Grèce : le monde sans pitié de l'Eurogroupe

L'Eurogroupe n'a versé qu'une partie de la tranche prévue à la Grèce. Un nouveau geste de défiance envers le gouvernement grec.
Jeroen Dijsselbloem, président de l'Eurogroupe, ne fait aucun cadeau aux Grecs.

L'Eurogroupe n'est pas tendre avec le gouvernement grec. La délégation hellénique se rendait pourtant à Bruxelles lundi 10 octobre avec l'espoir de voir se débloquer les 2,8 milliards d'euros de la tranche du programme prévue pour cet automne. Alexis Tsipras, le premier ministre grec, avait réussi, non sans peine, à faire accepter les 15 « mesures préliminaires » exigées par les créanciers. Du reste, les 18 autres ministres des Finances en ont convenu et ont applaudi. Mais ils n'ont libéré que 1,1 milliard d'euros sur les 2,8 milliards prévus.

Payer ses dettes avec de la dette

Pourquoi ? Les 1,1 milliard d'euros sont destinés au service de la dette, notamment les 450 millions d'euros que la Grèce doit rembourser d'ici à la fin de l'année au FMI. C'est le fonctionnement habituel de « l'aide » à la Grèce, nom donné à cette cavalerie financière qui consiste à rembourser la dette grecque par de la dette accordée à la Grèce. C'est aussi ce qui est nécessaire à empêcher tout défaut de la Grèce. Cette somme pouvait (et devait pour la tranquillité de l'Eurogroupe lui-même) être libérée immédiatement.

La question des arriérés

Ce n'est pas le cas des 1,7 milliards d'euros restant. Cette somme a une autre destination : elle doit venir payer les arriérés de l'Etat vis-à-vis de ses fournisseurs. C'est un élément important pour l'économie grecque, parce que ces impayés de l'Etat mettent souvent en difficulté les entreprises helléniques. Rappelons que, hors service de la dette, l'Etat grec a dégagé entre janvier et juin près de 3 milliards d'euros d'excédent « primaire », mais que cet argent ne peut être utilisé pour solder ces arriérés et doit être consacré entièrement au paiement de la dette. Dans la logique du « programme », ces arriérés sont donc payées par de la dette nouvelle afin que la dette ancienne puisse être remboursée. Il ne s'agit donc pas réellement d'un « cadeau » fait aux Grecs.

Chicane administrative

Reste que l'Eurogroupe avait décidé en mai que pour débloquer cette partie de la tranche de crédit, il fallait que l'Etat grec ait préalablement entièrement utilisé la tranche précédente au solde d'une partie de ses arriérés. Techniquement, rien ne justifie cette méthode, c'était en réalité un geste de défiance de plus envers le gouvernement grec. L'idée était de s'assurer que les Grecs utilisent correctement ces sommes et de ne continuer à les verser qu'à cette condition. Il y avait là une véritable volonté d'infantilisation des Grecs qui allait de pair avec l'autre grande mesure décidée en juin : la baisse automatique des dépenses en cas de déviation de l'objectif d'excédent primaire en 2018.

On pouvait cependant se montrer plus souple dans l'exécution de cette méthode. Mais l'Eurogroupe a décidé ce lundi 10 octobre de montrer à Athènes qu'il n'entendait pas faire preuve d'une telle souplesse. L'Eurogroupe n'a pas disposé des informations lui permettant de s'assurer de l'utilisation complète des 1,8 milliard d'euros de juin pour le paiement des arriérés. Pourtant, le gouvernement grec assure qu'en septembre, il a versé 105 % des sommes fixées par l'Eurogroupe. Mais il n'a pas su apporter les éléments concrets de ce fait. L'Eurogroupe a donc suspendu le versement de la deuxième partie de la tranche. Le gouvernement grec espère désormais que cette tranche pourra être libérée le 24 octobre lors de la prochaine réunion du conseil d'administration du MES qui est un Eurogroupe élargi.

