Mario Draghi garde le cap

Le président de la BCE a voulu affirmer l'efficacité présente et future de sa politique monétaire. Tout en mettant en garde contre la persistance du risque d'une trop faible inflation.
Mario Draghi a tenté de convaincre qu'il était sur la bonne voie...

Trois mois après avoir lancé la deuxième version, élargie, de son assouplissement quantitatif (QE), Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE) a profité d'un environnement légèrement plus calme pour tenter de convaincre que son action était la bonne. A Vienne, où la Banque nationale autrichienne (ÖNB) recevait le Conseil des gouverneurs ce jeudi 2 juin, le banquier central a martelé qu'il fallait attendre. Attendre les effets de l'augmentation des rachats mensuels de 60 à 80 milliards d'euros, attendre les effets du taux de dépôt baissé de -0,3 % à -0,4 % et attendre les effets des deux mesures qui seront lancées en juin : les rachats de dette privée (CSPP) à partir du 8 juin et les opérations de refinancement à long terme (TLTRO) qui seront lancés le 22 juin.

Les mesures sont « très efficaces »

« Nous sommes concentrés sur la mise en œuvre des mesures que nous avons prises et sur celles que nous avons encore à prendre », a indiqué Mario Draghi. L'ancien gouverneur de la Banque d'Italie a assuré que « nos mesures ont nettement fait la différence ». « Elles sont très efficaces », a-t-il martelé, ajoutant qu'elles le seraient davantage accompagnées de « réformes structurelles », mais « même sans ces réformes, elles sont efficaces ». Selon le président de la BCE, elles ont permis, en début d'année, d'éviter de « nouvelles détériorations de la situation », mais aussi de ne pas entrer dans une logique « d'effets de second tour » des prix, dans lesquels les prix d'autres produits seraient tirés vers le bas par le prix de l'énergie et du pétrole.

Le risque d'inflation faible demeure

Pour autant, Mario Draghi a assuré de sa détermination à retrouver « sans délai excessif » l'objectif d'inflation de la BCE : une hausse des prix, proche mais inférieure à 2 % par an. Pas question de réviser à la baisse cet objectif, comme le suggèrent certains. De ce point de vue, le compte n'y est pas encore. Malgré une légère accélération de la croissance qui pourrait être de 1,6 % cette année contre 1,4 % prévu jusqu'ici par les équipes de la BCE, l'inflation demeurera très faible. Ces mêmes équipes de la BCE prévoient ainsi 0,2 % d'inflation en 2016 (contre 0,1 % prévu en mars), 1,3 % en 2017 et 1,6 % en 2018. Autrement dit, on restera encore pendant au moins trois ans sous l'objectif, si ces prévisions s'avèrent justes. L'affaiblissement, justement soulignée par Mario Draghi, de l'inflation sous-jacente (hors énergie, alimentation et tabac), alors même que la croissance s'accélérait montre que le risque d'une inflation durablement faible n'est pas à écarter, même en prenant en compte l'effet de base des prix énergétiques. Les salaires demeurent, si l'on excepte l'Allemagne, encore peu sensibles à l'amélioration conjoncturelle. En cas de hausse des prix liée au pétrole, le seront-ils davantage ?

Rester l'arme au pied

L'optimisme de Mario Draghi est donc prudent. L'Italien compte beaucoup sur les actions lancées en juin, le CSPP et le TLTRO II, pour apporter plus d'inflation. D'où l'appel à attendre de « constater les effets » de ces mesures. Mais la BCE demeure l'arme au pied : elle prévoit toujours que ses taux restent au moins à leur niveau « pour une longue période» dépassant la fin prévue des rachats de titres, en mars 2017. Et Mario Draghi a précisé que deux éléments pouvaient amener la banque centrale à réagir encore : le risque de mise en place d'effets de second tour sur les prix et la détérioration des conditions monétaires, qui peut intervenir par une forte hausse des taux ou de l'euro. C'est un élément important dans la mesure où la monnaie commune demeure forte, malgré la politique monétaire de la BCE et la hausse attendue des taux de la Fed. « Nous voulons et nous sommes capables d'agir vite grâce à la flexibilité de nos mesures », a précisé Mario Draghi.

Réponse aux critiques

Le président de la BCE en a profité pour, comme lors de la précédente conférence de presse en avril, répondre aux critiques venus de plusieurs pays sur la faiblesse des taux. « Les taux bas sont un symptôme d'un excès d'épargne sur l'investissement et donc d'une économie faible », a précisé Mario Draghi. Dès lors, les taux zéro sont le bon moyen de restaurer la croissance en incitant à épargner moins et à dépenser davantage. « Si vous voulez des taux d'intérêt plus élevés, vous devez avoir d'abord des taux bas », a conclu le président de la BCE dans une leçon directement adressée aux Allemands dont l'économie ne cesse de dégager des excédents considérables.

Stimuler la demande par les infrastructures

Du reste, sans citer le pays de Goethe, Mario Draghi a beaucoup insisté dans sa déclaration préliminaire sur la nécessité d'une politique d'infrastructures. « A ce stade, il conviendrait de se concentrer sur des actions permettant d'augmenter la productivité et d'améliorer les conditions économique, notamment les mesures permettant de disposer d'infrastructures publiques adéquates, qui sont vitales pour augmenter l'investissement et la création d'emploi », a-t-il indiqué. La démarche est malicieuse : la BCE insiste davantage sur les « politiques structurelles » que sur la politique budgétaire, de quoi satisfaire la Bundesbank allemande, mais elle cite explicitement la nécessité de mener des projets publics d'infrastructures. Or, l'Allemagne est un pays où ces projets sont largement insuffisants.

Rechercher un soutien externe

La demande de « réformes structurelles » est donc un mantra nécessaire, mais qui ne doit pas se limiter pour la BCE aux seules réformes du marché du travail. Certes, la BCE soutient ces politiques, notamment en France. Sans citer l'Hexagone, Mario Draghi a affirmé qu'un taux de chômage élevé devrait être une incitation suffisante pour réformer le marché du travail. Mais la BCE sous-entend aussi clairement que  les pays excédentaires doivent combattre leurs déséquilibres pour « compléter » la politique monétaire. La hache de guerre avec l'Allemagne avait été enterrée en avril avec l'acceptation par la Bundesbank effrayée des attaques politiques contre la BCE menée outre-Rhin de la politique monétaire de Mario Draghi. Mais les tensions demeurent. Et malgré son assurance affichée (« nous devons mener notre politique, même sans réformes structurelles »), Mario Draghi demeure à la recherche d'un soutien externe pour rendre sa politique plus efficace. Un soutien qui reste inexistant, pour l'instant.

Commentaires 4
à écrit le 03/06/2016 à 5:56
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C'est faux: lors de la précédente crise, la BCE a augmenté sans arrêt, par dizaines de milliards, l'aide aux banques grecques tandis que les grecs retiraient leur argent des banques en liquide ou par virement sur des comptes à l'étranger. Au total, l...

à écrit le 02/06/2016 à 21:44
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Le problème est de savoir où il veut aller? Il ne le sait peut être pas lui même! Le tour du rond point devra t' il faire?

à écrit le 02/06/2016 à 18:30
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Ah ca ca plait à Godin le rouge, dépenser sans compter !

à écrit le 02/06/2016 à 18:15
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Le "soutien externe" viendra-t-il du courageux Hollande ?! ;-))

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