Le Parlement européen fait tanguer la clause d’arbitrage du TTIP

La moitié des commissions du Parlement européen ont repoussé le dispositif de règlement des différends du traité, laissant augurer d’une majorité incertaine.
Les commissions des Affaires économiques et monétaires, des Affaires juridiques, de l'Emploi, de l'Environnement, des Pétitions et des Affaires constitutionnelles se sont opposées au mécanisme d'arbitrage dans leur projet d'avis, alors même que le Parlement est dominé par la famille politique du PPE, favorable au TTIP et à l'arbitrage.

Quelques jours avant l'ouverture du 9ème cycle de négociation entre l'UE et les États-Unis sur le traité transatlantique, les eurodéputés ont durci leur position sur le traité commercial entre l'UE et les États-Unis (TTIP).

Les 14 et 16 avril, 6 des 14 commissions parlementaires qui contribuent au projet de résolution du Parlement européen ont rendu leurs avis sur l'état d'avancement des négociations.

Et l'opposition des députés européens notamment au mécanisme d'arbitrage prévu dans le TTIP apparait de plus en plus forte. Le dispositif censé protéger les investissements en proposant un recours à des tribunaux privés en cas de conflit entre une entreprise privée et un État cristallise les critiques.

« La moitié des commissions du Parlement européen saisies pour avis ont rejeté le dispositif de l'ISDS » s'est félicité l'eurodéputé vert Yannick Jadot, vice-président de la commission du commerce international.

6 commissions opposées à l'arbitrage

Les commissions des Affaires économiques et monétaires, des Affaires juridiques, de l'Emploi, de l'Environnement, des Pétitions et des Affaires constitutionnelles se sont opposées au mécanisme d'arbitrage dans leur projet d'avis, alors même que le Parlement est dominé par la famille politique du PPE, favorable au TTIP et à l'arbitrage.

« Les positions des commissions des Affaires juridiques et de celle des Affaires économiques sont très importantes car ces commissions sont les garantes de la position juridique du Parlement européen » s'est réjoui Yannick Jadot. D'autres commissions comme celle de l'Industrie et des Affaires étrangères se sont cependant prononcées en faveur de l'arbitrage.

En commission des Affaires juridiques, une des commissions jugées le plus compétentes sur la question de l'ISDS, le projet d'avis de l'eurodéputé PPE allemand Axel Voss, initialement en faveur de l'ISDS a finalement été largement amendé par les Verts, les socialistes et la gauche radicale (GUE), donnant lieu à une version finale « anti-ISDS ». Un volte-face qui a poussé le rapporteur PPE à demander le retrait de son nom de l'avis, selon les informations d'EurActiv.

Les avis de différentes commissions ne sont pas contraignants, mais viendront enrichir le rapport de la commission Commerce international, qui devrait être voté le 28 mai, avant d'être adopté en plénière à Strasbourg pendant la session parlementaire de juin.

Vote décisif

Et au total 898 amendements ont déjà été déposés sur ce projet de rapport, porté par le président de la commission du commerce international et rapporteur sur le TTIP, le socialiste allemand Bernd Lange.

« Les amendements [...] montrent qu'il existe quatre domaines principaux qui divisent actuellement les députés. Il s'agit de la protection des données, des services qui pourraient être ouverts aux fournisseurs américains, de la durabilité environnementale et des dispositions sur la protection des investisseurs » a-t-il déclaré.

Le Parlement européen, s'il ne dispose pas officiellement d'une place à la table des négociations du traité transatlantique, menées par la Commission européenne, devra cependant adopter l'accord final, une fois les négociations terminées.

Ce pouvoir de ratification, dont disposent également les différents Parlements nationaux des États membres, donne un poids non négligeable au rapport de la commission du Commerce international, qui constituera un état des lieux des lignes rouges des élus européens, notamment sur la question de l'arbitrage.

Opposition grandissante

« Ces différents votes confortent la position du rapporteur Lange qui affirme qu'il n'est pas nécessaire d'avoir recours au mécanisme d'arbitrage dans le cadre d'accords commerciaux conclus avec des pays dont les systèmes commercial et judiciaire sont robustes et équivalents à celui de l'UE, ce qui inclut évidemment les États-Unis et le Canada » explique Yannick Jadot.

