Pacte de stabilité et sécurité : le défi de l'Italie à la Commission européenne

Rome augmentera son déficit en 2016 alors que l'Italie était déjà "sous surveillance" de la Commission. Surtout, Matteo Renzi élargit la notion de dépense liée à la sécurité.
Matteo Renzi met entre parenthèses les règles européennes...

Matteo Renzi veut prendre la Commission européenne au mot. Mardi 24 novembre, dans la salle des Horace et des Curiace du Palais du Capitole à Rome, le président du Conseil italien a annoncé une série de mesures pour répondre au nouveau risque créé par les attentats de Paris du 13 novembre dernier. Des mesures d'un montant de deux milliards d'euros qui sont un défi à Bruxelles qui, la semaine dernière, avait souligné que le projet de budget italien était « sous surveillance » et « présentait des risques. »

Si l'Italie a un déficit budgétaire inférieur à 3 % du PIB et dégage un excédent primaire (hors service de la dette), son important endettement la place, en vertu du pacte budgétaire et du Two-Pack, sous la surveillance de la Commission et la contraint à engager une trajectoire budgétaire pour réduire théoriquement cet endettement.

Un déficit plus élevé

Seulement, Pierre Moscovici, le Commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, ne cesse depuis quelques jours d'affirmer partout où il se trouve que le pacte de stabilité et de croissance est un pacte « intelligent » et que la Commission est prête à faire preuve de « flexibilité » compte tenu des événements. Le ministre italien des Finances, Pier Carlo Padoan a ainsi annoncé qu'il demanderait à Bruxelles d'accepter une augmentation du déficit public italien de 2,4 % à 2,6 % du PIB, ainsi que l'exclusion des dépenses militaires du calcul du déficit.

L'audace de Matteo Renzi : avoir une vision plus large des « dépenses de sécurité »

Bien plus que dans le cas français, où la « flexibilité » budgétaire semble aller de soi compte tenu des événements, le cas italien est un véritable test pour savoir si les attentats ont fait prendre conscience de la nécessité de changer de politique à Bruxelles. Car Matteo Renzi a annoncé des mesures qui pourraient faire grincer des dents à Berlaymont, le siège bruxellois de la Commission européenne. Matteo Renzi a certes placé 500 millions d'euros supplémentaires dans le renforcement de la sécurité et 150 millions d'euros dans le renforcement de la cybersécurité, mais il a aussi annoncé des mesures qui visent à renforcer indirectement la sécurité.

La première de ces mesures concerne les forces de l'ordre qui bénéficieront d'un bonus salarial de 80 euros. Une mesure de soutien au pouvoir d'achat qui vise à afficher la solidarité de l'Italie envers ceux qui sont « en première ligne » et à mieux motiver les membres des forces de sécurité. C'est donc une action plus « qualitative » que les simples augmentations de dépenses militaires. Mais ce qui risque surtout de déplaire à Bruxelles, c'est que Matteo Renzi a considéré que la dépense culturelle entrait dans le cadre de ces mesures de sécurité. « Pour chaque euro dépensé dans la sécurité, il faut qu'un euro soit dépensé dans la culture », a indiqué le chef du gouvernement italien. Outre le chèque « culture » de 500 euros pour ceux qui auront 18 ans, Rome entend investir 500 millions d'euros dans la réhabilitation des quartiers difficiles. Une mesure de prévention forte.

Défi au pacte de stabilité

La manœuvre de Matteo Renzi est intéressante parce qu'elle place la Commission européenne face à ses responsabilités. Quoi que l'on puisse penser des mesures « culturelles » de l'Italie, elles permettent d'élargir la notion de dépenses liées aux « circonstances exceptionnelles » créées par les attentats du 13 novembre. Les négociations entre la Commission et Rome s'annoncent donc serrées. Car Bruxelles le sait : in fine, c'est bien toute la logique du pacte de stabilité, mais aussi du pacte budgétaire, qui risque d'être remis en cause dans la mesure où ses exigences de réduction des dépenses affaiblissent des Etats devant faire face à des défis considérables, du terrorisme à la crise migratoire en passant par la faible croissance.

Le renforcement de la sécurité des Etats ne saurait passer uniquement par des actions militaires. Mais dans ce cas, c'est bien toute la logique des règles européennes - et particulièrement de celles prises depuis la crise de 2010 - qui doit être revue pour qu'elles se montrent réellement « intelligentes. » L'Italie de Matteo Renzi a l'intérêt de poser clairement le problème. Une clarification devra suivre.

Commentaires 3
à écrit le 25/11/2015 à 14:28
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c'est ça le courage et un exemple

à écrit le 25/11/2015 à 13:06
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Messieurs les libéraux faites vous une raison la mondialisation était une utopie !!!

à écrit le 25/11/2015 à 12:47
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L'Italie s'engouffre dans la brèche ... faite par Hollande (ce dernier utilise ce prétexte pour ne pas réformer et laisser les déficits explosés). La France a encore de l'influence ... dans la bêtise.

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