Malgré la crise, la Finlande devrait persister dans l'austérité après les élections

La Finlande vote dans un mois sur fond de récession. Mais les grands partis politiques restent attachés à l'austérité et à l'orthodoxie monétaire. A tort ?
la Finlande a connu trois ans de récession de 2012 à 2014 et les perspectives sont moroses.
la Finlande a connu trois ans de récession de 2012 à 2014 et les perspectives sont moroses. (Crédits : DR)

Dans un peu moins d'un mois, les Finlandais renouvelleront leur parlement, l'Eduskunta, dans une ambiance des plus moroses. Le pays a, en effet, l'an dernier, conclut sa troisième année consécutive de récession. Le PIB a reculé de 0,1 % en 2014 après un recul de 1,2 % et 1,5 % respectivement en 2013 et 2012. Cette année, la Commission européenne prévoit une reprise de 0,8 % de la richesse nationale, mais de nombreux économistes, comme ceux de Nordea, ne prévoient qu'une stagnation de l'économie du pays. Bref, la Finlande est en passe de devenir officiellement « l'homme malade de la zone euro. » Depuis 2008, le PIB a perdu 5 % de sa valeur environ.

Les trois piliers disparus de la croissance finlandaise

Le coup est rude pour une économie qui a affiché entre 1995 et 2010 un taux de croissance annuel moyen de 2,9 %, et qui était alors si fière de son modèle basé sur une subtile alchimie entre innovation, protection sociale et compétitivité. Mais, depuis, un à un, les piliers de ce modèle sont tombés. Nokia, entreprise qui a pu, à elle seule, apporter jusqu'à un quart de la richesse du pays au temps de la splendeur, semble désormais en grande difficulté. L'autre force du pays, l'industrie papetière, subit aussi une forte dégradation des conditions de marché à laquelle les entreprises finlandaises peinent à faire face. Enfin, le premier client du pays, la Russie, est sous le coup de sanctions de l'Union européenne et doit faire face à une récession qui se répercute naturellement sur l'économie finlandaise.

Désinvestissement

Dans ce contexte, on comprend que le pays subisse une vraie crise de mutation. L'économie finlandaise doit se réinventer et, chose étrange, malgré un fort niveau d'innovation, elle peine à le faire. Comment l'expliquer ? D'abord, par la réponse des entreprises qui ont réduit les coûts en baissant les investissements, donc justement leur capacité d'adaptation. En 2013 et 2014, les investissements en équipements ont reculé de 3,2 % et de 8 %. Selon Bruxelles, la baisse pourrait être de 0,2 % cette année. Au total, comme le souligne les équipes de Nordea, l'investissement privé est revenu en Finlande au niveau de 1999.

Perte de compétitivité relative

Ensuite, par la perte de compétitivité relative de l'économie finlandaise. Selon Eurostat, entre 2010 et 2014, la Finlande a connu une hausse du coût unitaire réel du travail de 10,8 %. C'est la troisième plus forte hausse de la zone euro sur la période, après la Lettonie et la Lituanie. Mais, à la différence de ces deux pays, sur la même période, la productivité finlandaise a reculé de 0,7 % alors qu'elle progressait dans les deux pays baltes plus vite que le coût du travail. En moyenne par an, l'écart entre productivité et salaire en Finlande a été de 2,3 %. Ce n'est pas a priori un scandale compte tenu de l'objectif d'inflation de la zone euro (2 %). Mais voilà, parallèlement, l'écart a été beaucoup plus faible ailleurs dans l'union monétaire : 1,65 % en moyenne annuelle en Allemagne, 0,45 % en France (jusqu'en 2013) et pratiquement 0 en Espagne. Du coup, la Finlande a mécaniquement perdu du terrain qu'elle est incapable de regagner sans « ajuster. » La faute n'en est pas réellement à une « orgie » salariale, mais bien plutôt à une forte modération salariale dans le reste de la zone euro. Finalement, il arrive à la Finlande ce qui est arrivé à plusieurs pays périphériques que son gouvernement a jadis fustigé.

Une situation plus grave qu'en 1993 ?

Cette crise est-elle plus ou moins grave que celle du début des années 1990 qui reste la référence dans l'inconscient collectif finlandais ? A priori, la crise des années 1990 est bien plus grave : un recul maximum du PIB de 13 %, un chômage à 18 %, un risque de faillite souveraine. Aujourd'hui, la dette finlandaise reste solide malgré la perte du AAA chez S&P en octobre et ne représente que 59 % du PIB, le taux du chômage a beaucoup remonté en trois ans, passant de 7,8 % à 8,8 %, mais il reste en deçà du niveau moyen de 1995-2010. Enfin, le PIB n'a reculé depuis 2008 que de 5 % environ. En réalité, la situation pourrait être bien plus préoccupante. En effet, en 1993, la Finlande est sortie assez rapidement de la crise grâce à trois facteurs : la maîtrise de la crise bancaire, la reprise de l'économie mondiale soutenue par l'effet Nokia et, enfin, un ajustement réalisé par une dévaluation du markka, la monnaie finlandaise d'alors, face au mark allemand, puis par une certaine rigueur budgétaire. Or, en 2015, les moyens de sortir de la crise sont devenus rares : il n'y a pas de crise bancaire, l'économie mondiale reste anémique, la Finlande n'a plus de nouveau Nokia et, enfin, le pays ne peut dévaluer pour retrouver de la compétitivité face aux pays de la zone euro. La Finlande pourrait donc être menacée par une longue stagnation.