Le rapport Lang écarte en effet le concept même d'arbitrage en cas de différend entre investisseurs et État, affirmant que « le règlement des différends entre États et le recours aux juridictions nationales sont les moyens les plus appropriés en cas de litige relatif aux investissements ».

L'adoption d'un rapport rejetant le mécanisme d'arbitrage lors du vote du mois de juin n'est cependant pas acquise. « Mais c'est aujourd'hui du domaine du possible que le rapport soit adopté, même si le vote sera forcément serré dans les deux cas » reconnait l'eurodéputé vert.

Et les opposants à l'ISDS se retrouvent maintenant dans la quasi-totalité de l'échiquier politique du Parlement européen. Dans une tribune commune publiée dans le Monde, plusieurs eurodéputés français de l'extrême gauche au centre ont appelé la France à repousser ce mécanisme « opaque et biaisé qui affaiblit [les] systèmes juridiques ».

Alternative

« Nous sommes satisfaits de voir que la position sociale-démocrate devient petit à petit la position majoritaire » se félicite-t-on du côté du gouvernement français à l'issue de la semaine de votes.

>>Lire : Naissance d'un front franco-allemand contre l'arbitrage dans le cadre du TTIP

Le gouvernement français défend en effet, avec l'Allemagne, l'éventualité d'autres options de règlement des différends entre investisseurs et États, dont la mise en place d'un mécanisme d'appel, l'encadrement plus strict des recours abusifs de la part du secteur privé ou encore la mise en place d'une cours permanente dédiée à l'arbitrage.

Des propositions sur lesquelles la Commission européenne reste prudente. « Je pense que c'est une bonne idée, mais cela ne peut se faire demain. Pour l'ISDS, il faut l'envisager à court terme, en attendant que cette cour permanente voie le jour » a déclaré la commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström, dans une interview à Blastingnews.

>>Lire : Première consultation publique sur le partenariat transatlantique

La Commission européenne prépare cependant pour le mois de mai des propositions visant à améliorer le dispositif d'arbitrage, sans pour autant le remettre en cause.

Prochaines étapes:

>> 20-24 avril : neuvième cycle des négociations sur le TTIP

>> 28 mai : vote en commission du Commerce international

>> 9 juin : vote prévu en séance plénière du Parlement européen à Strasbourg

Retrouvez toutes les actualités et débats qui animent l'Union Européenne sur Euractiv.fr

Euractiv

Commentaires 7
à écrit le 22/04/2015 à 13:28
Signaler
"D'autres commissions comme celle de l'Industrie et des Affaires étrangères se sont cependant prononcées en faveur de l'arbitrage." Tu parles! Le contraire eût été étonnant.

à écrit le 22/04/2015 à 13:25
Signaler
Ce traité, c'est tout simplement donner aux entreprises le droit de contester la démocratie. Tout ne peut pas être qu'économique, surtout quand l'économie ne profite qu'à la minorité la plus riche. Signer Tafta, c'est signer pour une dictature.

à écrit le 22/04/2015 à 10:39
Signaler
Cette clause d’arbitrage même est une trahison sans nom et ne devrait même pas exister. Un État, la souveraineté populaire donc, n’a aucune raison de devoir se plier à une quelconque exigence d’une multinationale. S’il souhaite voter une loi X ou Y...

à écrit le 21/04/2015 à 22:15
Signaler
Nous commettons une grave et grossière erreur en acceptant ce traité. Notamment à cause du fait que l'Europe n'a pas achevé sa construction juridique commerciale En l'état actuel, il ne s'agit pas d'un traité équilibré. Nous sommes en train de poursu...

à écrit le 21/04/2015 à 21:05
Signaler
Je ne vous explique pas à quel point les enveloppes vont circuler... Déjà, c'est 20 000 dollars pour tout propagandiste US.

à écrit le 21/04/2015 à 18:31
Signaler
On croit rêver. Non contents de voir les Etats européens se dissoudre dans la bulle technocratique de Bruxelles, en renonçant à battre monnaie, à gérer leur économie et de façon plus générale à mener leurs propres politiques dans de plus en plus de d...

à écrit le 21/04/2015 à 17:17
Signaler
Mettre au même niveau une entreprise et un État cela signifie que l'entreprise n'a plus droit a la protection et facilité fournie par cet État. Et signifie aussi que l’État n'est plus qu'une entreprise qui englobe toute les autres a son profit!

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.