Grèce : pourquoi Alexis Tsipras veut se débarrasser du FMI

Le premier ministre grec juge que la présence du FMI dans le programme de soutien financier à la Grèce "n'est plus nécessaire." Une déclaration à lire à la lumière des négociations complexes avec les créanciers.
Alexis Tsipras ne souhaite pas conserver le FMI dans le programme de soutien financier.

Alexis Tsipras ne veut donc plus du FMI dans le programme de soutien financier à la Grèce. Dans une interview à la télévision publique ERT1, le premier ministre hellénique a indiqué qu'il estimait que le soutien de l'institution de Washington n'était « plus nécessaire. » Il est vrai que la recapitalisation des banques pour laquelle on avait prévu en juillet dernier 25 milliards d'euros n'aura nécessité que 5,7 milliards d'euros. Le « paquet » de 86 milliards d'euros sur trois ans pourrait donc se « limiter » à 70 milliards d'euros, soit 20 % de moins. Or, ces 20 % pourraient bien représenter la quote-part du FMI envisagée par les créanciers européens regroupés dans le Mécanisme européen de Stabilité (MES).

Pourquoi cette volonté de se passer du FMI ? Alexis Tsipras l'explique par la position impossible du FMI qui souhaite à la fois une politique très dure d'austérité en Grèce qui ne peut être accepté par le gouvernement hellénique et une réduction nominale de la dette du pays qui ne peut être acceptée par les créanciers. « Le FMI doit se décider s'il veut faire des compromis, s'il veut rester dans le programme et, s'il ne le veut pas, il doit le dire publiquement », a indiqué l'hôte de Maximou, le Matignon grec, en concluant que « l'attitude du FMI n'est pas constructive. »

Le FMI et l'austérité

Pourquoi Alexis Tsipras est-il désormais décidé à se passer du FMI ? L'institution de Washington a toujours eu une position dure vis-à-vis de la Grèce. Le 24 juin dernier, c'est le FMI qui, officiellement, a rejeté les propositions grecques du 22 juin, les premières où Athènes acceptaient des coupes dans les retraites. C'est donc le FMI qui a fait monter les enchères et qui a conduit, ensuite, Alexis Tsipras, le 27 juin, à convoquer un référendum pour le 5 juillet. Il s'en est suivi le gel des liquidités d'urgence de la BCE, l'instauration du contrôle des capitaux et la fermeture des banques. On comprend donc que le premier ministre grec garde un fort mauvais souvenir de ses relations avec le FMI et qu'il soit désireux, s'il le peut, de s'en passer.

Pourquoi le FMI a été si dur

Reste que la position du FMI est plus complexe qu'il n'y paraît. La dureté de l'institution de Washington s'explique principalement par le refus des créanciers européens de refuser toute coupe dans leurs créances envers la dette. C'est parce que la charge de la dette ne pouvait pas être réduite que le FMI a exigé des réformes très dures rapidement afin de « sécuriser » sa porte créance. Car le FMI conseille toujours de couper dans les dettes... des autres. En interdisant, dès les premiers jours de février toute discussion sur la restructuration de la dette, les créanciers européens étaient sûrs de disposer d'un FMI particulièrement exigeant. L'institution de Washington a donc joué le « mauvais rôle » dans cette affaire.

Le FMI « allié objectif » d'Athènes sur la dette ?

Mais, paradoxalement, le FMI apparaissait comme un « allié objectif » de la Grèce sur la question de la dette que les Européens ont promis de rouvrir au début de 2016. Le FMI a en effet exigé un geste significatif des créanciers de la zone euro pour accepter d'entrer dans le programme. En maintenant la nécessité de se faire accompagner par le FMI, la Grèce faisait pression pour qu'on cédât à ce dernier sur le plan de la dette. La position d'Alexis Tsipras signifie désormais que la Grèce n'exige plus de coupes nominales dans son stock de dettes et rejoint la position de ses créanciers : il n'y aura qu'une adaptation des taux et des maturités. C'est une victoire pour les créanciers qui ont toujours refusé de réduction du stock de dettes.

Le FMI, « garanti » d'une position dure sur les « réformes » ?

Le dernier mot doit officiellement revenir en janvier au FMI. Mais il reste à savoir si les créanciers, à commencer par les Allemands, accepteront de ne pas voir le FMI venir dans le programme. On a vu quel usage pouvait être fait du FMI en cas de crise avec la Grèce, surtout s'il n'obtient pas ce qu'il veut sur la dette : l'institution de Washington est un moyen de pousser les « réformes. » D'autant que ses remboursements sont souvent précoces. De janvier à juin, les remboursements au FMI ont mis en difficulté le gouvernement grec et l'ont empêché de développer une réelle politique économique. Les sommes dues au FMI ont été les cordes du « nœud coulant » qui a finalement eu raison de la détermination d'Alexis Tsipras. Là encore, on comprend que le premier ministre grec préfère ne pas s'encombrer du FMI. Mais ses créanciers pourraient bien vouloir conserver cette « sécurité » pour maintenir la pression sur Athènes durant et après le programme. C'est pourquoi Berlin a toujours été attaché à la présence du Fonds. Sa stratégie sera donc de lui faire accepter une « restructuration réduite » de la dette pour le faire entrer, même a minima dans le programme. Du reste, Wolfgang Schäuble a, dès ce mardi 8 décembre, affirmé que ce n'était pas à Alexis Tsipras d'évoquer le rôle du FMI. Le choix de Berlin semble donc fait.

