L'Europe, grande oubliée du débat à cinq de la présidentielle

Réduit à une passe d'armes sur la sortie de l'euro, le débat européen a été absent des discussions entre candidats. Non sans raison.
Un débat présidentiel avec un minimum d'Europe...

C'est une absence qui aurait dû frapper, voire indigner. Or, à part une remarque timide et pour la forme d'Emmanuel Macron, aucun des cinq « principaux » candidats du « grand débat » de ce 21 mars ne s'est réellement inquiété de l'absence des enjeux européens dans la discussion. Cette absence révèle évidemment une réalité : aucun de ces candidats n'a réellement envie de porter un projet européen. On préfère donc se concentrer sur les bons vieux sujets avec lesquels on sait faire mouche auprès des éditorialistes politiques et de sa clientèle électorale : les impôts, l'immigration, le marché du travail, la retraite, la défense, etc.

Silence impardonnable sur l'Europe

Mais ce silence est impardonnable. D'abord parce que rien n'empêchait ces candidats « principaux » d'imposer le sujet comme un des thèmes de ce débat. Ensuite, parce que, dans un pays qui est membre d'une union monétaire, économique ou commerciale, il est assez vain de parler à l'envie de compétitivité et de fiscalité sans prendre en compte le cadre européen. Autrement dit, la plupart des propositions défendues par les candidats ce lundi soir étaient suspendues à des choix européens implicites qui n'ont pas été abordés. Comment espérer que les seules « réformes » amélioreront la compétitivité de la France sans dégâts considérables sur l'économie dans une zone euro où chacun joue de ces « réformes » pour améliorer sa compétitivité ? Comment espérer dépenser des centaines de milliards d'euros ou faire autant de cadeaux fiscaux dans le cadre européen durci depuis 2011-2013 ? Ces questions ont été soigneusement évitées. C'est en cela que le silence est le plus lourd de conséquence : il y a là une forme de tromperie envers l'électeur.

Le débat sur la sortie de l'euro

En réalité, l'Europe a bien fait irruption dans le débat lorsque François Fillon a mis en avant les dangers d'une sortie de l'euro proposée par Marine Le Pen. Il est assez piquant de souligner que ce n'est pas cette dernière qui a amené le sujet et que, jusqu'ici, elle déroulait tranquillement ses propositions sans évoquer cet aspect majeur de son programme, ni ses éventuelles conséquences. Preuve que Marine Le Pen elle-même - qui se cache pour le moment derrière un éventuel référendum - est assez peu à l'aise avec le sujet. La discussion l'a prouvée puisqu'elle n'a pas répondu sur le fond aux accusations de François Fillon qui menaçait la France « d'hyperinflation ». Elle s'est lancée dans une comparaison avec le « projet peur » du Brexit en évitant de tenter de démonter l'argument du candidat républicain qu'Emmanuel Macron ne manquait pas d'appuyer. Dès lors, la discussion s'ensablait dans un débat superficiel sur l'état du Royaume-Uni, permettant rapidement de clore l'affaire.

Le seul moment « européen » du débat aura donc été une passe d'armes bien décevante sur la sortie de la monnaie unique. Une telle position réduit le choix européen des électeurs à un tout ou rien qui, il faut bien l'avouer, est assez stérile et, surtout, qui est peu à même de faire bouger les positions. Ceux qui sont persuadés des bienfaits de la sortie de l'euro pourront railler le discours alarmistes de François Fillon, ceux qui sont persuadés du contraire verront dans Marine Le Pen une forme de Boris Johnson inconscient. Les autres, qui perçoivent les limites de la construction actuelle de la monnaie unique sans croire à la magie d'un retour à la souveraineté monétaire, c'est-à-dire sans doute une grande majorité des électeurs, en auront été pour leurs frais.

Absence fâcheuse de débat

Rien ne leur aura été dit sur les moyens de réformer vraiment la zone euro et sur les stratégies du futur président français pour peser face à une Allemagne qui joue son avantage, c'est-à-dire le maintien du statu quo. Or, seul le débat permet d'avancer sur le sujet pour déjouer le piège qui consiste à se contenter d'un « scénario idéal », par exemple que le gouvernement allemand acceptera sans sourciller un parlement de la zone euro qui le mettra en minorité ou que les réformes françaises suffiront à le convaincre de construire une solidarité interne à cette zone, etc. Il faut espérer que les prochains débats, permettent d'y voir plus clair. Rien n'est cependant moins sûr, d'autant qu'il n'est pas certain que les « grands » candidats aient intérêt à entrer dans un tel débat.

