'on ait laissé les Grecs avec une gouvernance très atypique par rapport à la moyenne européenne, avec un Trésor qui peut quasiment contrôler l'appareil statistique et est lui-même sous contrôle politicien. Les choses se sont très mal emboîtées, mais il est un peu surprenant que cette anomalie-là ait pu perdurer aussi longtemps en dépit d'une crise précédent."

Le manque d'indépendance des services de statistiques est également souligné dans un rapport de la Commission européenne sur les statistiques et le déficit grecs publié en 2010 qui avait fait à l'époque beaucoup de bruit.

L'affaire en cours inquiète les institutions européennes

Interrogé par Euractiv, un porte-parole de la Commission européenne a indiqué que si l'exécutif ne faisait pas de commentaire sur les procédures judiciaires en cours dans les Etats membres, la Commission suit le dossier avec attention. Un fonctionnaire haut placé a ajouté que "ce n'est pas pas un dossier plaisant. La Commission et la BCE suivent cela de près et ont réagi très négativement." En effet, les données fournies par Elstat ont été acceptées par les institutions européennes ces dernières années. L'affaire pourrait donc prendre de l'ampleur au niveau européen.

Selon Bloomberg, l'économiste vit actuellement dans le Maryland aux Etats-Unis loin de toutes ces agitations et affirme qu'il ne "regrette rien, pas un iota de ce que j'ai fait." Il pourrait alors repasser de l'ombre à la lumière dans les semaines à suivre.

Grégoire Normand
Commentaires 3
à écrit le 04/10/2016 à 11:37
Signaler
ça en dit long sur la mentalité des politiciens grecs ... seul Chavez faisait mieux

à écrit le 04/10/2016 à 11:25
Signaler
On n'a pas le droit d'être assujettie a son gouvernement mais, un devoir de l'être par rapport aux lobbies de Bruxelles!

à écrit le 04/10/2016 à 9:19
Signaler
"déficit revu à la hausse pourrait "nuire à la souveraineté nationale de la Grèce " !!! Alors, on continue à tricher, se disant que de toute façon, le contribuable européen continuera à alimenter le tonneau des Danaides :-)

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.