Qui est Margrethe Vestager, la commissaire qui s'attaque aux multinationales ?

[Portrait] La commissaire européenne Margrethe Vestager vient d'être élue femme de l'année par le Financial Times. Cette Danoise est devenue l'une des stars de la Commission européenne en s'attaquant à Google, Apple et d'autres multinationales du même rang. Face à la montée des nationalismes et de l'europhobie, Mme Vestager pourrait redonner de l'espoir à ceux qui ne croient plus en l'Europe actuelle.
Grégoire Normand
Cette mère de trois enfants est devenue ministre à 29 ans au Danemark.

La presse étrangère la décrit comme la femme la plus influente de la Commission européenne. Anne-Laure Delatte, professeure invitée à Princeton et directrice adjointe du CEPII évoque Margrethe Vestager comme "un remède anti-Trump" :

"Une technique thérapeutique pour traiter l'état de stress post-traumatique est de remplacer les images anxiogènes par des images positives, porteuses d'espoir. En ce moment, mon cerveau me projette l'image de Margrethe Vestager."

Si la commissaire à la concurrence suscite parfois de l'admiration, ce n'est pas toujours le cas dans la classe politique française. Mme Vestager qui était en déplacement il y a quelques jours au Parlement français n'a pas attiré les foules. Au Sénat, seuls dix élus sont venus pour l'interroger sur les dossiers qu'elle traite comme le relate le site Contexte.

Pourtant elle semble presque faire l'unanimité au sein du Parlement européen comme le rappelle la députée européenne Sylvie Goulard sur son blog:

Elle est très vive et a réfléchi à cette politique qu'elle a envie de faire évoluer. Pleine d'humour et de charme, elle a donné un bel exemple de compétences au féminin. Une très large majorité de parlementaires a approuvé sa candidature.

L'intransigeante

Depuis son arrivée à la Commission européenne en novembre 2014 sous la présidence de Jean-Claude Juncker, cette Danoise de 48 ans s'est attaquée à de nombreux dossiers et la liste ne cesse de s'allonger comme le souligne le Financial Times. Apple, Google, Gazprom, Amazon, McDonald's, Volvo, Starbuck's sont dans le viseur de cette femme déterminée. Et ses combats semblent payer. Apple a écopé d'une amende record de 13 milliards d'euros il y a quelques mois à la suite d'arrangements fiscaux avec l'Irlande, même si un appel est en cours.

>> Lire aussi :UE : Apple devra rembourser 13 milliards d'euros à l'Irlande

Toutes ces initiatives ont d'ailleurs éveillé des critiques chez les Américains notamment. Jack Lew, le secrétaire au Trésor, dans une lettre écrite en février dernier à Jean-Claude Juncker, avait déclaré que l'UE "semble cibler les entreprises américaines de façon disproportionnée". Mais elle "elle ne se laisse pas déstabiliser par les critiques", raconte l'un de ses proches à Politico. Par ailleurs, ces reproches ne résistent pas longtemps à l'épreuve des faits. La Commission européenne vient d'infliger de lourdes amendes à des banques européennes dans le cadre du scandale Euribor.

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Crédits :Yves Herman/Reuters

Une rupture avec son prédécesseur

Dans le dossier Google, l'ancien commissaire à la concurrence Joaquin Almunia avait adopté une stratégie de conciliation avec la firme américaine. A trois reprises, il avait cherché à mettre en place des compromis avec le géant de la Tech, sans succès. Avant même sa prise de poste à la Commission, Mme Vestager avait promis une ligne dure face à Google comme le rappelle Euractiv :

« Nous avons rassemblé les plaintes d'un grand nombre de concurrents et nous continuons à découvrir de nouvelles facettes du problème. Je ne vais pas me perdre dans les détails aujourd'hui, mais afin de mettre la loi en œuvre efficacement, nous devons nous montrer aussi durs que ce que peuvent être les entreprises. Nous ne pouvons pas continuer à enchaîner enquête après enquête. »

Elle a ensuite affûté sa réputation en récupérant le dossier des Luxleaks relatifs aux arrangements de certaines multinationales avec le Luxembourg. Ce dossier s'est révélé complexe à traiter en raison de la nationalité luxembourgeoise du président Juncker.

Ministre à 29 ans

Avant de devenir Commissaire européenne, Margrethe Vestager a gravi les échelons de la vie politique danoise en quelques années comme l'atteste son CV. Cette diplômée en sciences économiques est nommée ministre de l'Education dans un gouvernement de centre-gauche en 1998. Elle fait par la suite ses armes en tant que député de 2001 et 2014 dans le groupe parlementaire Social Liberal. De 2007 à 2011, elle prend la direction du parti Social Liberal et obtient la direction du groupe parlementaire éponyme. Enfin de 2011 à 2014, elle devient ministre des Affaires économiques et de l'intérieur.

Elle a également développé ses compétences dans le monde économique en travaillant pendant plus de trois ans pour l'Agence pour le management financier et les affaires administratives.

De Borgen au tricot

La trajectoire politique de Vestager a inspiré le scénariste Adam Price de la série Borgen, une femme au pouvoir. Pour camper le rôle de Birgitte Nyborg, Première ministre danoise, l'actrice Babett Knudsen a suivi Margrethe Vestager le temps d'une journée lorsqu'elle était à la tête du ministère de l'Economie rapporte France TV Info.

Elle entretient également sa popularité par le biais des réseaux sociaux en publiant régulièrement des photos de sa passion pour le tricot qui n'est désormais plus un secret pour personne.

Les mentions de critiques à son égard sont très rares. Interrogé par Atlantico, le journaliste Claus Kragh qui travaille au journal danois Mandag Morgen évoque "des personnes qui disent qu'elle peut être arrogante, ce qui est souvent le cas avec des personnalités si fortes que cela." Il n'y a pas de doutes, cette commissaire à la concurrence devrait encore faire parler d'elle. 

Grégoire Normand
Commentaires 6
à écrit le 18/04/2018 à 12:06
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Si on me demande mon avis, ma réponse sera; Margrethe Vestager

à écrit le 12/12/2016 à 7:58
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Quelle honte que seulement 10 sénateurs ne se soient déplacés pour son audition! Encore un bon argument pour la disparition ou au moins la réforme de cette chambre archaïque et dépensière (enfin bon Renzi vient d'essayer comme de Gaulle, pas faci...

à écrit le 09/12/2016 à 19:03
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"Ce dossier s'est révélé complexe à traiter en raison de la nationalité luxembourgeoise du président Juncker." Si c'est compliqué parce que Juncker est la courroie de transmission des Paradis fiscaux (dont le Luxembourg) et de lobbies, alors il faut...

à écrit le 09/12/2016 à 15:48
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J'ai lu tout votre article et à aucun moment il n'est prouvé qu'elle s'attaquait aux multinationales. Si pour vous faire appliquer des règles aux multinationales c'est s'attaquer à elles alors d'accord mais dans ce cas on part vraiment de très lo...

le 09/12/2016 à 18:09
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Vous reconnaissez que cette fonctionnaire est compétente et honnête et vous en concluez que la Farce doit sortir de l'UE. Curieuse contorsion intellectuelle. C'est le fonctionnement d'un cerveau nationaliste ? Ou l'expression de l'espoir de conser...

le 10/12/2016 à 0:34
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@Citoyen Blasé. Oui, ça n'a l'air de rien comme ça: elle se "contente" de faire appliquer les règles. Oui, mais c'est la première à vraiment le faire! Et oui, elle me redonne un peu d'espoir en l'Europe! Il faut réformer l'Europe, plutôt que d'en ...

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