L'avantage du tout ou rien

Car en fait réduire le débat sur l'Europe au « Frexit » arrange tout le monde. Marine Le Pen peut se présenter comme seule contre tous, candidate de « l'anti-système », ce qui lui convient à merveille. Ses adversaires, en se concentrant sur les conséquences supposées de la sortie de la zone euro, lui font la grâce de ne pas lui poser des questions embarrassante sur la méthode, sur son idée parfois émise de « monnaie commune », sur ce pour quoi elle veut réellement sortir de la zone euro. Mais il est vrai que c'est une situation qui arrange fort les deux principaux adversaires de Marine Le Pen dans l'optique du second tour, Emmanuel Macron et François Fillon, pour, au moins deux raisons : réduire ce second tour à un « référendum sur l'euro » pour pouvoir agréger une majorité autour de cette défense de la monnaie unique. C'est très clairement la stratégie menée par Emmanuel Macron qui entend jouer sur son nouveau statut de dernier rempart contre le FN. Et c'est ce qui explique qu'il a si explicitement approuvé l'offensive de François Fillon contre la dirigeante frontiste.

Justifier le statu quo

Mais il existe aussi un autre avantage. François Fillon et Emmanuel Macron développent tous deux une vision où la France doit mener un ajustement unilatéral de sa compétitivité afin de décider l'Allemagne à réformer la zone euro. De ce fait, ils acceptent - avec des délais distincts - le maintien du fonctionnement actuel de l'union monétaire pendant un certain temps. La stratégie du « tout ou rien » permet donc de faire accepter le statu quo comme un « moindre mal ». C'est, du reste, ce qu'a remarqué François Fillon dans son commentaire approuvé par Emmanuel Macron. Ce dernier a, du reste, confirmé brièvement qu'il défendait le statu quo et la "conformité aux engagements". Cette stratégie centrée sur la sortie de l'euro permet donc d'évincer la question de l'efficacité de cette stratégie unilatérale que devront mener de conserve la France et l'Italie, avec une Allemagne qui continue de sous-investir et de faire croître son excédent courant. Elle a l'avantage de ne pas présenter d'alternative crédible autre qu'une explosion chaotique de l'euro à cette politique.

Attendre le résultat des élections allemandes

Les trois candidats en tête des enquêtes d'opinion ont donc tout intérêt à éviter un vrai débat sur l'avenir de la zone euro. Comme les deux candidats de gauche ne sont guère venus troubler cet équilibre, le débat européen risque donc bien de rester à l'état de bonnes intentions. C'est évidemment fâcheux car la construction actuelle de la monnaie unique, encore déséquilibrée par les réformes de 2011-2013 qui renforce la nécessité de l'ajustement unilatéral, est des plus fragiles. Faute de disposer de candidats ayant une vraie vision, l'électeur français attaché à l'euro risque donc d'élire un président dont la principale politique européenne sera d'attendre le résultat des négociations de coalition issues des élections allemandes du 24 septembre. Et d'en accepter l'issue. Et toute la politique de l'Elysée pourrait se limiter à cette stratégie.

Commentaires 37
à écrit le 22/03/2017 à 12:21
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Ce n'est pas en s'enfermant dans cette zone administrative qu'est l'UE de Bruxelles que l'on s'ouvre au monde! Bien au contraire!

à écrit le 22/03/2017 à 9:21
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Il y a quelque chose de suprêmement vicieux et malhonnête dans le discours des partis politiques traditionnels de droite, du centre et de gauche. C'est ce discours répétitif qui nous promet l'effondrement du pays en cas de sortie de l'UE et de sa mo...

le 22/03/2017 à 10:33
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Ben l'Europe d'aujourd'hui, c'est exactement celle de De Gaulle ; "Une confédération d'état qui délèguent une partie de leur souveraineté". Sur tous vos arguements, (dont je ne partage aucun), je remarque juste le fait que "d'autres pays" réussissen...