L'Eurogroupe insiste sur l'absence de confiance

Cette chicanerie administrative prouve que le gouvernement grec ne devra compter sur aucune « compréhension » de la part de l'Eurogroupe. L'intérêt du gouvernement et de l'économie grecque elle-même ne détermine jamais les décisions des 17 ministres des Finances qui agissent bien, plus que jamais, comme un simple syndicat de créanciers soucieux de faire sentir leur puissance à un débiteur qu'ils jugent responsable de ses déboires. L'absence de souplesse n'est pas simplement un fait administratif, car l'Eurogroupe a lui-même fixé ces règles et il peut donc montrer en théorie de la compréhension. C'est bien un message envoyé au gouvernement grec : la « confiance » n'est pas encore revenue. L'Eurogroupe ne croit pas le gouvernement grec sur parole. Or, cette « confiance » est précisément l'excuse avancée depuis l'été 2015 pour exiger toujours plus de concessions à Alexis Tsipras qui, nolens volens, doit s'y soumettre. Les ministres des Finances tiennent donc plus que jamais en surveillance étroite le gouvernement d'Alexis Tsipras.

Coup dur pour Alexis Tsipras

En tout cas ce « retard technique » est un nouveau « coup dur » pour le premier ministre grec, alors que l'espoir d'un allègement de la dette grecque semble s'éloigner compte tenu de l'impossibilité pour le FMI de faire plier Berlin sur ce sujet. Alexis Tsipras comptait sur le bouclage rapide de cette deuxième revue du programme pour avancer sur le sujet de la dette et pour pouvoir, en fin de semaine, aller à un congrès de Syriza qui s'annonce difficile, avec un élément positif. Ce ne sera pas le cas. Le premier ministre devra donc justifier sa politique alors que l'Eurogroupe reste défiant et que Berlin refuse toute avancée d'envergure sur la dette. Le tout dans un contexte difficile où Syriza est désormais largement devancée par les Conservateurs de Nouvelle Démocratie. L'Eurogroupe ne pouvait ignorer une telle situation. En se montrant tatillon, il savait qu'il affaiblirait encore un Alexis Tsipras qui, en dépit de ses efforts, n'a pas su créer un vrai climat de confiance avec des créanciers qui, eux, n'ont jamais vraiment oublié leurs objectifs politiques.

Commentaires 23
à écrit le 12/10/2016 à 9:43
Signaler
Finalement, en lisant l'ensemble des commentaires, l'Europe, c'est sympa. Content d'en etre parti tout de meme. Bon courage a tous.

à écrit le 11/10/2016 à 19:57
Signaler
Ce sont les allemands qui payent, donc c'est eux qui commande !!!

le 12/10/2016 à 1:44
Signaler
Pétain n'aurait pas mieux dit !

à écrit le 11/10/2016 à 19:18
Signaler
C'est politique, effectivement : tant que la Grèce n'aura pas remis au pouvoir des gens "convenables" (centre droit, ou gauche, libéral) ils seront punis. Dijsselbloem a le profil requis pour serrer la visse. Son chef Schäuble est satifait de lui.

à écrit le 11/10/2016 à 16:40
Signaler
Conclusion: ne jamais se soumettre.

à écrit le 11/10/2016 à 16:29
Signaler
Tout à fait d'accord avec vous! On peut aussi proposer à l'Allemagne et à la France de payer une partie de la dette grec vu que celle-ci a permis de sauver les intérêts des banques françaises et allemandes non?

le 11/10/2016 à 20:39
Signaler
Les banques allemandes et française avaient prêtées aux grecs avant qu'ils soient mis a l'amende ... En tant que particulier , si je doits de l'argent aux banques , je doits rembourser ... Si les banques me prêtent de l'argent pour rembourser les de...

le 12/10/2016 à 22:43
Signaler
@Oui mais... Oui mais l'Etat n'est justement pas un particulier et il n'a pas que sa famille a sauver et à charge. Les questions doivent donc se poser autrement. L'Eurogroupe a bien du mal à voir les conséquences de ses coups désastreux.

