La France appelle l'UE à être aussi intransigeante sur le TTIP qu'avec Apple

La France appelle à un toilettage des négociations commerciales de l’UE, tout en préservant l’accord avec le Canada, le CETA. Un numéro d’équilibriste peu convaincant pour les citoyens européens.
Le secrétaire d'État Matthias Fekl risque de passer un mauvais quart d'heure à Bratislava cette semaine où les ministres du Commerce se retrouvent le 23 pour une réunion informelle.

Après avoir demandé l'interruption des négociations du TTIP, début septembre, provoquant l'ire de la Commission européenne et de ses homologues, le secrétaire d'État au commerce, Matthias Fekl, demande à l'UE de plus s'affirmer dans ses relations commerciales.

« Je regrette que l'UE ne fasse pas sur le TTIP ce qu'elle a fait en Irlande avec Apple : qu'elle s'affirme plus fortement dans la mondialisation. La décision « Apple », même si ce n'est pas fini, c'est cela la nouvelle Europe que tout le monde attend », insiste-t-il. Fin septembre, la France demandera l'arrêt des négociations sur le traité de libre-échange transatlantique afin de repartir « sur de bonnes bases », a annoncé Matthias Fekl.

Le secrétaire d'État risque de passer un mauvais quart d'heure à Bratislava cette semaine où les ministres du Commerce se retrouvent le 23 pour une réunion informelle. De nombreux pays européens, dont ceux du Nord, traditionnellement libéraux, ou encore les pays de l'Est qui souhaitent se rapprocher des États-Unis pour des motifs géopolitiques, veulent au contraire que les négociations se poursuivent. La position française représente une entrave de taille. Mais pour la France, il s'agit simplement d'officialiser un échec.

« Les négociations sur le TTIP n'ont pas avancé depuis 2013. Nous constatons un échec. Notamment sur le dossier de l'accès aux marchés publics : les Américains ne veulent pas ouvrir le dossier », assure-t-il. L'accès aux marchés publics est plus crucial pour le tissu industriel français, qui a de nombreux champions dans le secteur des infrastructures, des travaux publics, de la distribution d'eau ou d'énergie. Pour les Allemands, l'enjeu est moindre. L'absence d'accès à tout marché public américain semble toutefois aller de soi pour les Américains, dont le Buy American Act précise clairement la doctrine.

Revoir les négociations commerciales

Plus généralement, le secrétaire d'État français appelle d'ailleurs à revoir les pratiques de négociations commerciales de l'UE, et à lutter contre les logiques bureaucratiques dans lesquelles un échec des discussions devient un échec des négociateurs ou des administrations.

« Il faut réfléchir à la caducité des mandats. Après un certain nombre d'années, il est normal que les mandats puissent « tomber » si une négociation n'aboutit pas. Un exemple : on est en train de reprendre des discussions avec le Mercosur sur un mandat vieux de 10 ans, alors qu'entre temps le développement de ces pays a très largement évolué » constate l'homme politique.

Fekl, comme ses homologues, continue en revanche de défendre l'accord avec le Canada, qui entre dans sa phase finale, malgré une opposition croissante.

L'accord avec le Canada en suspens

Après des manifestations monstres en Allemagne le week-end dernier, les Belges se sont mobilisés, mardi 20 septembre, contre les accords de libre-échange en cours de négociation par l'UE, TTIP ou CETA mélangés.

Si le TTIP semble désormais moribond, puisque la France n'en veut plus pas plus que la population allemande, l'accord avec le Canada se précise. Le charismatique Premier ministre du Canada, Justin Trudeau, doit venir fin octobre en Europe pour un sommet durant lequel l'accord doit être paraphé. Sa ministre du commerce, Chrystia Freeland, est en Europe cette semaine, et rencontrera notamment à Bratislava, vendredi, les ministres du Commerce des 28.

Un accord néfaste pour l'emploi et pour la croissance ?

Mais après sept ans de négociations, et malgré l'accord des 28 gouvernements, le CETA ne fait pas l'unanimité du côté des populations lasses des conséquences de la mondialisation. Selon une nouvelle étude publiée par l'université canadienne Tufts, les conséquences de cet accord commercial seraient néfastes à la fois pour l'emploi et pour la croissance, et ce contrairement aux études précédentes publiées par le gouvernement canadien ou la Commission européenne.

« Nous avons pris des modèles macro-économiques plus réalistes que ceux utilisés par les gouvernements, la méthodologie est différente », explique l'auteur de l'étude, Pierre Kohler, à EurActiv. « Par exemple, quand il y a des pertes d'emploi à cause de la libéralisation des échanges, le chômage progresse durant un certain temps, parce que les travailleurs ont des compétences spécifiques et ne peuvent pas être immédiatement interchangeables. Or le chômage entraîne une perte de revenue, donc un recul de la demande. Dans un contexte d'austérité et de faible croissance, cette perte n'est pas compensée par les exportations ou les dépenses du gouvernement », assure l'économiste, qui rappelle que les modèles utilisés pour ce type d'étude sont habituellement néo-classiques, et envisagent une utilisation optimale des capacités de production comme le capital ou le travail, non conforme à la réalité selon lui. L'étude a été largement relayée par Attac ou les Verts.

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Par Aline Robert, Euractiv.fr

(Article publié le mercredi 21 septembre 2016)

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Commentaires 2
à écrit le 21/09/2016 à 22:49
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Tafta ou Ceta, ces traités de " libre-échange " ont le même objectif : remise en cause des normes sociales, sanitaires, environnementales, dumping fiscal. Négociés en secret, avec la promesse d'emplois, ils mettent en place un arbitrage privé favorab...

à écrit le 21/09/2016 à 21:33
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C'est du bon sens il est quand même temps d'arrêter de faire n'importe quoi en faisant l'inverse de ce qu'il convient de faire. Que ce traité soit encore en discussion montre à quel point nos décideurs sont totalement déconnectés non seulement des ci...

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