à écrit le 22/03/2017 à 5:07
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On ne peut pas faire de débats sur l'Europe avec Marine le Pen ou Asselineau, ils mentent plus que des arracheurs de dents (tous les français seront des sans dents avec eux) et s'en servent comme option pour tenter de prendre le pouvoir en accusant à...

le 22/03/2017 à 8:55
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En 2008 la France avait déjà commencé à souffrir de l’Euro et de sa politique de la demande avec les 35 heures notamment, avec un déficit du commerce extérieur français qui atteint 55,7 milliards d'euros cette année-là (son déficit commercial était d...

le 22/03/2017 à 10:35
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La France de 97 n'était pas dans l'euro, mais avait de même déjà les contraintes de l'Euro. De nombreux pays européens réussissent très bien sans l'euro, alors au lieu de mettre tout le dos sur l'Euro, il faut peut être se remettre en question.

le 22/03/2017 à 11:51
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@Julien Je rêve !!! C'est quoi cet inversement total. C'est justement 80% de la législation française qui ne sont que l'application des directives européennes... @brice Excellent, la réponse est dans votre phrase. de nombreux pays (dans et hors U...

à écrit le 22/03/2017 à 1:47
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M; Godin, dont j'apprécie souvent les analyses, a quand même réussi le tour de force de ne pas parler de Mélenchon dans tout son article : pourtant non seulement celui-ci a dominé le débat d'hier mais en plus il est le seul à justement proposer une s...

à écrit le 21/03/2017 à 23:01
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Si l'Europe avait été abordé, cela aurait décrédibiliser encore plus Hamon, Macron, et Fillon. Ces trois candidats soutiennent à bras ouvert les traités européens qui asphyxient les peuples.

le 22/03/2017 à 10:36
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Alors partez en UK pour respirer !

à écrit le 21/03/2017 à 22:48
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Un autre article de Romaric Godin sur des propos scandaleux de Jeroen Dijsselbloem, président de l'Eurogroupe, concernant les « cochons du Club Med » expliquent après coup, en quelque sorte, la retenue de Fillon et de Macron sur d'hypothétiques ava...

à écrit le 21/03/2017 à 21:16
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Macron avait fait du mobbing envers la seule femme du débat et personne mais personne a levé son petit doigt même pas les deux journalistes présents C'est une honte et absolument scandaleux

à écrit le 21/03/2017 à 19:41
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Ne pas en parler, c'est déjà éloquent...

à écrit le 21/03/2017 à 19:31
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F. Asselineau représente le changement que chacun attend, il a cette courtoisie naturelle, cette compétence totale dans la connaissance des traités, cette compréhension de l’Europe et de ses enjeux, surtout les pires, mais, laisseront-ils un homme br...

à écrit le 21/03/2017 à 19:23
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Macron est le seul candidat en faveur de l'UE qui accepte la politique de Bruxelles. Est-ce un avantage , pas si sûr. Fillon veut plus des relations plus équilibrées avec l'Allemagne. Marine va organiser un référendum sur la sortie ou non de l'euro,...

le 22/03/2017 à 10:37
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Enfin l'opinon publique a voté Maastricht et ses fameux critères...

à écrit le 21/03/2017 à 18:08
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ce qui ma surpris a l'arrivee du couple fillon ,et que Mme fillon na pas salué les personnes qui se trouvaient a l'entree du studio,mais ensuite j'ai compris une chatelaine ne s'abaisse pas a dire bonjour a la france du bas ,c'est évident!!!!

le 22/03/2017 à 17:01
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c'est normal ,c'est chez gens là,l'éducation primaire est souvent absente,mais pour mon compte il faut etre économe de son mépris,étant donné le nombre important de nécessiteux!

à écrit le 21/03/2017 à 18:04
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"J'ai regardé un tout petit peu le début, ça n'a aucun intérêt. D'ailleurs, ce n'est pas un débat, c'est une succession de monologues avec un journaliste qui demande : 'Qu'est-ce que vous pensez de la choucroute garnie ?' Et ils répondent : 'Voilà, c...

à écrit le 21/03/2017 à 17:52
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Tout le monde est pour l'Europe mais pas celles de nos technocrates QUI n'ont rien de démocrates et qui font tout à l'envers.EXEMPLE hier des travailleurs detaches !!!!!!!!il fallait en premier harmoniser le systeme social .!!!!!!un autre ex la m...

à écrit le 21/03/2017 à 17:47
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Finalement le pot de fin d'émission c'était bien bon avec des macron de Hermé et du vin pétillant de Dom Pérignon?