13 mesures à voter en une semaine

Il est vrai que les négociations restent difficiles entre le gouvernement grec et les créanciers. La réunion de l'Eurogroupe de lundi 7 décembre a été l'occasion d'une nouvelle demande des créanciers d'aller plus loin et plus vite. La semaine dernière, 13 mesures ont été présentées par l'Euro Working Group, la commission technique de l'Eurogroupe, à Athènes, parmi lesquelles la réforme de la sécurité sociale et l'établissement du fameux « fonds de privatisation », inspiré de la Treuhandanstalt est-allemande, qui doit « valoriser » les actifs publics et gérer le produit des ventes. Les créanciers sont décidés à réduire les discussions sur ces mesures. Le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, a indiqué qu'il fallait un paquet législatif avant « la mi-décembre », bref avant une semaine. C'est dire si la marge de manœuvre d'Athènes est étroite. Si l'Eurogroupe n'est pas satisfait, il pourrait ne pas libérer le dernier milliard d'euros de la première tranche de « l'aide. »

La question épineuse de la réforme des retraites

Jeroen Dijsselbloem est allé encore plus loin : il a indiqué qu'il voulait finaliser les « grandes réformes budgétaires et structurelles », avant la fin de l'année. Il s'agit évidemment de la réforme des retraites qui promet d'être douloureuse. Alexis Tsipras cherche à éviter des coupes franches dans les retraites en favorisant les hausses de cotisations, mais les créanciers sont farouchement opposés à cette vision. Les négociations promettent d'être délicates. En tentant de se démarquer du FMI, Alexis Tsipras cherche donc à la fois à affaiblir un élément « dur » du « quartet » des créanciers (formé autrement de la BCE, de la Commission et du MES), mais aussi à amadouer les créanciers européens en insistant sur son acceptation d'une restructuration « allégée » de la dette publique. Reste à savoir si ce calcul sera payant.

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Commentaires 12
à écrit le 10/12/2015 à 20:40
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Tsipras ayant fini par reconnaître que ses rodomontades étaient des moulinets, il finira bien par en faire autant pour celle-ci.

à écrit le 10/12/2015 à 8:08
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Et bien qu' il se débarrasse du FM( ou le contraire)I!!!il sait que de toute façon l 'Europe payera et qu 'il ne remboursera jamais la dette à l UE

à écrit le 09/12/2015 à 19:23
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Tsipras veut se débarrasser du FMI. A moins que ce soit l'inverse ? Les pirouettes de l'acrobate n'amusent plus personne.

à écrit le 08/12/2015 à 18:18
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Lagarde faisait partie de la commission d arbitrage qui a accordé 400M d indemnités à Tapie! Pas de mal à la France? Seul son intérêt compte..

le 10/12/2015 à 10:31
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Faux. Lagarde ne faisait pas partie de la commission d'arbitrage.

à écrit le 08/12/2015 à 15:25
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Cartouche mouillée.

à écrit le 08/12/2015 à 15:20
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Il ferait mieux de virer ses ministres corrompus... a millions d'Euro. N'est ce pas Romarin? A quand un article sur le sujet de la corruption des ministres Grecs?

à écrit le 08/12/2015 à 15:02
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bah oui, le FMI est là pour maintenir que la Grèce reste bien docile et qu'elle courbe l'échine face à la finance. La Grèce n'est qu'une petite expérience localisée de ce qui pourrait advenir demain en France.

le 08/12/2015 à 17:32
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Sauf que la directrice générale s'appelle Christine Lagarde et que l'on peut douter qu'elle puisse faire quoi que ce soit qui nuise à la France. Notons à cet égard qu'elle n'est pas cité dans cet article qui préfère parler de "l'institution de Washi...

le 09/12/2015 à 9:27
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@bahOui: on emprunte pas quand on a pas les moyens de rembourser. cette attitude grecque est d'autant plus méprisable que c'est le contribuable européen qui s'appuie leur dette et ils le savent, mais comme de bons moyens-orientaux, ils se croient plu...

le 09/12/2015 à 13:08
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@PatrickB Peut être n’êtes vous pas français, n'avez vous pas laissé aux générations futures une dette que vous ne pouvez pas rembourser?

le 09/12/2015 à 16:30
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@xotf69: Vieille rengaine, les anciens ont payé ce qu'ils devaient en cotisant au moins 42 ans. D'autre part, je te signale que la dette augmente depuis que l'on donne des allocations diverses et variées à des gens qui n'ont jamais contribué à quoi q...

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