La BCE est-elle indépendante du marché ?

Selon le Financial Times, les membres du directoire de la BCE rencontreraient régulièrement juste avant les réunions de politique monétaires d'importants acteurs du marché.
Quels sont les liens entre la BCE et les acteurs du marché ?

Quels sont les rapports exacts entre les membres du directoire de la BCE et les grands acteurs des marchés ? La question avait été soulevée le 18 mai dernier lorsque, au cours d'une réunion avec des fonds londoniens, Benoît Cœuré, membre du directoire de la BCE, avait révélé « par erreur » des informations importantes sur les rachats de titres qui ne devaient être connues que le lendemain du public. Elle ressurgit à nouveau aujourd'hui alors que le Financial Times de ce 3 novembre rend public le détail des carnets de rendez-vous des rencontres des membres du directoire.

Des rencontres troublantes

Selon le FT, les membres du directoire ont ainsi l'habitude de rencontrer d'importants acteurs du marché dans les jours ou les heures précédant les réunions de politique monétaire. Le FT indique ainsi que, la veille de la réunion des 3 et 4 septembre 2014, Benoît Cœuré et Yves Mersch, membre luxembourgeois du directoire ont rencontré des représentants d'UBS. Le matin même du 4 septembre, autrement dit, en pleine réunion, Benoît Cœuré aurait eu une rencontre avec des représentants de BNP Paribas. L'après-midi, la BCE a annoncé une nouvelle baisse des taux et le lancement de nouveaux rachats de prêts titrisés (ABS). Le FT donne d'autres détails de réunions troublantes, notamment une rencontre de Benoît Cœuré avec le fonds Blackwell la veille de l'annonce, en mars, des détails du programme de rachats d'actifs publics (« quantitative easing »).

Des contacts étroits, et normaux, avec le marché

Le FT n'a aucune preuve qu'au cours de ces réunions, des informations sensibles ont été révélés aux interlocuteurs des membres du directoire. La BCE affirme, de son côté, qu'en aucun cas, de telles informations ont été transmises. Il est vrai que la BCE se doit de maintenir un contact étroit avec les banques et les autres acteurs du marché dans la mesure où ce sont eux qui, concrètement, sont chargés de la transmission de la politique monétaire. Pour agir au mieux, le point de vue des banques ne peut être ignoré. Il doit même être connu, afin d'ajuster plus précisément la politique monétaire, surtout lorsque celle-ci est plus complexe qu'un simple mouvement de taux, comme c'est le cas actuellement. En soi, donc, ces rencontres ne sont pas scandaleuses.

La suspicion inévitable

Le problème réside surtout dans leur proximité avec les réunions de politique monétaire. La BCE, si prompte à souligner et défendre son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique, ne semble pas si regardante concernant son indépendance vis-à-vis du marché. En rencontrant des grands banquiers pendant la tenue des réunions, les membres du directoire de la BCE ne peuvent s'empêcher de faire naître la suspicion. Une suspicion que « l'incident » du 18 mai ne peut que renforcer. Qui peut affirmer que, comme le 18 mai, une « erreur » n'a pas eu lieu lors de ces rencontres et qu'une information sensible n'a pas été révélée ? Malheureusement, en termes de politique monétaire, les déclarations de bonne foi et d'honnêteté peuvent ne pas suffire.

La BCE lave son linge sale en famille

Le FT rappelle fort opportunément que la Banque d'Angleterre (BoE) interdit ce type de rencontres avec les acteurs du marché trois jours avant les réunions de politique monétaire. La BCE, de son côté, impose une « période de silence » pour les membres du directoire d'une semaine, mais uniquement vis-à-vis de la presse et de l'opinion. Apparemment, pas vis-à-vis des banquiers. Ceci rajoute à la suspicion. Certes, la BCE a, décidé de « lancer sa propre analyse des rapports entre les membres du directoire et les acteurs du marché. » Mais, comme toujours, la BCE réagit après coup, sous la pression du public pour modifier en interne ses règles. La BCE reste son propre législateur dans ce domaine et la transparence de ses règles et de ses pratiques en est naturellement réduite. On ignore ainsi quelles ont été les conséquences de la « gaffe » du 18 mai. Comme on ignore, par exemple, quel a été le degré d'indépendance de l'institution dans la crise grecque et quelles ont été ses réelles intentions. Il serait sans doute temps que la BCE rende des comptes et puisse être contrôlée sur ses pratiques. Mais puisque un tel contrôle serait sans doute contraire aux traités, il convient d'urgence que la BCE modifie ses règles de communication et fasse preuve de davantage de transparence, précisément pour renforcer son indépendance.

Commentaires 4
à écrit le 03/11/2015 à 11:45
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Banque centrale indépendante est un oxymore. Il doit bien avoir des raisons pour choisir telle ou telle action. Et pour sortir des règles établies comme cela se fait couramment.

à écrit le 03/11/2015 à 10:44
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La BCE est-elle indépendante, l’Europe n’est-elle pas jobarde, si on regarde les agrégats monétaires publiés, la France a une masse monétaire inutile à 50% du pib contre 17 aux usa. La génération du baby-boom est-elle incompétente ? Depuis 2000, l’ex...

à écrit le 03/11/2015 à 10:30
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C'est certain, que la BCE ne peut pas être indépendante du marché...simple vérification...lorsque que la FED ...va augmenter ses taux dans 30 ou 60 jours ...la BCE devra immédiatement.... " s'adapter " aux réalités marché....

le 03/11/2015 à 10:44
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"lorsque que la FED ...va augmenter ses taux dans 30 ou 60 jours" Ha ha ha ...Déjà qu'elle nous rase gratis le porte-monnaie tous les jours...

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