à écrit le 21/03/2017 à 17:42
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Pourtant l'Europe était présente avec la loi travail , elle vient bien de la, non ?

le 22/03/2017 à 10:39
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La loi travail vient du gouvernement français qui a bien compris que ce dogme réglementaire était désuet. Tout ce qui vous déplait ne vient pas de l'Europe, il y a de nombreux français qui sont pour les réformes.

le 22/03/2017 à 12:32
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Les lignes directrices sont imposés par l'UE de Bruxelles, zone administrative gérait par des fonctionnaires, les États n'ont plus qu'a obtempérer! Mais ne se vanterons de cette obéissance! Pourquoi pensez vous que "nos élues" sont des girouettes un...

le 23/03/2017 à 15:46
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@brice Tout faux : La «Loi travail» nous vient des GOPE. Les GOPE, ce sont les «Grandes Orientations de Politique Économique». Plus précisément, ce sont des documents préparés par la direction générale des affaires économiques de la Commission...

à écrit le 21/03/2017 à 17:33
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Ce qui m'a frappé hier soir c'est que Macron et Hamon portent les même marques de chaussures i.e. Louis Vuitton pour ne pas la nommer et Macron porte une cravate de chez Hermès et une montre française de marque Richard Mille (au moins c'est fabriqué ...

à écrit le 21/03/2017 à 17:29
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Le format de l'émission ne se prêtait pas à de long discours des uns et des autres sur l'Europe sachant qu'il s'agit d'une collégialité et que les désirs des uns et des autres se briseront forcément sur le front des 26 autres pays et de Mme Merkel......

à écrit le 21/03/2017 à 16:32
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Excellente analyse, il est évident que cette question cruciale n'ai pas été évoquée est lamentable voir scandaleuse sans parler également de la politique de trump qui devrait mettre le débat au coeur des préoccupations des politiciens, on voit bien q...

le 21/03/2017 à 18:00
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Le bilan de l'uE ne peut être que dramatique ? Et bien non, l'UE est le plus vaste ensemble économique et politique de coopération, qui nous assure depuis l'après guerre prospérité et paix. Les maux de la France ne sont pas liés à l'UE, mais à ces...

le 21/03/2017 à 18:34
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Contre votre blabla je vous propose du concret que vous ne lirez pas car il n'y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir, merci et arrêtez de me répondre sans jamais argumenter, les messes religieuses ou économiques je ne suis pas vraiment c...

le 22/03/2017 à 10:41
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C'est dingue que l'Europe soit un tel enfer que des gens du monde entier viennent y vivre. Je lis souvent le monde diplo, et si vous trouvez vos sources d'inspiration dans cette revue, je comprends mieux votre besoin de Prozac

le 22/03/2017 à 11:42
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@brice De quoi parlez vous ? De l’immigration problématique provenant d’Afrique et du moyen orient ? Super. Sinon, si c’était aussi rose que vous le prétendez, pourquoi la plupart des pays du sud de l’Europe ont un solde migratoire négatif ? (Portu...

le 22/03/2017 à 18:00
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"C'est dingue que l'Europe soit un tel enfer que des gens du monde entier viennent y vivre. Je lis souvent le monde diplo, et si vous trouvez vos sources d'inspiration dans cette revue, je comprends mieux votre besoin de Prozac " Dés que vous êt...

à écrit le 21/03/2017 à 16:28
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C'est vrai qu hier j'ai été un peu ébahi de voir l'ordre des questions, ca a enchainé sécurité, immigration et laïcité (ie islam bashing) dès le début et pendant un temps infini. Ceci dit avec le deuxième tour qui arrive on va avoir l'Europe au co...

à écrit le 21/03/2017 à 16:15
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L'UE de Bruxelles qui n'est qu'une simple zone administrative aurait pu être le centre d’intérêt, si un "petit" candidat avait pu s’intercaler parmi les "grands", Mr Asselineau aurait pu leur faire comprendre ce que doit être un Président! Alors qu'i...

le 21/03/2017 à 18:01
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VOus avez raison, votez Asselineau, il va sauver la France. Et le 7 mai, allez à Bruxelles vous battre contre Dark Wador.

à écrit le 21/03/2017 à 16:15
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Encore une fois je ne devais pas regarder le meme débats que le journaliste; Mélanchon a bien expliquer la vision de l'Europe un raprochement avec la russie et une refonte des institutions européennes pour sortir enfin du giron des banques

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