à écrit le 11/10/2016 à 15:15
Signaler
les gens qui refusent de debourser 90milliards sans regarder pour financer les promesses electorales sont d'une cruaute sans nom!!! sinon, un cadastre a t il ete mis en place? les grecs payent ils leurs impots? et les tickets de metro, y a qqun qui ...

le 11/10/2016 à 16:53
Signaler
Conrairement à ce qu'ose prétendre un autre intervenant qui affirme habiter à Nauplie et dont on se demande pourquoi il continue à se terrer en Grèce et ce qu'il fiche dans le pays, tellement ses propos sont mensongers, injurieux, voire orduriers, le...

le 11/10/2016 à 20:32
Signaler
les barres de fer dépassant des toits et exonérant de tout impôt est un mensonge ! Faux, en Créte c'est monnaie courante comme dans les cyclades. Si il est vrai qu'en principe, ces barres ne vous dispensent pas de payer des impots, en pratique il...

le 12/10/2016 à 8:42
Signaler
@evagellos et consorts: les barres de fer existent bien et le principal problème sur le foncier actuellemet, c'est que les gens ne s'nergistrent pas à l'Enfia (register des taxes foncières). Cela ne devrait pas durer dans le temps, mais pour l'instan...

le 12/10/2016 à 9:25
Signaler
@evagellos & Cie: les barres de fer existent bien et le principal problème sur le foncier actuellement, c'est que les gens ne s'enregistrent pas à l'Enfia (registre des taxes foncières). Cela ne devrait pas durer dans le temps, mais pour l'instant, c...

le 12/10/2016 à 22:48
Signaler
Mais à quoi servent les impôts et à qui vont-ils en Grèce ?

à écrit le 11/10/2016 à 14:31
Signaler
Ce qui est bien, avec M.Godin, c'est cette absolue conviction que les créanciers sont les méchants: l'en-tête le dit bien:"L'Eurogroupe n'a versé qu'une partie de la tranche prévue à la Grèce". On aurait aussi bien pu écrire: "Malgré les manquements ...

le 12/10/2016 à 9:23
Signaler
Oui, les créanciers sont des voyous mafieux ! Les "aides" à la Grèce n'ont été imposées de force à ce pays (c'est la version officielle !) dans le seul et unique but de sauver les banques françaises pourries. Le but de l'opération étant de continuer ...

à écrit le 11/10/2016 à 14:15
Signaler
M Godin, que se passerait-il si la Grèce refusait d'emprunter pour rembourser "sa dette". Merkel enverrait-elle la wehrmacht et Hollande ses Rafale pour bombarder la Grèce? Je propose que la Grèce et l'Italie envoient les bateaux de migrants accoster...

à écrit le 11/10/2016 à 13:24
Signaler
L'analyse financière et aussi économique est parfaitement juste. Mais l'Eurogroupe s'il est sans pitié, c'est à cause de ses profondes divergences internes camouflées pour de trucides raisons. C'est l'Allemagne qui a placé Dijsselbloem comme successe...

à écrit le 11/10/2016 à 12:45
Signaler
"ces arriérés sont donc payées par de la dette nouvelle" ? Pas forcément, si des mesures sérieuses sont mises en place pour éviter l'évasion fiscale, la fraude, la corruption, etc. Sur les 15 promesses de Tsipras, j'ai lu que seulement deux avaient é...

le 11/10/2016 à 15:14
Signaler
Et pourtant, vous voulez faire confiance à des gens qui à la place de vouloir baisser les déficits proposent des baisses d'impôts démagogiques, alors que les ALLEMANDS, qui sont en excédent public, eux, ne les baisseront que modérement et seulement ...

le 11/10/2016 à 18:34
Signaler
@Monti Python: tu dois mal lire mes commentaires si tu penses que je fais confiance aux politiques et je vais me répéter: quand on est d'accord ni avec l'un, ni avec l'autre, on vote blanc :-)

à écrit le 11/10/2016 à 11:41
Signaler
Il serait temps que la grêce sur la base du referendum passé sorte de l'euro et décréte un hair-cut massif sur sa dette. Nos direigeants devraient alors expliquer leur politique et quelque chose me dit qu'ils auraient du mal à se justifier.

le 11/10/2016 à 20:44
Signaler
Pas d'effort, pas de hair cut (qui a déjà eu lieu en 2012, au passage), Tsipras ne fait pas assez d'efforts pour privatiser et réformer son pays, on lui a filé 80 milliards qu'on ne reverra jamais, les Grecs ne sont pas en position de force pour négo...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.