Début de l'ajustement

En attendant, l'ajustement des salaires a commencé. En 2014, le salaire moyen réel a reculé de 0,2 % en 2013 et n'a augmenté que de 0,3 % en 2014. Il s'en est suivi une baisse de 0,7 % et de 0,2 % de la consommation en 2013 et 2014. Et ce poste devrait rester un maillon faible durable de l'économie, avec le besoin d'ajuster le coût du travail. Mais cet ajustement a été suivi par une politique de restriction de la dépense publique en 2014. Le nouveau Premier ministre conservateur, Alex Stubb, est un orthodoxe convaincu. Craignant une dégradation du déficit finlandais, il a réduit à 0,2 % la consommation publique, aggravant le ralentissement de la croissance. Résultat : la Finlande est sortie des clous de Maastricht avec un déficit de 3,4 % du PIB l'an passé. Le scénario classique des victimes de l'austérité....

Une campagne qui met en avant l'austérité

Logiquement, la question économique est omniprésente dans le débat politique. Assez significativement, les grands partis ne remettent guère en cause la logique d'austérité qui, croit-on en Finlande, est à l'origine du succès des années 1990-2000 (mais on a vu qu'il y avait aussi Nokia et la dévaluation). Le plus déterminé à couper dans les dépenses publiques pour faire revenir la croissance est le parti du Centre, parti historique qui a dominé la vie politique de l'après-guerre. Il est actuellement en tête dans les sondages. Son leader, Juha Sipilä, promet de réduire de deux milliards d'euros par an les dépenses publiques et de ramener à l'équilibre en 2020 le budget.

De son côté, le parti du Premier ministre, le Parti de la Coalition Nationale (Kokoomus, conservateur) a demandé un rapport à l'ancien Premier ministre des Finances suédois, Anders Borg, vraie vedette dans les milieux d'affaires nordiques, sur le « mal finlandais. » Anders Borg réclame une modération salariale, voire une baisse des salaires et une réforme du marché du travail pour le rendre plus flexible et pour augmenter le taux d'emploi. Mais le Kokoomus promet aussi une baisse de 6 milliards d'euros de la dépense publique sur la prochaine législature. Les partisans d'une politique de relance par l'investissement public sont très peu audibles, réduits à l'alliance de gauche et aux Verts (donnés chacun à environ 9 % des voix). Les Sociaux-démocrates demeurent assez attachés au principe de l'orthodoxie financière.

Débat économique bloqué ?

Un débat commence cependant à naître. Vendredi 20 mars, le grand quotidien Helsingin Sanomat a publié une tribune d'un économiste de l'université d'Aalto, Pertti Haaparanta, qui jugeait « non rationnel » le débat économique en Finlande et qui mettait en garde contre les effets d'une forte austérité. Il est vrai que, compte tenu de l'importance de la dépense publique dans le PIB finlandais (58,5 %), des coupes budgétaires ne manqueront pas d'avoir un effet considérable sur la croissance. Il est vrai qu'avec une dette faible par rapport aux autres pays de la zone euro, la Finlande trouverait là une marge de manœuvre. Mais, lundi 23 mars, trois économistes finlandais ont réfuté cette thèse en estimant que cela conduirait à « plus de dette. » Anders Borg avait estimé qu'une relance budgétaire placerait la Finlande sur le chemin de la Grèce, Aki Kangasharju, économiste chez Nordea, estime que cela conduira le pays sur le chemin « du Japon. » Pourtant, dans les deux cas, les coupes budgétaires ont eu aussi une responsabilité dans la dégradation de la situation économique. Le scrutin du 19 avril ne devrait donc rien changer de notable à la politique économique du pays. Et il ne devrait sans doute pas freiner le « mal finlandais. »

Commentaires 5
à écrit le 26/03/2015 à 17:18
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Les derniers chiffres sur l'emploi en Finlande devraient plus inquieter les finlandais qu'ils n'en ont l'air: il est passe de 9,4% a 10,3%. En clair, la situation se degrade a vu d'oeil,

à écrit le 26/03/2015 à 13:38
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Ca fait plus de 30 ans qu'on constate que l'austerité et les coupes en tout genre non seulement ne fonctionnent pas, mais en plus aggravent les choses. On continue a foncer dans le mur ?

le 27/03/2015 à 8:21
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Et une dette qui explose...on continue à foncer dans le mur????

le 27/03/2015 à 10:49
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Quelle dette? Celle qui a permis aux banquiers et financiers de s'enrichir sur le dos des Etats, donc des citoyens qui travaillent et paient des impôts? La dette c'est principalement la somme des intérêts payés par les Etats depuis 1973. Et ça fait u...

à écrit le 26/03/2015 à 11:28
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Malade de l'Europe ??? D'apres les stats de l'UE, le malade de l'Europe est plutôt du côté de l'Italie : pour 2015-2016, tous les indicateurs sont pires que la Finlande. Sauf que contrairement à la Finlande, l'Italie ces dernières années a presque au...

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